1L’information climatologique prend une place accrue dans les décisions individuelles ou collectives qui régissent la vie des territoires. Dans beaucoup de cas, l’information requise se définit selon un pas de temps très court, celui du temps qu’il fait, ou qu’il va faire dans les heures ou les jours qui viennent : il s’agit ici des situations météorologiques singulières qui peuvent être favorables ou défavorables à une activité donnée. Le climat, en tant que tel, prend corps dans un pas de temps plus long ; il se définit à travers des moyennes, des régularités mais aussi à travers des écarts, des contrastes voire des événements extrêmes comme les épisodes cévenoles. De plus, le climat ne se définit pas seulement dans le temps, par des enchaînements caractéristiques de rythmes et de cycles, mais aussi dans l’espace, par grands ensembles, zonaux d’abord, pour arriver ensuite et par emboîtements d’échelle successifs, à des partitions de plus en plus fines, jusqu’aux climats locaux, voire micro-locaux.
2La réalité du climat se décline donc en fonction des facteurs qui le constituent (température, précipitation, vent, etc.), dans une grande variété d’échelles temporelles et spatiales avec des incidences spécifiques sur les activités humaines. Par exemple, les productions agricoles majeures, par delà toutes les autres contraintes qui pèsent sur elles, se répartissent par grands ensembles assez bien calés sur les zones climatiques à l’échelle de la planète. A l’opposé, certaines productions spécifiques sont, elles aussi, liées au climat mais à l’échelle de quelques kilomètres carrés seulement. À Sauternes par exemple, le terroir bénéficie des conditions climatiques généralement favorables à la culture de la vigne mais celles-ci sont localement marquées, grâce à la présence proche d’une petite rivière, par de fréquents brouillards d’automne, lesquels favorisent le développement de la pourriture noble, indispensable pour produire le fameux cru avec ses caractéristiques spécifiques. On pourrait multiplier les exemples pour montrer comment climat et activités humaines entrent en concordance selon une grande variété d’échelles de temps et d’espace. Ce travail d’inventaire multiscalaire du climat n’obéit pas seulement à une logique académique, celle de faire un état de la question aussi complet que possible, mais il répond aussi, et de plus en plus souvent, au besoin d’une demande sociale. La plupart des secteurs d’activités sont demandeurs d’information sur le climat. Nous venons d’évoquer l’agriculture mais le tourisme et les transports sont tout aussi concernés. Les entreprises, surtout lorsqu’elles requièrent un personnel à haute qualification, tendent à faire du climat un critère important de leur politique d’implantation. Les choix résidentiels et le marché de l’immobilier sont également sensibles aux caractéristiques du climat (Cavailhès et al., 2009).
3Or, face à ces besoins multiples, l’information climatique reste souvent fragmentaire ou peu adaptée. Les données météorologiques sont bien sûr disponibles mais il s’agit d’une information ponctuelle, primaire, qui demande à être traitée pour être utile dans une perspective climatologique. Notre contribution s’inscrit dans cette perspective : en s’appuyant sur l’exemple d’un territoire défini, la France continentale, elle propose un mode d’analyse et de traitement des données disponibles pour produire des cartes qui restituent au mieux les variations spatiales du climat. Ces documents se réfèrent à différents modes d’expression, depuis les cartes univariées, proches de l’information initiale, jusqu’aux cartes typologiques réalisant la synthèse des variables considérées. Il est vrai que les cartes et les atlas climatiques existants proposent déjà de tels documents ; mais les procédures de compilation spatiales des données y sont rarement explicitées et formalisées. Les sources utilisées sont bien sûr citées mais beaucoup plus rarement les modes d’interpolation conduisant à restaurer la continuité des champs spatiaux et les traitements utilisés pour mettre en évidence les types climatiques et les reporter sur la carte. Or, ces opérations ne sont pas seulement des auxiliaires techniques facilitant la réalisation des documents, elles ont également une incidence sur la qualité et la fiabilité des résultats tels qu’ils sont montrés. Aussi, au-delà du cas d’application qui nous servira d’appui, notre objectif sera de poser les jalons d’une approche spatiale des climats et de leur définition couplant traitement quantitatif et instrumentation par système d’information géographique (SIG). Cette approche se caractérise par l’enchaînement de différentes méthodes :
-
Une méthode originale d’interpolation dite de régressions locales permet de reconstituer les champs spatiaux en tenant compte des facteurs environnementaux qui commandent la distribution des variables climatiques (Joly et al., 2008 ; 2009). De la sorte, à partir des données fournies par le réseau des stations de Météo-France, une base comportant 14 couches d’information, spécifiquement choisies pour décrire le climat, est construite.
-
Les données ainsi mises en ordre sont traitées par analyse multivariée afin de proposer une typologie des climats français. A cette fin, analyse factorielle des correspondances (AFC) et classification hiérarchique ascendante (CHA) ont été couplées.
-
Les résultats obtenus ont fait l’objet de restitutions cartographiques qui reprennent des techniques courantes en traitement d’images. Les résultats de l’AFC sont représentés sous la forme d’une composition colorée restituant l’information des trois premiers axes tandis que la typologie issue de la CHA prendra la forme d’une image classée. Ainsi, la projection d’une partition mathématique sur l’espace géographique permettra de faire ressortir les termes d’un zonage climatique.
