Sam Nujoma
Samuel Shafiishuna Daniel Nujoma, dit Sam Nujoma, né le à Ongandjera et mort le à Windhoek[1],[2], est un homme d'État namibien. Membre de l'Organisation du peuple du Sud-Ouest africain (SWAPO) et considéré comme le « père de l'indépendance »[3], il fut le premier président de la Namibie, entre 1990 et 2005. Ses positions et la répression qu'il mène lors de la seconde partie de sa présidence l'ont fait parfois surnommé le « petit Mugabe » ou « Mugabe light »[4].
Sam Nujoma | |
![]() Sam Nujoma en 2004. | |
Fonctions | |
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Président de la république de Namibie | |
– (15 ans) |
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Élection | |
Réélection | |
Premier ministre | Hage Geingob Theo-Ben Gurirab |
Prédécesseur | Poste créé |
Successeur | Hifikepunye Pohamba |
Biographie | |
Nom de naissance | Samuel Shafiishuna Daniel Nujoma |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Ongandjera (Sud-Ouest africain) |
Date de décès | (à 95 ans) |
Lieu de décès | Windhoek (Namibie) |
Nationalité | Namibienne |
Parti politique | SWAPO |
Conjoint | Kovambo Theopoldine Katjimune |
Enfants | Utoni Daniel Nujoma John Ndeshipanda Nujoma Sakaria Nefungo Nujoma Nelago Nujoma |
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Présidents de la république de Namibie | |
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Biographie
modifierJeunesse
modifierNé le à Ongandjera au sein d'une famille de bergers ovambos dans le Sud-Ouest africain, alors sous mandat sud-africain, Sam Nujoma est l’aîné de onze enfants. Son père est Daniel Uutoni Nujoma (1893-1968) et sa mère, qui vécut à un âge très avancé (environ 110 ans) et verra de son vivant son fils à la présidence, est Helvi Mpingana Kondombolo (1898-2008). Il passe l'essentiel de son enfance à mener une vie pastorale traditionnelle en surveillant les troupeaux de bétail dans les champs. Il ne va pas longtemps à l'école en dehors des leçons de l'école primaire du soir qu'il suit à Ongandjera. Il part vivre chez une tante, dans un township de la capitale, et découvre les discriminations contre les Noirs. Il devient ensuite balayeur des chemins de fer près de la capitale Windhoek, et ensuite syndicaliste. Il s’intéresse très jeune à la politique et s’engage dans le combat indépendantiste[3]. Sam Nujoma poursuit ses études, pour obtenir son certificat junior par correspondance au Trans-Africa Correspondence College en Afrique du Sud[5].
Lutte armée
modifierEn 1959, Nujoma crée avec Andimba Toivo ya Toivo l'Organisation du peuple de l'Ovamboland, qui se fond le dans l'Organisation du peuple du Sud-Ouest africain (SWAPO). Nujoma en devient le premier président et commence à prendre part dans la clandestinité à la lutte armée contre la puissance coloniale, l’Afrique du Sud, qui depuis le début des années 1950, administre le Sud-Ouest africain selon les principes et les lois de l'apartheid, classifiant la population entre races et divisant le territoire en réserves indigènes et terres riches ou fertiles réservées aux Blancs[6].
Il parvient à faire reconnaître la SWAPO aux Nations unies comme seul représentant légitime du Sud-Ouest africain rebaptisé Namibie en 1968 alors que l’organisation internationale met fin au mandat sud-africain.
Forcé à l'exil, la SWAPO et Nujoma ne parviennent jamais à occuper un millimètre du territoire namibien, pourtant vaste et essentiellement désertique, durant toute la lutte armée. Pire, en 1975, l'Afrique du Sud envoie un contingent militaire envahir l'Angola, la base arrière de la SWAPO.
Contestation
modifierEn , dénonçant le népotisme, la corruption et l'inefficacité de la direction du mouvement, Andreas Shipanga l'un des cofondateurs de la SWAPO tente de prendre le contrôle du quartier général du parti à Lusaka en Zambie, mais Nujoma appelle à la rescousse Kenneth Kaunda, le président zambien, pour éviter d'être démis de ses fonctions par la force. Les rebelles sont finalement arrêtés et emprisonnés. Certains seront relâchés au bout de six mois, d'autres disparaîtront définitivement alors que Shipanga n'est lui-même libéré qu'en .
