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Génération (histoire sociale et politique)

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Génération une grande enquête d'histoire sociale et politique, écrite sous une forme romancée, en deux tomes, en 1987 par les Journalistes, écrivains et enquêteurs Hervé Hamon et Patrick Rotman, qui est considérée comme un dictionnaire panoramique et une encyclopédie du gauchisme des années 1960 et des années 1970, avant et après les évènements de Mai 68. Consacrée aux jeunes gens nés entre 1935 et 1945[1], elle arrive en complément de leurs deux précédentes enquêtes, également couronnées de succès : Les porteurs de valises (1979), et La deuxième gauche (1982), pour préparer le vingtième anniversaire de Mai 68.

Histoire

Qualifié de "monument livresque"[2], et de "voyage au pays du gauchisme des années 1970"[3], la série Génération a un Tome 1, Les Années de rêve pour les années 1960 et un Tome 2, Les Années de poudre, pour les années 1970, avec en filigrane l'analyse du non-passage du "psychodrame social" tissé par les gauchistes au terrorisme comme ont pû le connaitre au même moment l'Allemagne et l'Italie[1].

Les auteurs ont fait le "choix de la démarche" de "journalisme d'investigation"[1], fondé notamment sur des entretiens non directifs[1], en vue de constituer une "fresque" écrite au présent de l'indicatif, qui "fera date"[1] et qui pour l'un d'eux est proche de l'autobiographie. Hervé Hamon a été professeur de philosophie pendant cinq années dans l'Éducation nationale, tandis que Patrick Rotman, dont les parents appartenaient à la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale[4], avait milité au sein de la mouvance trotskiste et plus précisément de la Ligue communiste, après les évènements de Mai 68, comme secrétaire de rédaction de l'hebomadaire Rouge.

Le procédé de narration et d'investigation, basé souvent sur le ressort tragique ou comique[1], est articulé autour des trajectoires de quelques personnages centraux, autour desquels gravitent plusieurs dizaines d'autres[1], l'entrelacs des destinées et points de rencontre tentant de "dépasser l'observation entomologiste pour déboucher sur l'analyse historique"[1], en mettant en lumière l'influence du second conflit mondial et de la guerre d'Algérie[1], pour des acteurs eux- mêmes souvent fils ou neveux de déportés. L'enquête décrit une série d'actions parfois très violentes et tentant d'exprimer "une sorte de schizophrénie"[1], tiraillée "entre une analyse très idéologique des conflits sociaux et du combat politique et un souffle libertaire"[1].

La fin de l'enquête se recentre sur les quelques personnages centraux interrogés, qui, deux décennies après Mai 68, s'admirent, avec une " manière de narcissisme"[1], tout en "répudiant, en paroles, en actions et en pensées - imprimées"[1] —, les thèmes mobilisateurs et la vision du monde qui furent les leurs, "la contradiction ne semblant tarauder que les plus lucides"[1].

Sociologie

L'enquête part de la génération née dans les années 1930, pour laquelle le combat anticolonial fut "souvent identitaire"[5], qui a fourni à Mai 1968 son encadrement, en lui "greffant" ses "héritages"[5] mais aussi ses "archaïsmes"[5], tandis que les "baby boomers", nés après la seconde guerre mondiale et appelés sommairement "les piétons de mai"[5], ont fourni au mouvement sa consistance statistique[5], "sans avoir été forcément marqués préalablement par les grandes idéologies d’extrême gauche"[5].

Contexte de la publication

Contexte politique français et allemand

L'enquête est publiée dans un contexte politique français marqué par le ralliement au PS de plusieurs figures du Gauchisme. Henri Weber, ex-dirigeant de la Ligue communiste, abondamment cité dans le livre, est entré au Parti socialiste (PS) en 1986[6], la même année que Jean-Christophe Cambadélis, qui dirige une autre branche du trostskysme, le Parti communiste internationaliste, dit lambertiste, qui a amené avec lui au PS en , près de 450 autres militants, pour l'essentiel du syndicat étudiant UNEF[7].

Des anciens gauchistes de Mai 68 comme les maoistes Jean-Marc Salmon en 1984 et Roland Castro en 1989 rejoignent alors les cabinets ministériels socialistes.

Lors des Élections législatives françaises de 1988, qui suivent une présidentielle où le PCF est tombé à seulement 4,8% des voix, plusieurs de ces ralliés sont investis par le Parti socialiste, y compris Henri Weber. Le PS obtient pour la première fois une majorité des sièges sans avoir besoin du PCF, avec avoir réuni près de 37% des suffrages au premier tour. En Allemagne, l'ex-figure de Mai 68 Daniel Cohn-Bendit a réjoint le parti politique des Verts en 1984, dans le sillage de son ami Joschka Fischer, et publie un livre, “Nous l'avons tant aimé la révolution”[8], après avoir pendant deux ans voyagé de Francfort à Rio de Janeiro, de Paris à New York en passant par la Pologne, accompagné d’une équipe de télévision.

