« Drapé (légende) » : différence entre les versions
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== Étymologie et terminologie == |
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Selon [[Frédéric Mistral]], {{lang|oc|''drapet''}} ou {{lang|oc|''draquet''}} désigne un petit {{lang|oc|''drac''}}, soit un petit [[lutin]] en [[Languedoc]]. Il signale en outre que {{lang|oc|''drapet''}}, à [[Montpellier]] (à peu de distance d'Aigues-Mortes), désigne un revenant, peut-être un fantôme « drapé » dans un [[suaire (textile)|suaire]], ce qui pourrait expliquer la parenté — et l'amalgame — des formes {{lang|oc|''drapet-draquet''}}<ref>{{Ouvrage |
Selon [[Frédéric Mistral]], {{lang|oc|''drapet''}} ou {{lang|oc|''draquet''}} désigne un petit {{lang|oc|''drac''}}, soit un petit [[lutin]] en [[Languedoc]]. Il signale en outre que {{lang|oc|''drapet''}}, à [[Montpellier]] (à peu de distance d'Aigues-Mortes), désigne un revenant, peut-être un fantôme « drapé » dans un [[suaire (textile)|suaire]], ce qui pourrait expliquer la parenté — et l'amalgame — des formes {{lang|oc|''drapet-draquet''}}<ref>{{Ouvrage | prénom1 = Frédéric | nom1 = Mistral | lien auteur1 = Frédéric Mistral | titre = Lou Trésor dou Félibrige ou Dictionnaire provençal-français | éditeur = Raphèle-lès-Arles | lieu = Paris | année = 1979 | isbn = 978-84-499-0563-6 | lire en ligne = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k74854.zoom.f833}}</ref>. Il n'existe toutefois pas de source directe pour expliquer le nom de {{citation|{{lang|oc|''lou Drapé''}}}}. |
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== Légende == |
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{{Citation bloc|On donne à [[Aigues-Mortes]] le nom de {{lang|oc|''lou Drapé''}} à un cheval fabuleux, qui est la terreur des enfants, qui les retient un peu sous l'aile de leurs parents, et réprime la négligence des mères. On assure que quand {{lang|oc|''lou Drapé''}} vient à passer, il ramasse sur son dos, l'un après l'autre, tous les enfants égarés ; et que sa croupe, d'abord de taille ordinaire, s'allonge au besoin, jusqu'à contenir cinquante et cent enfants, qu'il emporte on ne sait où.|[[Jacques Auguste Simon Collin de Plancy]]|''Dictionnaire infernal''<ref name="Dictinf">{{harvsp|Collin de Plancy|1993|p=221}}</ref>}} |
{{Citation bloc|On donne à [[Aigues-Mortes]] le nom de {{lang|oc|''lou Drapé''}} à un cheval fabuleux, qui est la terreur des enfants, qui les retient un peu sous l'aile de leurs parents, et réprime la négligence des mères. On assure que quand {{lang|oc|''lou Drapé''}} vient à passer, il ramasse sur son dos, l'un après l'autre, tous les enfants égarés ; et que sa croupe, d'abord de taille ordinaire, s'allonge au besoin, jusqu'à contenir cinquante et cent enfants, qu'il emporte on ne sait où.|[[Jacques Auguste Simon Collin de Plancy]]|''Dictionnaire infernal''<ref name="Dictinf">{{harvsp|Collin de Plancy|1993|p=221}}</ref>}} |
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Les éditions postérieures du [[dictionnaire infernal]], remaniées par rapport à la première édition, mentionnent également {{lang|oc|''lou Drapé''}} de la même façon, en [[1844]]<ref>{{Ouvrage |
Les éditions postérieures du [[dictionnaire infernal]], remaniées par rapport à la première édition, mentionnent également {{lang|oc|''lou Drapé''}} de la même façon, en [[1844]]<ref>{{Ouvrage | prénom1 = Jacques Auguste Simon | nom1 = Collin de Plancy | lien auteur1 = Jacques Auguste Simon Collin de Plancy | titre = Dictionnaire infernal, ou Recherches et anecdotes sur les démons | numéro d'édition = 3 | année = 1844 | passage = 182 | lire en ligne = http://books.google.com/books?id=rukDAAAAQAAJ&dq=cheval%20lou%20drap%C3%A9%20Aigues-Mortes&lr=&hl=fr&pg=PA182#v=onepage&q=&f=false}}</ref>, [[1845]]<ref>{{Ouvrage | prénom1 = Jacques Auguste Simon | nom1 = Collin de Plancy | lien auteur1 = Jacques Auguste Simon Collin de Plancy | titre = Dictionnaire infernal: ou Répertoire universel des êtres, des personnages, des livres, des faits et des choses qui tiennent aux apparitions, aux divinations, à la magie, au commerce de l'enfer, aux démons, aux sorciers, aux sciences occultes, aux grimoires, à la cabale, aux esprits élémentaires... | numéro d'édition = 5 | éditeur = Société nationale | année = 1845 | pages totales = 548 | passage = 170 | lire en ligne = http://books.google.com/books?id=LmU4AAAAYAAJ&dq=cheval%20lou%20drap%C3%A9%20Aigues-Mortes&hl=fr&pg=PA171#v=onepage&q=&f=false}}</ref> et [[1846]]<ref>{{Ouvrage | prénom1 = Jacques Auguste Simon | nom1 = Collin de Plancy | lien auteur1 = Jacques Auguste Simon Collin de Plancy | titre = Dictionnaire des sciences occultes... ou Répertoire universel des êtres, des personnages, des livres... | éditeur = chez l'éditeur | année = 1846 | volume = 48-49 de Encyclopédie théologique ou série de dictionnaires sur toutes les parties de la science religieuse | passage = 501 | lire en ligne = http://books.google.com/books?id=vrsWAAAAQAAJ&dq=cheval%20lou%20drap%C3%A9%20Aigues-Mortes&hl=fr&pg=PT167#v=onepage&q=&f=false}}</ref>. |
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En [[1856]], [[Jacques Paul Migne|Migne]] apporte quelques informations complémentaires dans son ''Encyclopédie théologique'', un ouvrage catholique écrit en collaboration avec Collin de Plancy : |