-
Toutefois, la cohérence du zonage obtenu n’est pas totale puisque la distribution des types, commandée par la combinatoire des données, n’est pas contrainte par un critère de proximité qui permettrait de « forcer » la partition de l’espace en grandes unités géographiques bien délimitées et exclusives. A cet égard, et dans le domaine climatique surtout, les délimitations ont toujours un caractère flou. C’est pourquoi, nous proposerons également une représentation cartographique de cette réalité en montrant l’espace de distribution potentiel de chaque type climatique. A cette fin, nous mettrons en oeuvre un modèle de probabilité empirique.
4La mise en forme de cette proposition est développée en 3 points : 1) choix de l’espace français et problèmes afférant à la collecte et à la représentativité des données ; 2) présentation de la méthodologie dans ses différentes phases : interpolation, transformation des données brutes en variables élaborées, adaptation d’une procédure issue du traitement d’image et associant analyse factorielle, classification, approche probabiliste, cartographie ; 3) Présentation et commentaire des résultats obtenus afin de dégager les faits structurants qui commandent l’organisation spatiale des climats français métropolitains.
5Le choix de l’espace national tient à des considérations d’ordre scientifique, pratique et technique. En effet, les recherches sur le climat de la France s’intéressent surtout aux échelles fines et régionales. Ainsi, au cours des 21 colloques de l’Association internationale de climatologie (http://climato.ulg.ac.be/doc/AIC-table.pdf) qui se sont tenus entre 1988 et 2008, 217 contributions (environ 16 % du total) ont explicitement porté sur la France continentale. Parmi celles-ci, respectivement 44 %, 15 % et 34 % ont concerné la climatologie des échelles fine, départementale et régionale. Au total, 15 contributions seulement (7 %) ont porté sur la France entière et, pour la plupart, sans soucis de cartographie : les thématiques portent sur l’étude statistique des précipitations, des trombes, des tempêtes, du vent, avec, depuis quelques années, un intérêt marqué pour l’évolution du climat. Seules deux références se rapportent à la climatologie spatiale du territoire dans son ensemble. La première concerne l’atlas de l’insolation journalière en France (de Saintignon et Lejeune, 1992) et la seconde, proposée par les météorologues Champaux et Tamburini (1994), présente un zonage climatique effectué à partir de données de précipitations journalières.
6Si, comme nous venons de le voir, les travaux de recherches sur le climat sont rares à l’échelle de la France, il y en a beaucoup plus parmi les manuels universitaires avec parfois des références fort anciennes : on ne compte plus les ouvrages dans lesquels des tableaux ou des cartes délivrent une esquisse sommaire des climats de la France. Des productions plus achevées apparaissent dans les atlas comme celui d’Arlery, déjà ancien (1979), ou d’autres un peu plus récents (Bessemoulin, 1987 ; Kessler & Chambraud, 1990 ; collectif, 1995). Ces ouvrages présentent nombre de cartes schématiques, obtenues par krigeage, sur différentes variables comme la température (les moyennes, les fortes chaleurs, la durée du gel, etc.), les précipitations (abats moyens, les averses longues et courtes, les orages, la grêle, la neige), l’ensoleillement, la nébulosité et le vent. Des tableaux fournissent également des valeurs ponctuelles tirées des stations d’observation.
7Ce domaine de recherche étant quelque peu laissé en jachère, nous avons mobilisé des moyens de traitement actualisés pour le renouveler. A l’exemple du poète André Chénier (« sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques »), la présente contribution revient sur la question ancienne, traitée de façon moderne, de la cartographie des climats et des modes de partition de l’espace qu’elle implique. A cela s’ajoute une retombée pratique puisque l’essentiel de nos résultats est téléchargeable sous forme de cartes ou de tableaux. Ces documents et leur mode d’emploi sont fournis en annexe.
8La Corse a été exclue du champ spatial de l’étude car son éloignement au continent ne permettait pas certains traitements des données, le krigeage notamment.
9Les données qui fondent la typologie des climats que nous proposons, proviennent de Météo-France. Cet organisme met à disposition gratuitement ou au coût marginal de mise à disposition les normales 1971-2000 qui constituent des données dites “essentielles” au sens de la Résolution 40 de l’OMM. Ces normales ont été publiées sous deux formes :
10Parmi les multiples paramètres susceptibles d’être pris en compte, notre choix s’est limité aux précipitations et aux températures. Il s’agit, en effet, des déterminants fondamentaux du climat observés en un nombre élevé de postes d’enregistrement, soit respectivement 2031 et 651 (fig. 1). En revanche, la nébulosité, l’insolation, le vent, etc., ont été écartés car ces facteurs sont moins structurants à l’échelle du territoire et leurs stations de mesure, réduites à une centaine, ne satisfont pas aux contraintes d’un échantillonnage correct de l’espace (Joly, 2007). En effet, les tests préalables que nous avons effectués en intégrant ces paramètres ont fait ressortir surtout l’incidence des distorsions techniques liées à la faiblesse de l’échantillonnage sans éclairer la typologie.