Critique

La critique de cette enquête, qui fourmille d'anecdotes parfois embarrassantes pour les personnalités mises en scène, porte surtout sur le "registre statistique"[1], les quelques centaines de jeunes gens décrits ne pouvant constituer à eux seuls une « génération », d'autant que tout un courant de la « culture de gauche » de cette époque a été minimisé[1], en particulier la « nouvelle gauche », en gestation dans les années 1950, du « mendésisme » à la guerre d'Algérie, au PSA et au PSU[1], même si les auteurs s'y étaient intéressés dans leur ouvrage précédent, La deuxième gauche (1982), consacré en particulier à la CFDT.

Certains estiment que la notion de « génération », "imposée au forceps par les livres à succès de Hervé Hamon et Patrick Rotman"[9], a largement contribué à "focaliser l’attention sur la trajectoire de quelques individus célèbres" devenus des emblèmes de Mai 68, comme Serge July ou Alain Geismar, au risque "d'interdire durablement une interrogation historiographique sereine."

La critique la plus immédiate et percutante, vient de l'intellectuel Guy Hocquenghem, qui fut à fondation du Front homosexuel d’action révolutionnaire(FHAR), mais aussi du quotidien Libération[10]. Parfois cité dans le livre mais sans être parmi les sources, il s'était "juré" à lui-même de ne pas prononcer ce mot: "il me répugne d’instinct. Je n’aime pas l’idée d’appartenir à ce bloc coagulé de déceptions et de copinages qui ne se réalise et ne se ressent comme tel qu’au moment de la massive trahison de l’âge mûr." Dès 1986, il avait écrit une Lettre à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary, cinq ans avant de mourir du sida à 41 ans, dans laquelle il fustigeait le comportement de nombre de 68ards[11].

La critique porte aussi sur le parisianisme de l'ouvrage d'Hamon et Rotman et de ses personnages centraux, ce qui a stimulé d'autres enquêtes sur la province, comme L'Insubordination ouvrière, vaste investigation de Stéphane Vigna débutant avec les événements de Mai 68 et se terminant avec les grèves des sidérurgistes de Lorraine en 1979[12], et permettant des éclairages nouveaux, à partir de sources peu interrogées jusqu’à présent, comme les comptes-rendus des Renseignements Généraux (RG) sur l’ampleur du mouvement de Mai 68 en Province.

Des imprécisions sont par ailleurs relevées, comme au sujet de Daniel Cohn-Bendit avant et pendant Mai 68, quand les auteurs affirme qu'il "joue au foot, se faufile dans les tribunes du Parc des Princes pour soutenir les tricolores avec un chauvinisme juvénile alors que l'hebdomadaire France Football ne publie que le la photo de la maquette du « nouveau » Parc des Princes jusque-là excusivement consacré au Tour de France et au cyclisme, l'équipe de France de football jouant à Colombes.

Voir aussi

Bibliographie et ouvrages contemporains

Articles connexes

Concepts et événements

Personnalités

Gauche prolétarienne
Union des communistes de France marxiste-léniniste
UNEF
Ligue communiste

Journaux

Partis et mouvements

Références

  1. a b c d e f g h i j k l m n o p et q "Besançon Alain, Une génération, Hamon Hervé, Rotman Patrick, Génération, Les années de rêve", compte-rendu de lecteure par Jean-François Sirinelli, dans la revue d'histoire Vingtième Siècle en 1987 [1]
  2. "La bibliothèque de midi", dans la revue La pensée de midi en 2006
  3. compte-rendu de lecture par Odile Rudelle, dans la Revue française de science politique en 1988 [2]
  4. Biographie de Patrick Rotman sur evene.fr.
  5. a b c d e et f "Génération, générations" par Jean-François Sirinelli, dans la revue d'histoire Vingtième Siècle
  6. Site du PS [3]
  7. Armelle Thoraval, « Les trotskistes et la MNEF. Noyautage pour un joyau. Histoire d'une imprimerie qui vit un groupe de l'OCI faire main basse sur la mutuelle étudiante, passer au PS, puis être dans la mire des juges », Libération, 4 mars 1999.
  8. “Nous l'avons tant aimé la révolution”, Daniel Cohn-Bendit, Editions Bernard Barrault, 1987 (réédité en 1988,
  9. "MAI 1968 : UN BREF ÉTAT DE LA QUESTION HISTORIOGRAPHIQUE par Olivier Orain, sur Esprit critique, blog d'épistémologue et historien des science, le 16 mai 2008 [4]
  10. "1968-1986: dix-huit ans d'ex-gauchisme dénoncés par Guy Hocquenghem", par Antoine Bourguilleau, dans Slate du 9 mai 2018[5]
  11. Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary par Guy Hocquenghem, Editions Contre-feu Agone, préface de Serge Halimi, 1986,
  12. "La contestation de l’ordre usinier ou les voies de la politique ouvrière", par Stephen Bouquin, historien et sociologue, directeur de la revue Les Mondes du Travail, dans la revue Entre les lignes, le 14 mai 2010 [6]