En [[1856]], [[Jacques Paul Migne|Migne]] apporte quelques informations complémentaires dans son ''Encyclopédie théologique'', un ouvrage catholique écrit en collaboration avec Collin de Plancy : |
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{{Article détaillé|Drac (démon)}} |
{{Article détaillé|Drac (démon)}} |
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Les origines exactes du {{lang|oc|''Drapé''}} ne sont pas connues, mais ce cheval fantastique semble être l'une des innombrables versions du [[Drac (démon)|drac]] des [[Occitanie|pays occitans]], c'est-à-dire un [[démon (esprit)|démon]] lié à l'eau et ses dangers, qui revêt souvent l'apparence d'un [[âne]] ou d'un [[cheval]] et évoque le [[Diable]]<ref>{{Ouvrage |
Les origines exactes du {{lang|oc|''Drapé''}} ne sont pas connues, mais ce cheval fantastique semble être l'une des innombrables versions du [[Drac (démon)|drac]] des [[Occitanie|pays occitans]], c'est-à-dire un [[démon (esprit)|démon]] lié à l'eau et ses dangers, qui revêt souvent l'apparence d'un [[âne]] ou d'un [[cheval]] et évoque le [[Diable]]<ref>{{Ouvrage | prénom1 = Henri | nom1 = Bellugou | titre = Occitanie: légendes, contes, récits | éditeur = Chez l'auteur | année = 1978 | pages totales = 283 | lire en ligne = http://books.google.com/books?hl=fr&id=7UAVAAAAMAAJ&dq=Cheval+fabuleux+voisin+du+Drac%2C+dragon+occitan&q=Drac#search_anchor}}</ref>. Le ''[[Dictionnaire des symboles]]'' cite le [[Drac (démon)|drac]] comme un {{Citation|beau cheval blanc qui saisit les voyageurs pour les noyer dans le [[Doubs (rivière)|Doubs]]}}<ref name="DicSym">{{DicSym}} p.226</ref>, tandis que [[Henri Dontenville]] parle de la vallée de l'[[Alagnon (rivière)|Alagnon]], dans le Cantal, où une rivière coule {{Citation|sinueuse comme un serpent}}. Le drac y élit domicile, se transforme en beau cheval blanc et se laisse docilement monter avant de noyer les enfants ou les bergers<ref name="Dontenville174">{{Harvsp|Dontenville|1973|p=174}}</ref>. |
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=== L'eau et le petit peuple === |
=== L'eau et le petit peuple === |
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Les folkloristes japonais se sont penchés sur les liens existant entre le cheval et les créatures aquatiques pour expliquer la figure japonaise du [[Kappa (mythologie)|kappa]]. Chiwaki Shinoda<ref>Chiwaki Shinoda, « Note sur le kappa, génie des eaux japonais », dans {{Ouvrage |
Les folkloristes japonais se sont penchés sur les liens existant entre le cheval et les créatures aquatiques pour expliquer la figure japonaise du [[Kappa (mythologie)|kappa]]. Chiwaki Shinoda<ref>Chiwaki Shinoda, « Note sur le kappa, génie des eaux japonais », dans {{Ouvrage | prénom1 = Danièle | nom1 = James-Raoul | prénom2 = Claude Alexandre | nom2 = Thomasset | titre = Dans l'eau, sous l'eau: le monde aquatique au Moyen Âge | éditeur = Presses Paris Sorbonne | lieu = Paris | année = 2002 | volume = 25 de Cultures et civilisations médiévales | pages totales = 432 | isbn = 978-2-84050-216-6 | lccn = 2006418129 | passage = 272 | lire en ligne = http://books.google.com/books?id=p5_li-mDWHkC&lpg=PA272&dq=Cheval%20mallet&lr=&hl=fr&pg=PA272#v=onepage&q=&f=false}}</ref> souligne l'ancienneté de cette association qui s'expliquerait selon [[Kunio Yanagita|Yanagida]] par une transformation rituelle du sacrifice du cheval dans l'élément liquide, d'autres auteurs notent que dès le [[Néolithique]], les génies des eaux sont en rapport avec les équidés<ref>{{ouvrage|langue=en|prénom1=Ishida|nom1=Eiichiro|titre=The kappa legend. A Comparative Ethnological Study on the Japanese Water-Spirit Kappa and Its Habit of Trying to Lure Horses into the Water|collection=Folklore Studies|volume=9|année=1950|passage=1-152 |lire en ligne=http://www.jstor.org/stable/1177401}}</ref>. Le ''[[Dictionnaire des symboles]]'' cite un grand nombre de {{Citation|chevaux néfastes, complices des eaux tourbillonnantes}}, principalement dans le folklore franco-allemand : [[blanque jument]], [[Bian cheval]], [[Schimmel Reiter]] et le drac<ref name="DicSym"/>. |
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Jean-Michel Doulet, dans son étude consacrée aux [[Changeling|changelin]]s remarque qu' {{Citation|au bord de l'eau, les silhouettes du lutin et du cheval tendent à se confondre et à se fondre en un seul personnage dont le rôle est d'égarer, d'effrayer et de précipiter dans quelque mare ou rivière ceux qui les montent}}, et cite cette légende d'Aigues-Mortes parmi ses exemples<ref>{{harvsp|Doulet|2002|p=301}}</ref>. Selon une étude sur le [[Nain (mythologie)|nain]] au [[Moyen Âge]], les liens entre [[lutin]]s et chevaux fantastiques sont très étroits car, dans les [[Chanson de geste|chansons de gestes]] comme dans le [[folklore]] plus moderne, lorsque le [[petit peuple]] adopte une forme animale, c'est le plus souvent celle du cheval<ref>{{Ouvrage |