Figure 1. Localisation des 2031 stations pluviométriques (A) et des 651 stations qui enregistrent la température (B)
Source : Météo-France
11Réduits à deux, les paramètres climatiques sont toutefois exprimés par un nombre consistant de variables, 6 pour les températures et 8 pour les précipitations. Les valeurs retenues correspondent aux données mensuelles sur la normale 1971-2000. Pour plusieurs variables relatives aux précipitations, nous prenons les valeurs de janvier et de juillet comme référence pour distinguer l’hiver de l’été et capter ainsi certaines spécificités des climats, car, d’une saison à l’autre, les processus en jeu ne sont pas de même nature dans les différentes zones. Précisons que janvier a été choisi parce qu’il est le mois le plus froid pour 98 % des stations (le reste se répartit entre février et décembre) ; juillet, son symétrique estival, est le mois le plus chaud pour 56 % des stations, légèrement plus que août (44 %). Le jeu de variables s’établit comme suit, un code de 3 lettres sert à les identifier :
-
[TMO] Moyenne annuelle de température ;
-
[TMN] Nombre de jours avec une température inférieure à -5°C ;
-
[TMX] Nombre de jours avec une température supérieure à 30°C. Notons que la fréquence de dépassement de ces deux seuils froids (2) et chauds (3), constitue un indicateur pertinent dans les domaines de l’écologie ou de la santé, par exemple ;
-
[TAM] Amplitude thermique annuelle. Elle mesure la différence entre la température moyenne de juillet et celle de janvier. Cette variable est généralement reconnue comme critère de discrimination entre climats océaniques et continentaux ;
-
[TEH] Variabilité interannuelle de la température en janvier. Elle est donnée par l’écart type des 30 valeurs de température mensuelles au cours de la normale de référence ;
-
[TEE] Variabilité interannuelle de la température en juillet (même calcul que précédemment) :
-
[PTO] Cumuls annuels de précipitation :
-
[PDH] Ecart des cumuls de janvier par rapport à la moyenne annuelle des cumuls mensuels :
-
[PDE] Ecart des cumuls de juillet par rapport à la moyenne annuelle des cumuls mensuels. Les variables 8 et 9 mesurent la spécificité pluviométrique de chacun des deux mois :
-
[PJH] Nombre de jours de précipitation en janvier :
-
[PJE] Nombre de jours de précipitation en juillet :
-
[PEH] Variabilité interannuelle des précipitations en janvier. Elle est donnée par l’écart type des 30 valeurs de cumuls mensuels au cours de la normale de référence :
-
[PEE] Variabilité interannuelle des précipitations en juillet (même calcul que précédemment) ;
-
[PRA] Rapport entre les abats d’automne (septembre + octobre) et ceux de juillet. Ce rapport permet de bien séparer le domaine méditerranéen du reste (Péguy, 1961 ; Douguedroit, 1972).
12La collecte des données climatiques dépend de stations dont la densité et la répartition sont très hétérogènes selon les catégories de variables. Températures et précipitations auxquelles nous sommes contraints de limiter notre choix, proviennent de deux réseaux dont les points de mesure ne concordent pas. Il n’est donc pas possible d’établir la typologie souhaitée par un traitement direct des données stationnelles. C’est pourquoi, une interpolation variable par variable est préalablement requise de manière à produire une information qui couvre tout l’espace. Ensuite seulement, un traitement multivarié enchaînant AFC et CHA sera appliqué aux couches d’information ainsi constituées et permettra de proposer une typologie assortie d’une délimitation géographique des climats.
13Parmi les méthodes d’interpolation, une première famille repose sur les relations de distance entre des points connus pour combler les vides interstitiels : l’interpolation gravitaire, le krigeage, par exemple, se rangent dans cette catégorie.
Le krigeage est une méthode d’interpolation que l’on qualifie de « méthode optimale » ou d’ « analyse objective » selon les domaines d’application où elle est utilisée. Comme les précédentes méthodes d’interpolation, le krigeage tire profit de l’autocorrélation spatiale. Son objectif est d’identifier la distance optimale à l’intérieur de laquelle les points de mesure sont autocorrélés. Cette distance, appelée portée, correspond en fait au point d’infléchissement du variogramme et délimite la frontière entre deux échantillons : (i) celui qui, situé en deçà de la portée, regroupe les points qui présentent une organisation spatiale commune ; et (ii) celui qui, au delà de la portée, présente des variations aléatoires par rapport au précédent. L’estimation des valeurs, effectuée à partir du variogramme, est introduite sous la forme d’une équation linéaire qui fixe le poids à attribuer aux données lors de l’interpolation.
14Une seconde famille prend en considération les facteurs géographiques qui commandent la variation spatiale des composants du climat selon un emboîtement hiérarchique d’échelles, du niveau global (latitude, longitude, continentalité…) jusqu’au au niveau local (altitude, pente, orientation…). Dans ce cas, on procède par ajustement, en faisant appel aux régressions, le plus souvent. Cela revient à établir un modèle qui précise, sous la forme d’une équation, la relation qui existe entre les valeurs enregistrées aux points de mesure (variables climatiques expliquées) et les facteurs environnementaux (variables explicatives) qui jouent sur ces valeurs et leur différentiel de distribution. L’exercice implique d’identifier ces facteurs explicatifs et leur degré de significativité ; il aboutit à reconstituer, sous forme de cartes, les champs spatiaux dans leur continuité en calculant, pour tout point de l’espace géographique dont on connaît les caractéristiques environnementales, une valeur au mieux approchée de la variable climatique considérée. Les caractères de la topographie peuvent également être introduits en tant que facteurs explicatifs sous une forme synthétique après voir fait l’objet d’une analyse multivariée (Benichou et Lebreton, 1987). Dans un précédent article (Joly et al. 2009), nous avons conduit différents tests et montré l’avantage d’une méthode originale d’interpolation appelée « interpolation locale » que nous reprenons ici pour produire les cartes univariées impliquées dans la synthèse typologique. Cette méthode consiste d’abord à segmenter le territoire en une multitude de polygones (plusieurs milliers) selon un critère de voisinage entre stations, puis à ajuster un modèle de régression propre à chaque polygone et à chaque variable en fonction des facteurs qui expliquent au mieux la variation locale de celle-ci. Les variables explicatives mobilisées pour mettre en œuvre la modélisation proviennent de deux sources : le MNT de l’IGN à 250 m de résolution et la base européenne Corine Land Cover. De la première, sont dérivées les 6 variables liées à la topographie et de la seconde 3 variables liées à l’occupation du sol. Soit :
-
l’altitude,
-
la pente, Il s’agit de la valeur d’inclinaison par rapport à l’horizontale (0°) du plan de régression obtenu du polynôme de degré 1 des altitudes contenues dans la fenêtre de neuf pixels centrée sur chaque station.