En dépit de l'échec de la lutte armée, Nujoma se maintient à la tête de l'organisation, soutenue par les régimes marxistes d'Angola, de Cuba et surtout de la République démocratique allemande.
Indépendance
modifierEn 1978, le Conseil de sécurité des Nations unies adopte la résolution 435 qui prévoit un processus menant à l'indépendance de la Namibie. Il faut cependant attendre le pour qu'un accord soit signé entre les belligérants, qui aboutit au retrait des Cubains d'Angola et des Sud-Africains de Namibie.
Aux élections de , supervisées par l'ONU et destinées à désigner une Assemblée constituante, la SWAPO emporte la victoire avec 57 % des suffrages[7] grâce à son implantation dans la tribu des Ovambos qui représentent 55 % de la population. Nujoma est élu par l'Assemblée constituante président du futur État dont l'indépendance est proclamée le .
Président de la République
modifierLe jour de l'indépendance, Sam Nujoma prête serment en tant que président de la République de Namibie sous les yeux, entre autres, de Javier Pérez de Cuéllar, secrétaire général des Nations unies, Frederik de Klerk, président de la République d'Afrique du Sud et Nelson Mandela, tout juste libéré de prison[8].
Bien que marxiste, Nujoma applique dès le départ une politique modérée dans un contexte international défavorable aux régimes communistes. Son plan de réforme agraire est d’abord on ne peut plus consensuel entre Blancs et Noirs. Il mène durant son premier mandat une politique pragmatique et modérée visant à œuvrer à la réconciliation nationale et à l'unité du pays[9]. À la suite de l'achat d'un avion de luxe Falcon par Nujoma en 1992, lequel est révélé par les journaux quelques semaines après que la Namibie a lancé un appel à l'aide internationale contre une sécheresse sévère, la Norvège suspend son aide financière au pays.
Le , il est largement réélu par 76,3 % des voix[7] et entame un second mandat en . Bénéficiant de la majorité nécessaire, Nujoma fait modifier la Constitution pour effectuer un troisième mandat. En , il est réélu avec 76,8 % des suffrages[7].
En 1998, Nujoma a pris la défense du président de la République démocratique du Congo, Laurent-Désiré Kabila, lorsque son régime a été menacé par des rebelles soutenus par le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi pendant la deuxième guerre du Congo. La Namibie s’est impliquée dans la guerre au nom de son engagement envers la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Les troupes namibiennes, angolaises, tchadiennes et zimbabwéennes ont aidé Kabila à repousser les attaques, une action que Sam Nujoma a considérée comme une défense de la souveraineté de la RDC contre les ingérences extérieures[10].
Sam Nujoma était le mécène international et un fervent partisan du Cheetah Conservation Fund, basé en Namibie. Sam Nujoma était également un défenseur des droits des femmes et des enfants, ayant demandé aux pères de payer l'entretien des enfants nés hors mariage[11]. Sam Nujoma s'opposait également à la pratique consistant à expulser les veuves du domicile familial après le décès de leur mari[12].
Au début des années 2000, constatant la forte demande des Noirs en quête de terres cultivables, il propose une nouvelle réforme beaucoup plus autoritaire mais la réforme agraire semblable et désastreuse, alors en cours au Zimbabwe et effectuée par son ami Robert Mugabe, en suspend l’application.
En 2000, Nujoma dit que le SIDA est une « arme biologique fabriquée par l'Homme ». À un certain point de sa présidence, il a brièvement interdit la diffusion de programmes de télévision étrangers en Namibie, les accusant de corrompre la jeunesse du pays[13].