Jean-Michel Doulet, dans son étude consacrée aux [[Changeling|changelin]]s remarque qu' {{Citation|au bord de l'eau, les silhouettes du lutin et du cheval tendent à se confondre et à se fondre en un seul personnage dont le rôle est d'égarer, d'effrayer et de précipiter dans quelque mare ou rivière ceux qui les montent}}, et cite cette légende d'Aigues-Mortes parmi ses exemples<ref>{{harvsp|Doulet|2002|p=301}}</ref>. Selon une étude sur le [[Nain (mythologie)|nain]] au [[Moyen Âge]], les liens entre [[lutin]]s et chevaux fantastiques sont très étroits car, dans les [[Chanson de geste|chansons de gestes]] comme dans le [[folklore]] plus moderne, lorsque le [[petit peuple]] adopte une forme animale, c'est le plus souvent celle du cheval<ref>{{Ouvrage | prénom1 = Anne | nom1 = Martineau | titre = Le nain et le chevalier: Essai sur les nains français du Moyen Âge | sous-titre = Traditions et croyances | éditeur = Presses Paris Sorbonne | lieu = Paris | année = 2003 | pages totales = 286 | isbn = 978-2-84050-274-6 | passage = 91 | lire en ligne = http://books.google.com/books?id=ZXLNEsYPfAsC&lpg=PA91&dq=Cheval%20lou%20Drapé&lr=&hl=fr&pg=PA91#v=onepage&q=&f=false}}</ref>. |
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Beaucoup d'autres [[Cheval dans le folklore français|chevaux du folklore français]] jouent en effet un rôle similaire en relation avec l'eau, comme le mentionne l'[[elficologue]] [[Pierre Dubois (auteur)|Pierre Dubois]] dans son ''Encyclopédie des fées'', en citant le cheval de Guernesey, celui de l'Albret et la personnification de la mer sous forme de jument en Bretagne : la plupart de ces {{Citation|chevaux-fée}} finissent par noyer leurs cavaliers<ref name="Dubois">{{harvsp|Dubois|1996|p=102-103}}</ref>. |
Beaucoup d'autres [[Cheval dans le folklore français|chevaux du folklore français]] jouent en effet un rôle similaire en relation avec l'eau, comme le mentionne l'[[elficologue]] [[Pierre Dubois (auteur)|Pierre Dubois]] dans son ''Encyclopédie des fées'', en citant le cheval de Guernesey, celui de l'Albret et la personnification de la mer sous forme de jument en Bretagne : la plupart de ces {{Citation|chevaux-fée}} finissent par noyer leurs cavaliers<ref name="Dubois">{{harvsp|Dubois|1996|p=102-103}}</ref>. |
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{{Article détaillé|Cheval blanc dans la culture}} |
{{Article détaillé|Cheval blanc dans la culture}} |
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Le ''[[Dictionnaire des symboles]]'' s'attache à la blancheur des chevaux {{Citation|blêmes et pâles}}, animaux {{Citation|nocturnes, lunaires, froids et vides}}, comme un [[suaire (textile)|suaire]] ou un [[fantôme]], qu'il ne faut pas confondre avec les animaux [[:wikt:ouranien|ouranien]]s. Leur couleur évoque le [[deuil]], comme la monture blanche du cavalier de l'[[Apocalypse]] annonçant la mort<ref name="DicSym"/>. La couleur blanche {{Citation|lunaire}} que le {{lang|oc|''Drapé''}} partage avec d'autres chevaux maléfiques — comme le [[cheval Mallet]] — selon les versions plus tardives de la [[légende]], serait celle des chevaux maudits<ref name="pillard">{{Ouvrage |
Le ''[[Dictionnaire des symboles]]'' s'attache à la blancheur des chevaux {{Citation|blêmes et pâles}}, animaux {{Citation|nocturnes, lunaires, froids et vides}}, comme un [[suaire (textile)|suaire]] ou un [[fantôme]], qu'il ne faut pas confondre avec les animaux [[:wikt:ouranien|ouranien]]s. Leur couleur évoque le [[deuil]], comme la monture blanche du cavalier de l'[[Apocalypse]] annonçant la mort<ref name="DicSym"/>. La couleur blanche {{Citation|lunaire}} que le {{lang|oc|''Drapé''}} partage avec d'autres chevaux maléfiques — comme le [[cheval Mallet]] — selon les versions plus tardives de la [[légende]], serait celle des chevaux maudits<ref name="pillard">{{Ouvrage | prénom1 = Guy | nom1 = Pillard | titre = Les survivances et l'environnement mythologiques dans le département des Deux-Sèvres | éditeur = Brissaud | année = 1978 | pages totales = 272 | isbn = 978-2-902170-16-6 | passage = 92 | lire en ligne = http://books.google.com/books?id=YlEFAAAAMAAJ&q=Cheval+mallet&dq=Cheval+mallet&lr=&hl=fr}}</ref>. |
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=== Le dos qui s'allonge === |
=== Le dos qui s'allonge === |
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L'une des caractéristiques typiques de {{lang|oc|''lou Drapé''}} est son dos qui s'allonge afin de permettre à un grand nombre d'enfants d'y grimper. On la retrouve chez d'autres chevaux-fées tels que [[Bayard (cheval)|Bayard]] et la [[blanque jument]] du [[Pas-de-Calais]]. Selon [[Henri Dontenville]], c'est une caractéristique serpentine, ou du moins reptilienne. En effet, {{Citation|il n'y a qu'à regarder se dérouler un [[serpent]] ou plus simplement un [[ver de terre]] pour comprendre d'où vient ce mythe}}<ref name="Dontenville143">{{ |
L'une des caractéristiques typiques de {{lang|oc|''lou Drapé''}} est son dos qui s'allonge afin de permettre à un grand nombre d'enfants d'y grimper. On la retrouve chez d'autres chevaux-fées tels que [[Bayard (cheval)|Bayard]] et la [[blanque jument]] du [[Pas-de-Calais]]. Selon [[Henri Dontenville]], c'est une caractéristique serpentine, ou du moins reptilienne. En effet, {{Citation|il n'y a qu'à regarder se dérouler un [[serpent]] ou plus simplement un [[ver de terre]] pour comprendre d'où vient ce mythe}}<ref name="Dontenville143">{{Harvsp|Dontenville|1973|p=143}}</ref>. Pierre Lafforgue rapporte dans un recueil de [[conte]]s de [[Jean-François Bladé]] qu'une monture portant trois cavaliers et plus et possédant un dos qui s'allonge est un [[cheval Mallet]], forme du [[diable]] qui ne peut être combattue qu'avec un [[signe de croix]] et en refusant de la monter<ref>{{Ouvrage | prénom1 = Pierre | nom1 = Lafforgue | titre = Jean-François Bladé, Les contes du vieux Cazaux | éditeur = Fédérop | lieu = Église-Neuve d'Isaac | année = 1995 | pages totales = 235 | isbn = 978-2-85792-091-5 | passage = 126 }}</ref>. |