-
l’orientation des versants est la position de ce plan de régression par rapport au nord (0°).
-
la rugosité topographique, elle est un indicateur des irrégularités de relief. Elle est donnée par l’écart type des altitudes résiduelles par rapport au plan de régression (elle peut être nulle en présence de plat ou sur un versant parfaitement rectiligne),
-
l’indice d’encaissement/surélévation topographique correspond à la moyenne arithmétique des altitudes de la fenêtre : un fond de vallée exigu prend une valeur négative tandis qu’un point dominant (crête, sommet) est doté d’une valeur positive.
-
le rayonnement global théorique, il est calculé pour le solstice d’été (21 juin) en tenant compte des masques topographiques,
-
l’indice de végétation, cet indice de biomasse (Joly, 2007) a été reconstitué à partir des types d’occupation du sol auxquels on a attribué une valeur d’indice standard (5 pour le bâti dense de centre ville, les aéroports, etc. ; 250 pour la forêt compacte),
-
distance à la forêt,
-
distance à l’océan ou à la mer.
15Cette procédure permet d’obtenir pour chacune des 14 variables climatiques retenues une carte qui approche au mieux ses variations spatiales à échelle fine tout en couvrant l’ensemble du territoire (annexe 1). Précisons que certains secteurs de haute montagne ne seront pas interpolés puisque les valeurs d’altitude dépassent la borne supérieure de l’échantillon (2549 m) qui a servi de support à la description du modèle. Tout au plus accorderons nous une marge de 20 % au-delà de la limite maximale renseignée. Les pixels concernés sont codés de manière spécifique et apparaissent en gris sur les cartes
16Une batterie de tests permet de s’assurer de la qualité des modèles. En effet, à l’issue de chaque régression, une validation croisée (Stone, 1974) est appliquée pour évaluer les performances de l’estimation. Cela revient à effectuer les calculs de régression en évacuant une station du corpus à chaque itération, en répétant ce processus pour toutes les stations (méthode dite « Leave-one-out » ; Plutowski, 1994), on obtient 2031 valeurs de précipitations ou 651 de températures théoriques et donc autant de résidus dont l’écart type est calculé. Dans la mesure où, par leur nombre, les stations échantillonnent convenablement l’espace français (Joly, 2007), ce type de validation constitue un bon outil d’évaluation de la performance du modèle. Ces résidus servent de support à un krigeage, seconde étape de l’interpolation.
17La performance du modèle est d’abord évaluée grâce à l’écart type des résidus. Cet indice est utile pour comparer des variables où les unités sont identiques. On a ainsi pu montrer que les écart types des erreurs d’estimation des températures sont plus élevés l’hiver que l’été (Joly et al., 2008) et inversement pour les précipitations (Joly et al., 2009). Le recours à l’écart type pour comparer des erreurs d’estimation de variables dont les unités sont différentes (degrés, mm, nombre de jours, etc.) est plus délicat. C’est pourquoi nous avons comparé ces dernières grâce à l’indice de performance suivant :
18Où : ∂res est l’écart type des résidus etobs est l’étendue des valeurs de la série d’observation
19Cet indice est préféré au coefficient de variation (∂res / moyobs) car l’étendue de la série d’observation a un sens climatologique : deux régions différentes peuvent présenter des moyennes sensiblement identiques mais des écarts internes très différents. Les écarts de température sur un site de plaine sont d’ordinaire faibles, l’interpolation est aisée, les résidus faibles. En montagne, les écarts entre les températures les plus basses (sommets) et les plus élevées (fond de vallée) sont élevés, révélant la juxtaposition de microclimats distincts. En ce cas, l’interpolation est difficile, les résidus élevés. Ainsi, ind_P permet d’exprimer l’erreur d’estimation donnée par l’écart type, en référence à l’écart potentiellement maximum (l’étendue) de chaque série climatique. Son interprétation est analogue à celle du coefficient de détermination : une valeur élevée, proche de 1, indique que l’écart type des résidus est faible, compte tenu de l’étendue de la série analysée ; inversement, une mauvaise estimation se traduira par une valeur faible, voisine de 0.
20Les tableaux 1 et 2 montrent que les écarts-types des résidus sont intéressants à utiliser seulement pour comparer la qualité de l’interpolation de plusieurs mois d’une même variable. Ainsi l’écart-type des résidus de la variabilité des températures sur la normale 1971-2000 (tableau 1, colonne 4) est analogue en janvier (0.09) et en juillet (0.08). La variabilité interannuelle des précipitations (tableau 2, colonne 4) est en revanche plus élevée en janvier (7,6 mm) qu’en juillet (4,1 mm).
