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Lecture Linéaire Edmond ROSTAND Cyrano de Bergerac 1897 Acte III Début de La Scène 7 Dite Scène Du Balcon, Vers 1 À 30

La scène du balcon dans 'Cyrano de Bergerac' met en lumière le dialogue entre Roxane et Christian, où Cyrano, caché, souffle les mots à Christian pour séduire Roxane. Cette scène illustre la complexité des sentiments et des identités, avec Cyrano révélant son amour à travers les paroles de Christian. Finalement, Cyrano réussit à captiver Roxane, inversant les rôles et mettant en avant son intelligence et sa culture.

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Lecture Linéaire Edmond ROSTAND Cyrano de Bergerac 1897 Acte III Début de La Scène 7 Dite Scène Du Balcon, Vers 1 À 30

La scène du balcon dans 'Cyrano de Bergerac' met en lumière le dialogue entre Roxane et Christian, où Cyrano, caché, souffle les mots à Christian pour séduire Roxane. Cette scène illustre la complexité des sentiments et des identités, avec Cyrano révélant son amour à travers les paroles de Christian. Finalement, Cyrano réussit à captiver Roxane, inversant les rôles et mettant en avant son intelligence et sa culture.

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Lecture linéaire Edmond ROSTAND Cyrano de Bergerac 1897 Acte III début de la scène 7 dite « scène

du balcon », vers 1 à 30 (Merci à Claire Souillol)

ROXANE, CHRISTIAN, CYRANO, d’abord caché sous le balcon.

Roxane, entrouvrant sa fenêtre.


Qui donc m’appelle ?
Christian.
Moi.
Roxane.
Qui, moi ?
Christian.
Christian.
Roxane, avec dédain.
C’est vous ?
Christian.
Je voudrais vous parler.
Cyrano, sous le balcon, à Christian.
Bien. Bien. Presque à voix basse.
Roxane.
Non ! Vous parlez trop mal. Allez-vous-en !
Christian.
De grâce !…
Roxane.
Non ! Vous ne m’aimez plus !
Christian, à qui Cyrano souffle ses mots.
M’accuser, — justes dieux ! —
De n’aimer plus… quand… j’aime plus !
Roxane, qui allait refermer sa fenêtre, s’arrêtant.
Tiens, mais c’est mieux !
Christian, même jeu.
L’amour grandit bercé dans mon âme inquiète…
Que ce… cruel marmot prit pour… barcelonnette !
Roxane, s’avançant sur le balcon.
C’est mieux ! — Mais, puisqu’il est cruel, vous fûtes sot
De ne pas, cet amour, l’étouffer au berceau !
Christian, même jeu.
Aussi l’ai-je tenté, mais tentative nulle
Ce… nouveau-né, Madame, est un petit… Hercule.
Roxane.
C’est mieux !
Christian, même jeu.
De sorte qu’il… strangula comme rien…
Les deux serpents… Orgueil et… Doute.
Roxane, s’accoudant au balcon.
Ah ! c’est très bien.
— Mais pourquoi parlez-vous de façon peu hâtive ?
Auriez-vous donc la goutte à l’imaginative ?
Cyrano, tirant Christian sous le balcon et se glissant à sa place.
Chut ! Cela devient trop difficile !…
Roxane.
Aujourd’hui…
Vos mots sont hésitants. Pourquoi ?
Cyrano, parlant à mi-voix, comme Christian.
C’est qu’il fait nuit,
Dans cette ombre, à tâtons, ils cherchent votre oreille.
Roxane.
Les miens n’éprouvent pas difficulté pareille.
Cyrano.
Ils trouvent tout de suite ? oh ! cela va de soi,
Puisque c’est dans mon cœur, eux, que je les reçois ;
Or, moi, j’ai le cœur grand, vous, l’oreille petite.
D’ailleurs vos mots à vous descendent : ils vont plus vite,
Les miens montent, Madame : il leur faut plus de temps !
Roxane.
Mais ils montent bien mieux depuis quelques instants.
Cyrano.
De cette gymnastique, ils ont pris l’habitude !
Roxane.
Je vous parle en effet d’une vraie altitude !
Cyrano.
Certes, et vous me tueriez si de cette hauteur
Vous me laissiez tomber un mot dur sur le cœur !
Roxane, avec un mouvement.
Je descends !
Cyrano, vivement.
Non !