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=== Légendes similaires === |
=== Légendes similaires === |
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Des légendes très proches de celle de {{lang|oc|''lou Drapé''}} circulent : au trou de Viviès, à trois kilomètres de [[Narbonne]], un cheval fabuleux à la croupe extensible prenait un grand nombre d'enfants sur son dos et les enlevait, on ne les revoyait jamais. Une variante existe avec un [[âne]] au [[Mas-Cabardès]], lui aussi s'allongeait l'échine pour accueillir des enfants. Un jour, il traversa une rivière en portant une douzaine d'entre eux et, parvenu au milieu, les laissa choir dans l'eau avant de prendre une autre forme et de se percher sur un rocher voisin, riant du mauvais tour qu'il leur avait joué. Ces deux légendes sont également des variantes du [[Drac (démon)|Drac]]<ref>{{Ouvrage |
Des légendes très proches de celle de {{lang|oc|''lou Drapé''}} circulent : au trou de Viviès, à trois kilomètres de [[Narbonne]], un cheval fabuleux à la croupe extensible prenait un grand nombre d'enfants sur son dos et les enlevait, on ne les revoyait jamais. Une variante existe avec un [[âne]] au [[Mas-Cabardès]], lui aussi s'allongeait l'échine pour accueillir des enfants. Un jour, il traversa une rivière en portant une douzaine d'entre eux et, parvenu au milieu, les laissa choir dans l'eau avant de prendre une autre forme et de se percher sur un rocher voisin, riant du mauvais tour qu'il leur avait joué. Ces deux légendes sont également des variantes du [[Drac (démon)|Drac]]<ref>{{Ouvrage | prénom1 = Richard | nom1 = Bessière | lien auteur1 = Richard Bessière | titre = Traditions, légendes et sorcellerie de la Méditerranée aux Cévennes | éditeur = Éditions de Borée | lieu = Romagnat | année = 2004 | pages totales = 278 | isbn = 978-2-84494-220-3 | passage = 40 | lire en ligne = http://books.google.fr/books?id=cznS_auku7YC&pg=PA247&lpg=PA247&dq=l%C3%A9gende+Aigues-Mortes&source=bl&ots=QSEspwJXi9&sig=u7rqCwcUToCcc15gpyTmJMz1gt0&hl=fr&ei=wyjfSuKYKImr4Qbt3LAR&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=10&ved=0CCQQ6AEwCQ#v=onepage&q=cheval&f=false}}</ref>. |
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== Notes et références == |
== Notes et références == |
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=== Liens externes=== |
=== Liens externes=== |
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* {{Lien web |url=http://www.cmacao.net/Aigues%20Mortes.htm |titre=Aigues-Mortes |site= |
* {{Lien web |url=http://www.cmacao.net/Aigues%20Mortes.htm |titre=Aigues-Mortes |site=cmacao.net |consulté le=17 octobre 2009}} |
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* {{Article|prénom1=Amélie|nom1=Tsaag Valren|titre=Lou Drapé, le cheval-fantôme d’Aigues-Mortes|périodique=Cheval Savoir|mois=Juillet-aout|année=2012|numéro=34|lire en ligne=http://www.cheval-savoir.com/974-lou-drape-cheval-fantome-aigues-mortes}} |
* {{Article|prénom1=Amélie|nom1=Tsaag Valren|titre=Lou Drapé, le cheval-fantôme d’Aigues-Mortes|périodique=Cheval Savoir|mois=Juillet-aout|année=2012|numéro=34|lire en ligne=http://www.cheval-savoir.com/974-lou-drape-cheval-fantome-aigues-mortes}} |
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=== Bibliographie === |
=== Bibliographie === |
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====Anciennes ==== |
====Anciennes ==== |
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* {{Ouvrage |
* {{Ouvrage | prénom1 = Jacques-Albin-Simon | nom1 = Collin de Plancy | lien auteur1 = Jacques-Albin-Simon Collin de Plancy | titre = [[Dictionnaire infernal]] | éditeur = Slatkine | lieu = Genève | année = 1993 | année première édition = 1818 | pages totales = 740 | isbn = 978-2-05-101277-5 | lccn = 74163134 | lire en ligne = http://books.google.fr/books?id=REN0H5OXxjYC&lpg=PA221&ots=iZ767h1PPz&dq=cheval%20lou%20drap%C3%A9&pg=PA221#v=onepage&q=cheval%20lou%20drap%C3%A9&f=false | plume = oui}} |
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* {{Ouvrage |
* {{Ouvrage | prénom1 = Jacques-Paul | nom1 = Migne | lien auteur1 = Jacques-Paul Migne | titre = Encyclopédie théologique: ou, Série de dictionnaires sur toutes les parties de la science religieuse... | numéro d'édition = 3 | année = 1856 | passage = 504-505 | lire en ligne = http://books.google.com/books?id=w4bNAAAAMAAJ&dq=cheval%20lou%20drap%C3%A9%20Aigues-Mortes&lr=&hl=fr&pg=PT66#v=onepage&q=&f=false | plume = oui}} |
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* {{Ouvrage |
* {{Ouvrage | prénom1 = Jacques | nom1 = de Biez | lien auteur1 = Jacques de Biez | titre = Un maître imagier: E. Frémiet | éditeur = Aux bureaux de l'Artiste | année = 1896 | pages totales = 406 | passage = 77 | présentation en ligne = http://books.google.com/books?id=gLIaAAAAYAAJ | plume = oui}} |
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* {{Ouvrage |
* {{Ouvrage | nom1 = Société des traditions populaires | titre = Revue des traditions populaires | éditeur = Librairie orientale et américaine | année = 1907 | volume = 22 | présentation en ligne = http://books.google.com/books?id=YgygAAAAMAAJ&q=cheval+lou+drap%C3%A9+Aigues-Mortes&dq=cheval+lou+drap%C3%A9+Aigues-Mortes&hl=fr | plume = oui}} |