Tableau 1 : Étendue des séries d’observation, écart type des résidus et indice de performance des six variables relatives aux températures ; 01, 07 =janvier, juillet
|
Température
|
|
(1)
moyenne
|
(2)
nombre de jours
|
(3)
amplitude
|
(4) variabilité
1971-2000
|
|
Année TMO
|
< -5°C TMN
|
> 30°C TMX
|
07-01 TAM
|
01 TEH
|
07 TEE
|
étendue (obs.)
|
14,6
|
130
|
76
|
11,6
|
18
|
18
|
éc. type (res.)
|
0,41
|
6,3
|
4,2
|
0,38
|
0,09
|
0,08
|
ind_P
|
0,95
|
0,90
|
0,89
|
0,93
|
0,90
|
0,92
|
21Malgré des valeurs d’écart-type très différentes, l’indice de performance permet de comparer la qualité de l’interpolation de la température et des précipitations : l’erreur d’estimation s’inscrit dans une fourchette comprise entre 4 et 5 % de l’étendue des valeurs d’observation des quatre séries considérées. Le nombre de jours de précipitation en janvier, avec un indice de performance de 0,82 est la variable dont l’écart-type des résidus d’estimation est le plus élevé proportionnellement à l’étendue de la série. En revanche, l’écart-type des résidus est inférieur à 3 % de l’étendue des valeurs d’observation pour trois variables : écart à la moyenne des précipitations de janvier (0,96), rapport des précipitations d’automne sur celles d’été (0,96) et moyenne annuelle des températures (0,95).
Tableau 2 : Etendue des séries d’observation, écart-type des résidus et indice de performance des huit variables relatives aux précipitations ; 01, 07 =janvier, juillet
|
Précipitation
|
|
(1)
Cumul
|
(2) écart à la moyenne
|
(3)
nombre de jours
|
(4) Variabilité
1971-2000
|
(5)
Rap.
|
|
Année PTO
|
01 PDH
|
07 PDE
|
01 PJH
|
07 PJE
|
01 PEH
|
07 PEE
|
36,9 PRA
|
étendue (obs.)
|
1834
|
3086
|
3160
|
13,8
|
12,3
|
190,5
|
92,3
|
36,9
|
éc. type (res.)
|
80,7
|
5,4
|
11,0
|
1,3
|
0,4
|
7,6
|
4,1
|
0,76
|
ind_P
|
0,91
|
0,96
|
0,93
|
0,82
|
0,94
|
0,92
|
0,91
|
0,96
|
22Les calculs et des modélisations statistiques utilisés pour l’interpolation des variables climatiques ont été réalisés grâce au logiciel LISDQS (logiciel d’interpolation statistique de données quantitatives et spatiales (JOLY, 2009)) développé à Besançon.
23Il s’agit de réaliser la synthèse des 14 cartes obtenues de l’interpolation. L’association de l’analyse factorielle des correspondances (AFC) et de la classification hiérarchique ascendante (CHA) permet d’établir une typologie apte à être représentée sous forme de carte.
Tableau 3. Variables climatiques et leur découpage en classe
|
Températures
|
Classe 1
|
Classe 2
|
Classe 3
|
Classe 4
|
Classe 5
|
TMO
|
Température moyenne annuelle (°C)
|
< 9,4
|
< 10,4
|
< 11,4
|
< 12,8
|
> = 12,8
|
TMN
|
Jours/an de minimum inférieur à -5°C
|
< 4,0
|
< 8,0
|
< 14,0
|
< 25,0
|
> = 25,0
|
TMX
|
Jours/an de maximum supérieur à + 30°C
|
< 4,0
|
< 9,0
|
< 15,0
|
< 23,0
|
> = 23,0
|
TAM
|
Amplitude thermique (°C) (juillet-janvier)
|
< 13,5
|
< 14,7
|
< 15,7
|
< 16,9
|
> = 16,9
|
TEH
|
Variabilité 1971-2000 en janvier (°C)
|
< 1,7
|
< 2,0
|
< 2,1
|
< 23,
|
> = 23,
|
TEE
|
Variabilité 1971-2000 en juillet (°C)
|
< 1,2
|
< 1,3
|
< 1,4
|
< 1,5
|
> = 1,5
|
|
Précipitations
|
|
|
|
|
|
PTO
|
Cumul annuel (mm)
|
< 710
|
< 800
|
< 940
|
< 1150
|
> = 1150
|
PDH
|
Ecart à la moyenne en janvier (mm)
|
< -6
|
< 0
|
< 7
|
< 16
|
> = 16
|
PDE
|
Ecart à la moyenne en juillet (mm)
|
< -35
|
< -22
|
< -9
|
<-2,7
|
> = -2,7
|
PJH
|
Jours de précipitation en janvier
|
< 9
|
< 11
|
< 12
|
< 13
|
> = 13
|
PJE
|
Jours de précipitation en juillet
|
< 6
|
< 7
|
< 8
|
< 9
|
> = 9
|
PEH
|
Variabilité 1971-2000 en janvier (mm)
|
< 32
|
< 40
|
< 50
|
< 70
|
> = 70
|
PEE
|
Variabilité 1971-2000 en juillet (mm)
|
< 27
|
< 31
|
< 35
|
< 41
|
> = 41
|
PRA
|
Rapport (sep. + oct.) / juillet
|
< 2
|
< 2,5
|
< 3
|
< 6
|
> = 6
|
24Les variables cartographiées ont été préalablement discrétisées en 5 classes (tableau 3) de manière à ce que la classe centrale, les deux classes intermédiaires et les deux classes extrêmes concentrent respectivement environ 40 %, 20 % et 10 % de l’échantillon. De la sorte, toutes les unités de carroyage qui couvrent le territoire sont décrites d’une manière homogène autorisant un codage booléen (dont les valeurs sont exprimées en 0 ou 1). Certes, dans l’exemple présenté, les variables initiales sont quantitatives et pourraient tout aussi bien faire l’objet d’une ACP mais le choix de l’AFC et de variables discrètes se justifie pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’AFC peut permettre le cas échéant, d’intégrer des données qualitatives (direction des vents dominants par exemple), ce qui, au-delà du cas traité, donne une portée plus générale à la procédure. Ensuite, chaque variable est représentée par plusieurs modalités booléennes sur les graphes factoriels dont l’organisation est ainsi rendue plus lisible et aisément interprétable. Une fois la classification réalisée, l’analyse de la distribution des modalités booléennes au sein des classes aide à leur donner une définition qui prend appui sur les fréquences observées. Enfin, ces mêmes fréquences fournissent l’information nécessaire au calcul de probabilité mis en œuvre pour définir l’espace de distribution potentiel de chaque type climatique. Au total, traiter des variables discrètes plutôt que quantitatives présente un intérêt à chaque phase de la procédure : traitement multivarié, classification, cartographie, ce qui renforce l’assise et la cohérence formelle de la méthodologie dont nous détaillons maintenant la mise en œuvre.
