Victor Hugo, "Demain, dès l'aube...
"
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, Je partirai.
Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu,
le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera
comme la nuit.
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Victor Hugo, "Demain, dès l'aube..."
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, Je partirai.
Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu,
le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera
comme la nuit.
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et quand
j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Mort de Léopoldine, 4 sptembre 1843. Poème emblématique du deuil de Vi
ctor Hugo. Poème-anniversaire-célébration, écrit le 3 septembre 1846. Décrit
le voyage symbolique par lequel le père va rejoindre la fille morte
La métaphore :« Je ne regarderai ni l'or du soir qui
tombe »
Dans sa douleur, le poète ne voit plus la beauté du monde,
il ne voit plus « l’or du soir ». Ce groupe nominal ne doit
pas être pris au sens propre : l’or ne tombe pas ! C’est
une image, une métaphore. Cette figure de style suppose,
comme la comparaison, un point commun entre deux
choses : la couleur du ciel au crépuscule et la couleur de
l’or. Quand la nuit tombe, la couleur du ciel est comme de
l’or.
La comparaison
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit
Le jour est comparé (c’est donc le comparé) à la nuit (c’est le
comparant). La comparaison est effectuée par l’outil de
comparaison « comme ». Pour qu’il y ait comparaison, il
faut un point commun.
Qu’est-ce que le jour et la nuit - normalement opposés - peuvent
avoir en commun ? Du fait de la tristesse du poète, il n’y a plus
de différences entre le jour et la nuit. La vie est devenue sombre
et synonyme de deuil. On peut penser aussi que le poète ne dort
pas plus le jour que la nuit, ce qui est suggéré par les trois
compléments circonstanciels du premier vers et les futurs
simples laissant comprendre que le poète attend l’aube pour
partir afin de recueillir sur la tombe de sa fille. Sa journée, de
l’aube jusqu’au soir (« Je ne regarderai ni l'or du soir qui
tombe, »), n’est que douleur, telle une boucle se répétant sans
cesse.
L’attente
Le poème « Demain, dès l’aube » commence par un alexandrin
composé de trois compléments circonstanciels de
temps : l’adverbe « demain », les groupes prépositionnels
« dès l’aube » et « à l’heure où blanchit la campagne ».
L’emploi du futur simple « je partirai » (en rejet sur le deuxième
vers) nous donne à penser qu’un homme attend le point du jour
pour partir. Pratiquement l’ensemble du poème est rédigé au
futur (« irai », « marcherai », « regarderai », « arriverai »,
« mettrai »). Ce temps est porteur d’un espoir : retrouver un
être absent ou perdu.