Introduction.
Cyrano de Bergerac est l'une des pièces les plus populaires du théâtre français, et la plus célèbre de
son auteur, Edmond Rostand. Librement inspirée de la vie et de l'œuvre de l'écrivain libertin Savinien
de Cyrano de Bergerac (1619-1655), elle est représentée pour la première fois le 28 décembre 1897,
au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, à Paris2.

La pièce est difficile à jouer : elle fait intervenir une cinquantaine de personnages, elle est longue, le
rôle-titre est particulièrement imposant (plus de 1 600 vers en alexandrins), les décors sont très
différents d'un acte à l'autre et elle comporte une scène de bataille. À une époque où le drame
romantique a disparu au profit de dramaturges qui reprennent les recettes de la comédie dans le
vaudeville (les Labiche et Feydeau sont toujours à l'affiche) ou de pionniers du théâtre moderne
(Tchekhov, Ibsen, Strindberg), le succès en était si peu assuré qu'Edmond Rostand lui-même,
redoutant un échec, se confondit en excuses auprès de l'acteur Coquelin, le jour de la générale. La
pièce est pourtant un triomphe et Rostand reçut la Légion d'honneur quelques jours plus tard, le 1er
janvier 1898.

Problématique :
Comment, sous couvert de dissimulation, le personnage se révèle-t-il pleinement ?

Mouvements du texte :
• vers 1 à 5 : regagner l’attention de Roxane
• vers 6 à 13 : un amour semblable à Hercule
• vers 14 à la 30 : justifier la lenteur

1er mouvement :regagner l’attention de Roxane vers 1 à 5


Les débuts de ce dialogue sont difficiles. L’alexandrin morcelé reflète cette difficulté.
Le 1er vers contient 5 répliques dont 4 d’une ou deux syllabes = sècheresse, froideur.
Cyrano est là pour soutenir et encourager Christian « Bien. Bien. Presque à voix basse. » v.2
Il est le souffleur comme l’indique la didascalie « à qui Cyrano souffle ses mots». C’est une forme de
théâtre dans le théâtre. Christian, simple « perroquet » est très vite relayé au second plan alors qu’il
devait être l’acteur principal de la scène.
Roxane ne veut plus écouter Christian et s’adresse à lui « avec dédain » comme l’indique la didascalie.
Roxane marque son refus par la répétition de l’adverbe de négation « Non » en anaphore vers 3 et 4.
Après des phrases interrogatives, elle emploie des exclamatives qui traduisent son ton sec, froid.
Elle fait des reproches à Christian « Vous parlez trop mal. » v. 3ou « Vous ne m'aimez plus ! » v.4 et
veut le chasser dans une phrase sèche à l’impératif « Allez-vous-en ! » v. 3

La disposition spatiale est intéressante et Cyrano en jouera plus tard : Roxane est en hauteur, à sa
fenêtre d’abord puis sur le balcon, les deux hommes sont à ses pieds, l’un visible, l’autre caché. Cette
disposition rappelle Roméo et Juliette, la scène du balcon.
Alors que Roxane pense être seule avec Christian, cette scène réunit 3 personnages. Il y a une forme
de quiproquo de son côté : elle attribue à Christian les paroles de Cyrano.
Cyrano parvient à retenir Roxane, alors qu’elle allait se retirer « qui allait refermer sa fenêtre,
s'arrêtant » dernière didascalie de ce mouvement.
Il y parvient par un trait d’esprit, par la répétition et le jeu sur deux homonymes « De n'aimer plus...
quand... j'aime plus ! » vers 5.
Notons que la parole n’est pas fluide ce que révèlent les points de suspension.
1er propos positif de Roxane : « Tiens, mais c'est mieux ! » vers 5. La phrase exclamative et l’impératif
« tiens » faisant fonction d’interjection marquent son étonnement (assez désobligeant pour Christian).