25Afin d’alléger les traitements, un panel de 3364 points a été extrait selon un protocole, appelé échantillonnage stratifié non aligné (document annexe n° 1), qui mêle tirage aléatoire et systématique (Keersmaecker, 1987) Les données se présentent ainsi sous la forme requise pour être soumises au traitement mathématique. Dans ce domaine, l’analyse factorielle des correspondances constitue un outil intéressant puisqu’elle permet le traitement de matrices booléennes et fait ressortir les structures logiques sous-jacentes en ordonnant les modalités binaires de chaque variable sur les graphes résultants (document annexe 2).
26L’analyse des correspondances, en générant des axes factoriels, donne lieu à un nouveau système de coordonnées dans lequel se positionnent individus et caractères. Grâce à la matrice de distance ainsi construite, il est possible de procéder à une classification automatique représentée sous la forme d’un arbre hiérarchique. Dans le cas présent, la mise en œuvre d’une classification hiérarchique ascendante conduira à reconnaître huit types de climats. Ces résultats sont croisés avec ceux de l’AFC avant d’être projeté sur la carte (document annexe 3). Ces résultats peuvent être croisés avec ceux de l’AFC pour établir une concordance entre la typologie et la structure d’ordre factorielle (document annexe 4).
27A ce stade de la procédure, seul le semi des unités échantillonnées a été traités. Il convient donc de généraliser ce résultat à l’espace dans sa continuité comme nous l’avons vu à propos des interpolations. Dans cet exercice, nous mettons à profit une des possibilités offertes par l’AFC consistant à projeter dans l’espace factoriel des éléments, caractères ou individus, qui n’ont pas été introduits au départ dans l’analyse. Précisons tout d’abord que la position factorielle de chacune des 3364 unités qui composent l’échantillon de référence est déterminée par celle des caractères booléens qui la décrivent et, réciproquement, la position de chaque caractère est déterminée par la position des individus qui le possèdent. Cette propriété est appelée équivalence distributionnelle (Escofier, 1978). Grâce à celle-ci, on recalcule la position de tout élément nouveau introduit a posteriori, autrement dit, celle de chaque unité de carroyage qui compose l’espace français métropolitain et qui n’a pas été échantillonnée. De la sorte, il est possible de cartographier les résultats de l’AFC, axe par axe ou sous la forme d’une composition colorée synthétisant l’information des trois premiers axes comme on le fait habituellement en traitement d’image (document annexe 4). Ce principe de généralisation spatiale peut être étendu aux résultats de la classification puisque l’appartenance typologique des unités est également dépendante de leurs coordonnées factorielles ; ce qui permet de représenter le résultat de la classification sous forme de carte. Chaque phase de la procédure fait donc l’objet d’une double représentation, l’une graphique résultant du traitement de l’échantillon et l’autre, cartographique issue de la généralisation par la méthode des éléments supplémentaires.
28La partition de l’espace obtenue d’une CHA a un caractère réducteur puisqu’elle est exclusive : chaque unité de carroyage appartient à une seule classe. La simplification qui en résulte est évidemment commode puisque toute l’information traitée est représentée sur un seul document. Cependant, en climatologie comme en beaucoup d’autres domaines, les limites franches sont l’exception. En effet, s’il existe bien des secteurs où l’appartenance à un type climatique donné est indiscutable, il s’agit le plus souvent de noyaux bien circonscrits et distants, entre lesquels l’espace est majoritairement occupé par des zones de transition au climat hybride, d’où le caractère incertain des limites retenues (Alexandre, 2008 ; Durand-Dastes et Sanders, 1984). Pour tenir compte de cette réalité et en fournir une représentation cartographique, nous aurons recours à une approche bayésienne fondée sur les probabilités (Taylor et al., 1996) : les fréquences observées des modalités booléennes au sein de chaque classe sont assimilées à des probabilités empiriques qui permettent, si l’on connaît le profil d’un individu (ses caractères), de calculer la probabilité qu’il a d’appartenir à chacune des classes (Brossard et al., 1999 ; Moreau et al., 2005).