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==== Modernes ==== |
==== Modernes ==== |
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* {{Ouvrage | langue = fr | prénom1 = René | nom1 = Alleau | lien auteur1 = René Alleau | directeur1 = oui | titre = Guide de la Provence mystérieuse |
* {{Ouvrage | langue = fr | prénom1 = René | nom1 = Alleau | lien auteur1 = René Alleau | directeur1 = oui | titre = Guide de la Provence mystérieuse | collection = Guides noirs | éditeur = Tchou | année = 1965 | pages totales = 588 | présentation en ligne = http://books.google.com/books?id=n9TkAAAAMAAJ | asin = B0000DYA0I | plume = oui}} |
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* {{Ouvrage | langue = fr | prénom1 = Henri | nom1 = Dontenville | lien auteur1 = Henri Dontenville | titre = Histoire et géographie mythiques de la France | éditeur = G. P. Maisonneuve et Larose | lieu = Paris | année = 1973 | pages totales = 378 | isbn = 978-2-7068-0552-3 | lccn = 73163473 |
* {{Ouvrage | langue = fr | prénom1 = Henri | nom1 = Dontenville | lien auteur1 = Henri Dontenville | titre = Histoire et géographie mythiques de la France | éditeur = G. P. Maisonneuve et Larose | lieu = Paris | année = 1973 | pages totales = 378 | isbn = 978-2-7068-0552-3 | lccn = 73163473 | plume = oui}} |
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* {{Ouvrage | langue = fr | prénom1 = Henri | nom1 = Dontenville | lien auteur1 = Henri Dontenville | titre = Mythologie française |
* {{Ouvrage | langue = fr | prénom1 = Henri | nom1 = Dontenville | lien auteur1 = Henri Dontenville | titre = Mythologie française | numéro d'édition = 2 | éditeur = Payot | année = 1973 | année première édition = 1947 | pages totales = 267 | présentation en ligne = http://books.google.com/books?id=t0LXAAAAMAAJ | collection = Regard de l'histoire | plume = oui}} |
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* {{Article|langue=fr|prénom1=Nicole|nom1=Belmont|lien auteur1=Nicole Belmont|titre=Comment on fait peur aux enfants|périodique=Topique, E.P.I, revue freudienne |
* {{Article|langue=fr|prénom1=Nicole|nom1=Belmont|lien auteur1=Nicole Belmont|titre=Comment on fait peur aux enfants|périodique=Topique, E.P.I, revue freudienne|année=1974|numéro=13|pages=101-125|issn=0040-9375}} |
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* {{Ouvrage |
* {{Ouvrage | prénom1 = Frédéric | nom1 = Mistral | lien auteur1 = Frédéric Mistral | titre = Lou Trésor dou Félibrige ou Dictionnaire provençal-français | éditeur = Raphèle-lès-Arles | lieu = Paris | année = 1979 | isbn = 978-84-499-0563-6 | lire en ligne = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k74854.zoom.f833 | plume = oui}} |
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* {{Ouvrage |
* {{Ouvrage | prénom1 = Pierre | nom1 = Dubois | lien auteur1 = Pierre Dubois (auteur) | titre = La grande encyclopédie des fées et autres petites créatures | éditeur = [[Hoëbeke]] | lieu = Paris | année = 1996 | pages totales = 186 | isbn = 978-2-84230-326-6 | passage = 102-103 | plume = oui}} |
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* {{Ouvrage | langue = fr | prénom1 = Jean-Michel | nom1 = Doulet | titre = Quand les démons enlevaient les enfants: les changelins : étude d'une figure mythique | sous-titre = Traditions & croyances | éditeur = Presses de l'Université de Paris-Sorbonne | lieu = Paris | année = 2002 | pages totales = 433 | isbn = 978-2-84050-236-4 | passage = 301 | présentation en ligne = http://books.google.com/books?id=YpVZAAAAMAAJ |
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* {{Ouvrage | prénom1 = Catherine | nom1 = Rager | titre = Dictionnaire des fées et du peuple invisible dans l'Occident païen | sous-titre = Petits dictionnaires bleus | éditeur = [[Brepols]] | lieu = Turnhout | année = 2003 | pages totales = 1041 | isbn = 978-2-503-51105-4 | lccn = 2004432332 | passage = 178 }} |
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* {{Ouvrage | prénom1 = Bernard | nom1 = Sergent | lien auteur1 = Bernard Sergent | titre = Le guide de la France mythologique: parcours touristiques et culturels dans la France des elfes, des fées, des mythes et des légendes | sous-titre = Société de mythologie française | éditeur = Payot | année = 2007 | pages totales = 541 | lire en ligne = http://books.google.com/books?id=qBsRAQAAIAAJ&q=cheval+lou+drap%C3%A9&dq=cheval+lou+drap%C3%A9&lr=&hl=fr | plume = oui}} |
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Version du 1 juillet 2016 à 13:12
Autres noms | lo drapet |
---|---|
Groupe | Folklore populaire |
Sous-groupe | Cheval |
Caractéristiques | Cheval maléfique noyeur |
Habitat | Marécages |
Proches | Cheval Mallet, Cheval Gauvin |
Origines | Traditions orales occitanes |
---|---|
Région | Petite Camargue |
Lou Drapé (lo drapet en occitan provençal, lou ou lo étant l'article « le ») est un cheval légendaire issu du folklore propre à la ville d'Aigues-Mortes, dans le Gard, en région marécageuse de Petite Camargue. Il est censé se promener autour des remparts de la cité pendant la nuit, et prendre un grand nombre d'enfants sur son dos pour les enlever, les enfants emportés ne revenant jamais de leur voyage.