En 2001, Sam Nujoma ordonne une répression contre les gays et les lesbiennes de Namibie, intimant cet ordre aux forces de l'ordre : « La police doit arrêter, emprisonner et expulser les homosexuels et les lesbiennes trouvés en Namibie. » Il se justifie en décrivant l'homosexualité comme étant une « idéologie étrangère et corrompue. » À la suite de cet appel du président, une vague de violence homophobe se déchaîne dans tout le pays de la part de la police et de la population. Des homosexuels sont physiquement attaqués par des foules et ils sont massivement arrêtés et emprisonnés. Durant cette période, ceux et celles qui ne sont pas découverts sont obligés de vivre dans la peur et la clandestinité[14],[15],[16]. Lors d'un discours aux étudiants de l’université de Namibie à Windhoek, le président Nujoma continue de menacer la communauté LGBT namibienne : « La République de Namibie n'autorise pas l'homosexualité et le lesbianisme. La police a l'ordre de vous arrêter, de vous expulser et également de vous emprisonner. »[17] Son ministre des Affaires intérieures, Jerry Ekandjo (en), dit de son côté à sept cents policiers et policières fraîchement diplômés : « Éliminez les gays et les lesbiennes de la surface de la Namibie. S'ils ont un chien gay, tuez-le. » Pressé par un journaliste de confirmer s'il a bien dit ces propos, Ekandjo répond : « Ce sont les homosexuels qui vous ont envoyé ici? Que les homosexuels eux-même m'appellent, je pourrai alors leur donner la réponse. En Namibie, ils sont contents de ma déclaration. »[18]
À la fin de son mandat, un Nujoma omnipotent et aigri s’égare en insultes homophobes[19] ou racistes contre les Blancs, voire contre ses rivaux dans la SWAPO, tels Hidipo Hamutenya, limogé de son poste de ministre des Affaires étrangères deux jours avant le congrès de la SWAPO du qui devait choisir le candidat à l'élection présidentielle. Son soutien inconditionnel à Mugabe entache alors la réputation de la Namibie faisant craindre pour le pays une contagion zimbabwéenne.
En 2004, sous pression de la SWAPO, il renonce à modifier la Constitution une nouvelle fois et se choisit un successeur, Hifikepunye Pohamba, lequel est confortablement élu en novembre de la même année et succède à Nujoma le .
Retraite
modifierSon départ du pouvoir intervient alors à un bon moment pour la stabilité du pays, même s’il continue dans l’ombre à tirer les ficelles du gouvernement. En 2006, une délégation de la SWAPO venue lui demander de céder sa place de président du parti au président de la République, Hifikepunye Pohamba, provoque la fureur de Nujoma, qui leur répond par une fin de non-recevoir avant de sortir en claquant la porte[réf. nécessaire].
Sam Nujoma demeure président de la SWAPO jusqu'en 2007, année où il finit par accepter de démissionner sous la pression des cadres du parti.
En 2009, Sam Nujoma fait à plusieurs reprises des déclarations violentes, racistes et haineuses. À la mi-, durant un discours à la ligue jeunesse de la SWAPO, il appelle celle-ci à prendre les armes et, selon ses propres termes, à « chasser les colons du pays. »[20] Le même mois, il attaque l'Église évangélique luthérienne germanophone de Namibie (DELK), l'accusant d'avoir « collaboré avec l'ennemi avant l'indépendance et peut-être encore d'être un ennemi ». Il déclare également : « Nous les tolérons. Mais s'ils ne se comportent pas bien, nous les attaquerons. Et lorsqu'ils appelleront leurs amis blancs d'Allemagne, nous leur tirerons une balle dans la tête. »[21]. En , lors d'un discours prononcé dans le nord de la Namibie pour défendre Robert Mugabe, Sam Nujoma attaque verbalement à plusieurs reprises les Américains, les Britanniques et les Allemands. Il exhorte ses partisans que : « dès que vous voyez un Anglais, frappez-le avec un marteau dans la tête ». Il ajoute en outre, comme il l’avait déjà fait en , que « […] les Allemands qui ne veulent pas coopérer devraient recevoir une balle dans la tête. »[22]
Mort
modifierSam Nujoma est décédé le à Windhoek, à l'âge de 95 ans[23], après trois semaines d'hospitalisation[24], en raison de « mauvaises conditions de santé »[12].