où P (Bi / A) : probabilité conditionnelle de l’évènement Bi sachant que l’évènement A est réalisé (par exemple, probabilité de la modalité TMO1 d’appartenir à la classe 1) ;
P (Bi) : probabilité conditionnelle de l’évènement Bi (fréquence d’apparition de la modalité TMO1) ;
P (A / Bi ) : probabilité conditionnelle de l’évènement A sachant que l’évènement Bi est réalisé (fréquence d’apparition de la modalité TMO1 dans la classe 1) ;
P (Bj) : probabilité conditionnelle de l’évènement Bj (fréquence d’apparition des différentes modalités) ;
P (A / Bj) : probabilité conditionnelle de l’évènement A sachant que l’évènement Bi est réalisé (fréquence d’apparition des différentes modalités pour la classe 1) ;
n : nombre d’évènements possibles (nombre de modalités).
29L’application de cette méthode nous donnera le moyen de nuancer l’interprétation des résultats de la classification (§ 3.2., figure 3)
30Ce document (figure 2) repose au départ sur une partition abstraite de l’espace factoriel organisée par la structure d’ordre. La classification conduit à une partition de l’espace géographique, également cohérente. La façade méditerranéenne (type 8), l’opposition entre le climat océanique franc (type 5) et le climat semi-continental (type 2), l’effet d’altitude (type 1) ressortent directement à la vue de la carte comme faits structurants majeurs de l’espace. Une structure géographique par ensembles spatiaux est donc sous-jacente à la structure d’ordre factorielle. Toutefois, il est important de garder à l’esprit que la typologie représentée sur la carte ne correspond pas à un zonage géographique direct. Celui-ci ne prend corps qu’avec la concordance constatée entre partition mathématique et partition géographique. C’est pourquoi, lorsque nous définirons un climat comme méditerranéen, océanique doux, etc., c’est en fonction de ses caractéristiques intrinsèques, sans contrainte de délimitation géographique stricte.
31On remarquera que tous les types présentent, sur leurs marges, de petits secteurs enclavés dans le type voisin. Cette particularité montre que le passage d’un type à l’autre n’est pas brutal, mais s’effectue de manière progressive à l’intérieur d’une frange en règle générale assez mince où l’appartenance à un des deux types voisins est incertaine. Il n’en va pas de même pour deux types :
-
le type 7 (climat du Bassin du Sud-Ouest) qui caractérise la Limagne et le nord de la vallée du Rhône,
-
le type 6 (climat méditerranéen altéré) qui apparaît loin du type 8 (climat méditerranéen franc), en plusieurs endroits du littoral atlantique.
32Ce phénomène s’explique par le fait que les espaces considérés, bien qu’éloignés l’un de l’autre, présentent les mêmes caractères climatiques. Si proximité spatiale est souvent synonyme de proximité statistique, deux points éloignés peuvent, parfois, présenter des ressemblances.
33Le traitement quantitatif permet l’exploration systématique des relations fréquentielles entre les 70 variables et les 8 types de climats (document annexe 5). Les caractéristiques distinctives de chacun sont ainsi mises au jour et s’établissent comme suit.
34En raison de sa grande dispersion spatiale, il est difficile de parler de climat franc avec le type 1 qui associe Pyrénées, Massif central, Alpes, Jura, Morvan, Ardennes et, malgré des altitudes modestes, les plateaux à l’est de la Champagne et une partie de la Lorraine et de la Franche-Comté. Ce type regroupe évidemment tous les lieux où les influences montagnardes et/ou semi-continentale sont prépondérantes, ce qui se traduit par : un nombre de jours et un cumul élevés de précipitation, une température moyenne inférieure à 9,4°C et, corrélativement, plus de 25 jours au cours desquels la température minimale a été inférieure à -5°C et moins de 4 avec un maximum supérieur à 30°C. La variabilité interannuelle des précipitations de juillet et des températures d’hiver et d’été est maximale.
35Le type 2 fait transition entre les climats de montagne et :
-
au nord, le type 3,
-
au sud-ouest, le type 4,
-
au sud-est, le type 8.
36Il regroupe les périphéries montagnardes et s’étend sur de vastes secteurs en Bourgogne, Lorraine et Alsace où les températures sont moins froides qu’en montagne (elles sont cependant, à altitude égale, plus froides que partout ailleurs), les précipitations légèrement plus faibles et moins fréquentes, mais la variabilité climatique sur la normale 1971-2000 tout aussi élevée. Le faible rapport entre les précipitations d’automne et d’été est une autre caractéristique de ce type.
37Ce type affecte l’ensemble du Bassin parisien avec une extension vers le sud (vallée moyenne de la Loire, le nord du Massif central et vallée de la Saône). Le climat reste océanique mais avec de belles dégradations. Les températures sont intermédiaires (environ 11°C en moyenne annuelle, entre 8 et 14 jours avec une température inférieure à -5°C). Les précipitations sont faibles (moins de 700 mm de cumul annuel), surtout en été, mais les pluies tombent en moyenne sur 12 jours en janvier et sur 8 en juillet, valeurs moyennes rapportées à l’ensemble français. La variabilité interannuelle des précipitations est minimale tandis que celle des températures est élevée.