Il s'agirait d'une version du drac des pays occitans, créature néfaste qui peut prendre la forme d'un cheval. Ce cheval blême, symbole de mort, est évoqué pour faire peur aux enfants à l'instar du croque-mitaine ou du grand méchant loup dans d'autres régions de France. Il rejoint un folklore abondant de chevaux maléfiques et ravisseurs, souvent en relation avec l'élément liquide.
Étymologie et terminologie
Selon Frédéric Mistral, drapet ou draquet désigne un petit drac, soit un petit lutin en Languedoc. Il signale en outre que drapet, à Montpellier (à peu de distance d'Aigues-Mortes), désigne un revenant, peut-être un fantôme « drapé » dans un suaire, ce qui pourrait expliquer la parenté — et l'amalgame — des formes drapet-draquet[1]. Il n'existe toutefois pas de source directe pour expliquer le nom de « lou Drapé ».
Légende
Comme dans tout folklore, l'histoire de Lou Drapé devait se transmettre oralement depuis longtemps, mais sa date d'apparition n'est pas connue.
Mentions au XIXe siècle
« Lou Drapé » est mentionné dans un texte de 1818, par Jacques-Albin-Simon Collin de Plancy dans son ouvrage qui recense les créatures démoniaques, le Dictionnaire infernal :
« On donne à Aigues-Mortes le nom de lou Drapé à un cheval fabuleux, qui est la terreur des enfants, qui les retient un peu sous l'aile de leurs parents, et réprime la négligence des mères. On assure que quand lou Drapé vient à passer, il ramasse sur son dos, l'un après l'autre, tous les enfants égarés ; et que sa croupe, d'abord de taille ordinaire, s'allonge au besoin, jusqu'à contenir cinquante et cent enfants, qu'il emporte on ne sait où. »
— Jacques Auguste Simon Collin de Plancy, Dictionnaire infernal[2]
Les éditions postérieures du dictionnaire infernal, remaniées par rapport à la première édition, mentionnent également lou Drapé de la même façon, en 1844[3], 1845[4] et 1846[5].
En 1856, Migne apporte quelques informations complémentaires dans son Encyclopédie théologique, un ouvrage catholique écrit en collaboration avec Collin de Plancy :
« Cheval fabuleux dont les habitants d'Aigues-Mortes, en Languedoc, effrayent leurs enfants. C'est comme le croque-mitaine des Parisiens, l'ogre du Petit Poucet de Perrault. Quand lou Drapé, disent-ils, passe dans la rue ou sur un chemin, il ne manque pas de saisir et de mettre sur son dos, l'un après l'autre, tous les enfants égarés ; sa croupe s'allonge au fur et à mesure qu'il faut plus de place, de manière qu'il peut en emporter à la fois cinquante et cent s'il le faut. Où conduit-il ensuite sa charge ?! Ma foi, l'on n'en sait rien ; mais les petits bandits ne peuvent s'attendre à autre chose qu'à recevoir le fouet tous les jours et manger du pain sec. Lou Drapé ou le Drapé est donc non-seulement pour les bambins un objet de terreur, mais encore le thème de leurs plus sérieux commentaires. »
— Jacques-Paul Migne, Encyclopédie théologique[6]
Mentions aux XXe et XXIe siècles
L'histoire consignée au XIXe est recopiée telle que Collin de Plancy l'a écrite, dans des ouvrages et revues spécialisés dans le folklore, la Revue des traditions populaires[7] par exemple.
Le Guide de la Provence mystérieuse, publié en 1965, affirme qu'à la même époque on menaçait encore les enfants du passage de lou Drapé[8]. Dans la publication ésotérique Les dossiers de l'Histoire mystérieuse, en 1988, lou Drapé est décrit comme un grand cheval blanc fantomatique qui se promène certaines nuits autour des remparts d'Aigues-Mortes, et produit un son mélodieux avec ses sabots. Sur son passage, les enfants se réveillent et sortent de leurs maisons, sans un bruit, pour attendre le passage de l'animal hors des portes de la ville. Lorsqu'il passe, lou Drapé prend des enfants égarés sur son dos, les uns après les autres, et s'éloigne vers les marais du Grau-du-Roi[9]. La destination des enfants enlevés par lou Drapé est évoquée de différente façon en fonction des auteurs, si Bernard Sergent parle de dangereux sables mouvants et des marécages dans lesquels les enfants seraient noyés[10], d'autres, comme Catherine Rager[11] et Édouard Brasey[12], font le lien avec le célèbre film Crin-Blanc en évoquant un « mystérieux royaume lointain » ou un pays enchanté où les enfants victimes de la cruauté des hommes pourraient vivre pour toujours avec leur ami le cheval.
Selon la Société d'Histoire et d'Archéologie d'Aigues-Mortes, « Personne n'a jamais su jusqu'où il [lou Drapé] les emmenait [les enfants] et personne n'a, d'ailleurs, jamais voulu le savoir ». Le dernier enfant à enfourcher le cheval aurait pu libérer tous les autres en criant « Jésus, Marie, Grand Saint Joseph !! » et en sautant à terre, ce qui provoquerait la disparition de lou Drapé[13].
Édouard Brasey ajoute dans La Petite Encyclopédie du merveilleux que tout comme le cheval Bayard, lou Drapé semble avoir un dos et une croupe de taille ordinaire mais peut les allonger[12].
La Société de mythologie française signale une comptine populaire chez les enfants à Aigues-Mortes :
« Qui montera lou Drapé ?
Toi ou moi ?
Celui que lou Drapé emportera, ce sera toi ! »
[10].