Le gouvernement namibien annonce par la suite une période de deuil national[25]. Le Congrès national africain d'Afrique du Sud met également le drapeau de son parti en berne, en hommage à Sam Nujoma[26].
Hommages
modifierLe nom de Sam Nujoma a été donné à plusieurs artères dans différentes villes du pays.
- Windhoek : Sam Nujoma Drive (anciennes Curt von François Avenue et Gobabis Road).
- Swakopmund : Sam Nujoma Avenue (ancienne Kaiser WilhemStrasse).
- Keetmanshoop : Sam Nujoma Drive (ancienne Kaiser Street).
Notes et références
modifier- ↑ Namibia's 'founding father' Sam Nujoma dies aged 95
- ↑ (en-GB) « Sam Nujoma: First president of Namibia dies aged 95 », sur www.bbc.com, (consulté le )
- « Namibie : Sam Nujoma, ancien président et père de l’indépendance du pays, est mort », sur www.lemonde.fr, (consulté le )
- ↑ Disparition Samuel Nujoma, le berger devenu héros de l’indépendance namibienne sur RFI
- ↑ « Namibië begrawe sy volksmoeder », sur www.republikein.com.na, (consulté le )
- ↑ Sam Nujoma incarnait la lutte pour la liberté en Namibie. theconversation.com, 09 février 2025.
- (en) Élections en Namibie, African Elections Database
- ↑ Le 21 mars 1990, le sacre de Sam Nujoma en Namibie. Jeune Afrique, 21 mars 2024.
- ↑ « Samuel Nujoma, le berger devenu héros de l’indépendance namibienne », sur RFI, (consulté le )
- ↑ « safpi | AFRICA | No Namibian troops to DRC », sur safpi (consulté le )
- ↑ « BBC News | AFRICA | Sam Nujoma, first president of Namibia, dies aged 95 », sur www.bbc.com (consulté le )
- « BBC News | AFRICA | Sam Nujoma: The revolutionary leader who liberated Namibia », sur www.bbc.com (consulté le )
- ↑ (en) « Sam Nujoma, Namibia's fiery freedom fighter and first president, dies aged 95 », sur AP News, (consulté le )
- ↑ (en-GB) Julie Bourdin, « ‘Glimmer of light’ in the fight for LGBTQ+ equality in Namibia », The Guardian, (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
- ↑ (en-US) « Namibian Leader's Attacks Worry Gays », Washington Post, (ISSN 0190-8286, lire en ligne, consulté le )
- ↑ (en) Human Rights Watch, « I. INTRODUCTION II. THE SPREAD OF HOMOPHOBIC RHETORIC IN SOUTHERN AFRICA », sur www.hrw.org (consulté le )
- ↑ « nam008 Namibian president announces purges against gays », sur web.archive.org, (consulté le )
- ↑ « BBC News | AFRICA | Namibia gay rights row », sur news.bbc.co.uk (consulté le )
- ↑ Patrick Awondo, Peter Geschiere, Graeme Reid, Alexandre Jaunait, Amélie Le Renard et Élisabeth Marteu, « Une Afrique homophobe ? », Raisons politiques, 2013/1, n°49, p. 95-118.
- ↑ « Jugend gemahnt », sur web.archive.org, (consulté le )
- ↑ « „Wir schießen ihnen in Köpfe“ », sur web.archive.org, (consulté le )
- ↑ « Neue Hasstiraden von Nujoma », sur web.archive.org, (consulté le )
- ↑ « Namibie: Sam Nujoma, figure de l’indépendance et ancien président, décède à l’âge de 95 ans », sur www.rfi.fr, (consulté le )
- ↑ « Mort à 95 ans de Sam Nujoma, père de l'indépendance de la Namibie », sur www.courrierinternational.com, (consulté le )
- ↑ « Sam Nujoma, Namibia’s ‘founding father’ and first president, dies aged 95 », sur www.aljazeera.co, (consulté le )
- ↑ « South Africa’s ANC flies flag at half-mast for Namibia’s founding father, Nujoma », sur www.namibian.com.na, (consulté le )
Liens externes
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- (en) Site officiel
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