2ème mouvement : un amour semblable à Herculevers 6 à 13


Encouragé par Roxane, Cyrano (à travers la bouche de Christian) se lance dans une métaphore un peu
précieuse : l’amour devient un petit enfant avec le champ lexical composé des mots « bercé » v.6,
« marmot » v.7 et « barcelonnette » (= berceau) v.7.
« L'amour grandit bercé dans mon âme inquiète...
Que ce... cruel marmot prit pour... barcelonnette1 ! »
Les points de suspension viennent à nouveau marquer le manque de fluidité des propos de Christian,
attendant que Cyrano lui souffle ce qu’il doit dire.
Roxane réitère son encouragement « c’est mieux ! » v.8 (qui réapparaîtra en anaphore v. 12) mais ne
ménage pas son interlocuteur traité de « sot » au v.8. Elle file la métaphore en proposant avec une
certaine cruauté au v.9 de « l’étouffer au berceau » cet amour.
Le champ lexical de la petite enfance s’enrichit peu à peu avec « berceau » v.9 et « nouveau-né »
v.11.
Cyrano manifeste toute la vivacité de son esprit et sa culture : il emprunte à la mythologie (l’Antiquité
romaine) le personnage d’Hercule (Héraclès chez les Grecs). L’amour, véritable Hercule, ne se laisse
pas tuer mais au contraire tue les deux serpents qui veulent sa mort. Ces serpents deviennent des
allégories de l’Orgueil et le Doute.
Dans une gradation, (on avait eu « avec dédain » puis « c’est mieux ! »), Roxane en vient à dire « Ah !
C’est très bien ». Roxane possède la même culture et apprécie les images employées par Cyrano. Il y a
une vraie entente entre les deux personnages.
De même, sa position spatiale évolue : nous passons de « qui allait refermer sa fenêtre, s'arrêtant » à
« s'avançant sur le balcon » puis « s'accoudant au balcon ». Nous voyons qu’elle s’engage
physiquement de plus en plus.

3ème mouvement : justifier la lenteur vers 14 à 30


Roxane change de sujet et s’étonne dela lenteur avec laquelle s’exprime Christian (d’où les points de
suspension mentionnés plus haut).
Elle le formule à l’aide de trois phrases interrogatives : vers 14 « Mais pourquoi parlez-vous de façon
peu hâtive ? » ; à l’aide d’une métaphore inattendue et amusante au vers suivant « Auriez-vous donc
la goutte4 à l'imaginative ? » prouvant qu’elle sait elle aussi manier les mots d’esprit ou encore « Vos
mots sont hésitants. Pourquoi ? » v.17.
C’est alors que Cyrano prend une initiative : il se substitue totalement à Christian. La didascalie « tirant
Christian sous le balcon, et se glissant à sa place » nous l’indique.
Christian est relégué dans l’ombre, muet : « Chut ! » lui dit Cyrano v.16.
Une étape est franchie : Cyrano parle directement à Roxane en essayant de contrefaire Christian
« parlant à mi-voix, comme Christian ».
La conversation devient alors fluide et les points de suspension disparaissent.
Cyrano va même prononcer une réplique de 5 alexandrins suivis (ce qui contraste avec le premier
alexandrin sectionné en 5 parties).
La discussion est à la fois galante et pleine d’esprit.
Les mots sont personnifiés : « à tâtons, ils cherchent votre oreille. » v.18, ils « descendent » v.23,
« montent » v.24 et 25, font de la « gymnastique » v.26.
Cyrano se montre tendre et sensible. Il emploie deux fois le mot « cœur » v.22 « j'ai le cœur grand » et
vers 28-29 « Certes, et vous me tueriez si de cette hauteur / Vous me laissiez tomber un mot dur sur le
cœur ! » Il manie l’hyperbole pour séduire.
Son succès est tel que Roxane veut le rejoindre « Je descends ! » v.30, ce qui risque de mettre en péril
le stratagème d’où la réponse « vivement Non ! » qui clôt notre passage.

Conclusion :
Cette scène qui devait mettre en lumière Christian et laisser Cyrano dans l’obscurité a l’effet inverse.
Cyrano parvient à parler d’amour directement à Roxane et dévoile ses sentiments. Il brille par sa
culture, sa maîtrise du langage et son sens de la répartie. Christian tend à disparaître. La scène
exploite pleinement les ressources de la représentation : lumière, volume de lavoix, position spatiale
pour rendre sensible le rapprochement entre les deux personnages. Tout cela amène le spectateur à
éprouver de l’empathie à l'égard de Cyrano de Bergerac qui devient presque l’amant légitime de
Roxane. Le spectateur espère que la bien-aimée se rendra compte de son illusion et qu’elle saura faire
la part des choses entre être et paraître.

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