Origine et symbolique
Lou Drapé a la particularité de ne s'attaquer qu'aux enfants vagabonds, ce qui en fait, comme Collin de Plancy l'a fait remarquer, un symbole réprimant la négligence des mères[2]. Sa relation avec le croque-mitaine et l'ogre, dont il rejoint le rôle de « terreur des enfants », a été évoquée[14],[6], entre autres par l'anthropologue Nicole Belmont[15]. Lou Drapé est, en outre, propre au folklore de la ville d'Aigues-Mortes, où « se jette dans des marécages le terrible Vidourle », connu pour ses crues dévastatrices[10]. Pour Jacques de Biez, il aurait également symbolisé le courage du cheval devant le travail, parce qu'il « ne regarde pas à l'ouvrage. Il fait son devoir. »[14].
Une version du drac
Les origines exactes du Drapé ne sont pas connues, mais ce cheval fantastique semble être l'une des innombrables versions du drac des pays occitans, c'est-à-dire un démon lié à l'eau et ses dangers, qui revêt souvent l'apparence d'un âne ou d'un cheval et évoque le Diable[16]. Le Dictionnaire des symboles cite le drac comme un « beau cheval blanc qui saisit les voyageurs pour les noyer dans le Doubs »[17], tandis que Henri Dontenville parle de la vallée de l'Alagnon, dans le Cantal, où une rivière coule « sinueuse comme un serpent ». Le drac y élit domicile, se transforme en beau cheval blanc et se laisse docilement monter avant de noyer les enfants ou les bergers[18].
L'eau et le petit peuple
Les folkloristes japonais se sont penchés sur les liens existant entre le cheval et les créatures aquatiques pour expliquer la figure japonaise du kappa. Chiwaki Shinoda[19] souligne l'ancienneté de cette association qui s'expliquerait selon Yanagida par une transformation rituelle du sacrifice du cheval dans l'élément liquide, d'autres auteurs notent que dès le Néolithique, les génies des eaux sont en rapport avec les équidés[20]. Le Dictionnaire des symboles cite un grand nombre de « chevaux néfastes, complices des eaux tourbillonnantes », principalement dans le folklore franco-allemand : blanque jument, Bian cheval, Schimmel Reiter et le drac[17].
Jean-Michel Doulet, dans son étude consacrée aux changelins remarque qu' « au bord de l'eau, les silhouettes du lutin et du cheval tendent à se confondre et à se fondre en un seul personnage dont le rôle est d'égarer, d'effrayer et de précipiter dans quelque mare ou rivière ceux qui les montent », et cite cette légende d'Aigues-Mortes parmi ses exemples[21]. Selon une étude sur le nain au Moyen Âge, les liens entre lutins et chevaux fantastiques sont très étroits car, dans les chansons de gestes comme dans le folklore plus moderne, lorsque le petit peuple adopte une forme animale, c'est le plus souvent celle du cheval[22].
Beaucoup d'autres chevaux du folklore français jouent en effet un rôle similaire en relation avec l'eau, comme le mentionne l'elficologue Pierre Dubois dans son Encyclopédie des fées, en citant le cheval de Guernesey, celui de l'Albret et la personnification de la mer sous forme de jument en Bretagne : la plupart de ces « chevaux-fée » finissent par noyer leurs cavaliers[23].
La blancheur lunaire
Le Dictionnaire des symboles s'attache à la blancheur des chevaux « blêmes et pâles », animaux « nocturnes, lunaires, froids et vides », comme un suaire ou un fantôme, qu'il ne faut pas confondre avec les animaux ouraniens. Leur couleur évoque le deuil, comme la monture blanche du cavalier de l'Apocalypse annonçant la mort[17]. La couleur blanche « lunaire » que le Drapé partage avec d'autres chevaux maléfiques — comme le cheval Mallet — selon les versions plus tardives de la légende, serait celle des chevaux maudits[24].
Le dos qui s'allonge
L'une des caractéristiques typiques de lou Drapé est son dos qui s'allonge afin de permettre à un grand nombre d'enfants d'y grimper. On la retrouve chez d'autres chevaux-fées tels que Bayard et la blanque jument du Pas-de-Calais. Selon Henri Dontenville, c'est une caractéristique serpentine, ou du moins reptilienne. En effet, « il n'y a qu'à regarder se dérouler un serpent ou plus simplement un ver de terre pour comprendre d'où vient ce mythe »[25]. Pierre Lafforgue rapporte dans un recueil de contes de Jean-François Bladé qu'une monture portant trois cavaliers et plus et possédant un dos qui s'allonge est un cheval Mallet, forme du diable qui ne peut être combattue qu'avec un signe de croix et en refusant de la monter[26].
Légendes similaires
Des légendes très proches de celle de lou Drapé circulent : au trou de Viviès, à trois kilomètres de Narbonne, un cheval fabuleux à la croupe extensible prenait un grand nombre d'enfants sur son dos et les enlevait, on ne les revoyait jamais. Une variante existe avec un âne au Mas-Cabardès, lui aussi s'allongeait l'échine pour accueillir des enfants. Un jour, il traversa une rivière en portant une douzaine d'entre eux et, parvenu au milieu, les laissa choir dans l'eau avant de prendre une autre forme et de se percher sur un rocher voisin, riant du mauvais tour qu'il leur avait joué. Ces deux légendes sont également des variantes du Drac[27].
Notes et références
- Frédéric Mistral, Lou Trésor dou Félibrige ou Dictionnaire provençal-français, Paris, Raphèle-lès-Arles, (ISBN 978-84-499-0563-6, lire en ligne)
- Collin de Plancy 1993, p. 221
- Jacques Auguste Simon Collin de Plancy, Dictionnaire infernal, ou Recherches et anecdotes sur les démons, , 3e éd. (lire en ligne), p. 182
- Jacques Auguste Simon Collin de Plancy, Dictionnaire infernal: ou Répertoire universel des êtres, des personnages, des livres, des faits et des choses qui tiennent aux apparitions, aux divinations, à la magie, au commerce de l'enfer, aux démons, aux sorciers, aux sciences occultes, aux grimoires, à la cabale, aux esprits élémentaires..., Société nationale, , 5e éd., 548 p. (lire en ligne), p. 170
- Jacques Auguste Simon Collin de Plancy, Dictionnaire des sciences occultes... ou Répertoire universel des êtres, des personnages, des livres..., vol. 48-49 de Encyclopédie théologique ou série de dictionnaires sur toutes les parties de la science religieuse, chez l'éditeur, (lire en ligne), p. 501
- Migne 1856, p. 504-505
- Société des traditions populaires 1907, p. 252
- Alleau 1965, p. 2
- Les dossiers de l'Histoire mystérieuse, hors série n°2 : Citées Englouties De 14000 av. J.-C. Au Seuil De L'an 2000. Carbonel Éditeur Imprimeur Sa, 1er octobre 1988.
- Sergent 2007
- Rager 2003, p. 178
- Brasey 2008, p. 254
- « La légende de LOU DRAPE », La lettre de la Société d'Histoire et d'Archéologie d'Aigues-Mortes, no 3,
- de Biez 1896, p. 77
- Belmont 1974, p. 101-125
- Henri Bellugou, Occitanie: légendes, contes, récits, Chez l'auteur, , 283 p. (lire en ligne)
- Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, (1re éd. 1969) [détail des éditions] p.226
- Dontenville 1973, p. 174
- Chiwaki Shinoda, « Note sur le kappa, génie des eaux japonais », dans Danièle James-Raoul et Claude Alexandre Thomasset, Dans l'eau, sous l'eau: le monde aquatique au Moyen Âge, vol. 25 de Cultures et civilisations médiévales, Paris, Presses Paris Sorbonne, , 432 p. (ISBN 978-2-84050-216-6, LCCN 2006418129, lire en ligne), p. 272
- (en) Ishida Eiichiro, The kappa legend. A Comparative Ethnological Study on the Japanese Water-Spirit Kappa and Its Habit of Trying to Lure Horses into the Water, vol. 9, coll. « Folklore Studies », (lire en ligne), p. 1-152
- Doulet 2002, p. 301
- Anne Martineau, Le nain et le chevalier: Essai sur les nains français du Moyen Âge : Traditions et croyances, Paris, Presses Paris Sorbonne, , 286 p. (ISBN 978-2-84050-274-6, lire en ligne), p. 91
- Dubois 1996, p. 102-103
- Guy Pillard, Les survivances et l'environnement mythologiques dans le département des Deux-Sèvres, Brissaud, , 272 p. (ISBN 978-2-902170-16-6, lire en ligne), p. 92
- Dontenville 1973, p. 143
- Pierre Lafforgue, Jean-François Bladé, Les contes du vieux Cazaux, Église-Neuve d'Isaac, Fédérop, , 235 p. (ISBN 978-2-85792-091-5), p. 126
- Richard Bessière, Traditions, légendes et sorcellerie de la Méditerranée aux Cévennes, Romagnat, Éditions de Borée, , 278 p. (ISBN 978-2-84494-220-3, lire en ligne), p. 40
Annexes
Articles connexes
- Aigues-Mortes
- Symbolique du cheval
- Drac
- Cheval Mallet - Blanque jument - Bian cheval - Schimmel Reiter
Liens externes
- « Aigues-Mortes », sur cmacao.net (consulté le )
- Amélie Tsaag Valren, « Lou Drapé, le cheval-fantôme d’Aigues-Mortes », Cheval Savoir, no 34, (lire en ligne)
Bibliographie
Anciennes
- Jacques-Albin-Simon Collin de Plancy, Dictionnaire infernal, Genève, Slatkine, (1re éd. 1818), 740 p. (ISBN 978-2-05-101277-5, LCCN 74163134, lire en ligne).
- Jacques-Paul Migne, Encyclopédie théologique: ou, Série de dictionnaires sur toutes les parties de la science religieuse..., , 3e éd. (lire en ligne), p. 504-505.
- Jacques de Biez, Un maître imagier: E. Frémiet, Aux bureaux de l'Artiste, , 406 p. (présentation en ligne), p. 77.
- Société des traditions populaires, Revue des traditions populaires, vol. 22, Librairie orientale et américaine, (présentation en ligne).
Modernes
- René Alleau (dir.), Guide de la Provence mystérieuse, Tchou, coll. « Guides noirs », , 588 p. (ASIN B0000DYA0I, présentation en ligne).
- Henri Dontenville, Histoire et géographie mythiques de la France, Paris, G. P. Maisonneuve et Larose, , 378 p. (ISBN 978-2-7068-0552-3, LCCN 73163473).
- Henri Dontenville, Mythologie française, Payot, coll. « Regard de l'histoire », , 2e éd. (1re éd. 1947), 267 p. (présentation en ligne).
- Nicole Belmont, « Comment on fait peur aux enfants », Topique, E.P.I, revue freudienne, no 13, , p. 101-125 (ISSN 0040-9375)
- Frédéric Mistral, Lou Trésor dou Félibrige ou Dictionnaire provençal-français, Paris, Raphèle-lès-Arles, (ISBN 978-84-499-0563-6, lire en ligne).
- Pierre Dubois, La grande encyclopédie des fées et autres petites créatures, Paris, Hoëbeke, , 186 p. (ISBN 978-2-84230-326-6), p. 102-103.
- Jean-Michel Doulet, Quand les démons enlevaient les enfants: les changelins : étude d'une figure mythique : Traditions & croyances, Paris, Presses de l'Université de Paris-Sorbonne, , 433 p. (ISBN 978-2-84050-236-4, présentation en ligne), p. 301.
- Catherine Rager, Dictionnaire des fées et du peuple invisible dans l'Occident païen : Petits dictionnaires bleus, Turnhout, Brepols, , 1041 p. (ISBN 978-2-503-51105-4, LCCN 2004432332), p. 178
- Jean-Pierre Saltarelli, Contes Truffandiers, Pont-Saint-Esprit, La Mirandole, (ISBN 978-2-909282-89-3, OCLC 419459269)
- Bernard Sergent, Le guide de la France mythologique: parcours touristiques et culturels dans la France des elfes, des fées, des mythes et des légendes : Société de mythologie française, Payot, , 541 p. (lire en ligne).
- Édouard Brasey, La Petite Encyclopédie du merveilleux, Paris, Le pré aux clercs, (ISBN 978-2-84228-321-6).