38Le climat océanique altéré apparaît comme une transition entre l’océanique franc (type 5) et l’océanique dégradé (type 3). Entre le Nord-Pas-de-Calais et la Normandie il s’agit d’une fine bande tandis qu’à l’Ouest, cette transition s’élargit jusqu’à atteindre plus de 150 km. Elle affecte également le sud-ouest du Massif central, de la Dordogne à l’Aveyron et le nord des Pyrénées. La température moyenne annuelle est assez élevée (12,5°C) avec un nombre de jours froids faible (entre 4 et 8/an) et chauds soutenu (entre 15 et 23/an). L’amplitude thermique annuelle (juillet-janvier) est proche du minimum et la variabilité interannuelle moyenne. Les précipitations, moyennes en cumul annuel (800-900 mm) tombent surtout l’hiver, l’été étant assez sec.
39Le climat océanique occupe un mince liseré en bordure de la Mer du Nord et l’ensemble de la Normandie, la Bretagne, la Vendée et les Charentes. Un espace océanique réduit occupe l’ouest des landes et des Pyrénées-atlantiques. Les températures sont moyennes et très homothermes : l’amplitude annuelle (moins de 13°C d’écart entre juillet et janvier), le nombre de jours froids (moins de 4) et chauds (moins de 4) et la variabilité interannuelle sont minimaux. Les précipitations sont annuellement abondantes (un peu plus de 1000 mm) et fréquentes en hiver (plus de 13 jours en janvier). L’été est également pluvieux (8-9 jours en juillet) mais les cumuls sont réduits. Le climat océanique se caractérise enfin par une forte variation interannuelle des précipitations d’hiver.
Figure 2. Typologie climatique du territoire français en 8 classes
40Le méditerranéen altéré s’étend surtout sur les Alpes et les Préalpes du sud, englobant l’essentiel des deux départements des Alpes-de-haute-Provence et de la Drôme. On en distingue également quelques lambeaux en rive gauche du Rhône, à la hauteur de l’Ardèche et sous la forme d’un étroit liseré à l’ouest, entre les Pyrénées orientales et l’Hérault. La température moyenne annuelle est élevée, avec des jours de froid en nombre réduit et des jours chauds compris entre 15 et 23/an. La variabilité interannuelle des températures de juillet est minimale : l’été est répétitivement chaud d’une année à l’autre. Le cumul des précipitations annuelles est moyen (800-950 mm) mais elles ne sont pas réparties homogènement. L’automne et l’hiver, humides et très variables d’une année à l’autre, s’opposent à l’été, sec et stable sur la normale 1971-2000.
41Ce type concerne une zone géographiquement composite, située à cheval sur plusieurs régions (Aquitaine, Languedoc) et centrée sur le bassin moyen de la Garonne. Par commodité, nous la dénommerons « Bassin du Sud-ouest ». Il est caractérisé par une moyenne annuelle de température élevée (supérieure à 13°C) et un nombre élevé (> 23) de jours chauds tandis que les jours qui présentent un gel inférieur à -5°C sont rares. L’amplitude thermique annuelle est élevée (15 à 16°C) et la variabilité interannuelle des températures d’hiver et d’été est faible. Les précipitations, peu abondantes en cumul annuel (moins de 800 mm) et en hiver, le sont un peu plus durant l’été. Elles sont plus fréquentes en hiver (9-11 jours) qu’en été (moins de 6 jours). Cette répartition indique que l’intensité des précipitations est faible l’hiver (précipitations océaniques) et plus élevées l’été (perturbations orageuses venant de l’Espagne ou du golfe de Gascogne). La variabilité interannuelle des précipitations est moyenne.
42Le climat méditerranéen occupe une bande d’une petite centaine de kilomètres autour de la mer éponyme, depuis les Pyrénées jusqu’au Var. Au-delà, dans les Alpes maritimes, le méditerranéen se rétrécit à tel point qu’il finit par ne plus apparaître que ponctuellement au sein des vallées alpines. En revanche, ce type s’élargit en Camargue, au passage du Rhône dont il investit la vallée jusque dans la Drôme. Le rebord oriental du Massif central, en Ardèche, est également affecté par ce climat. Les caractères climatiques sont très tranchés, plus que dans chacun des sept précédents climats. Les températures annuelles sont élevées, associées à des jours froids rarissimes et des jours chauds fréquents. L’amplitude interannuelle est élevée (plus de 17°C entre juillet et janvier) tandis que ces caractères sont très stables d’une année à l’autre. Le rapport très élevé entre précipitations d’automne et précipitations d’été (> 6) est le caractère principal de ce climat. Le cumul annuel des précipitations est faible avec un été aride mais un hiver plutôt bien arrosé malgré un faible nombre de jours de pluie. Ces caractères sont également stables d’une année à l’autre.
43La figure 3 fait ressortir la concordance logique entre gradients factoriels et gradients géographiques : autour d’une carte centrale reprenant la typologie, huit cartes ont été mises en place. Chacune d’elle correspond à un type dont elle montre l’espace de distribution probable. Le caractère relatif de la typologie est ainsi mis en évidence puisque chaque point de l’espace présente une affinité plus ou moins forte avec les huit types. La partie supérieure du montage montre comment s’organise la transition entre océanique à l’ouest (type 5) et montagnard-continental à l’est (type 1). Ces deux types extrêmes ainsi que le type 3 (climat océanique dégradé des plaines) affectent des « noyaux spatiaux » bien identifiés par des valeurs de probabilité élevées, tandis que les types 4 et 2 apparaissent comme intermédiaires, plus diffus dans l’espace et sans valeurs de probabilité élevées. On note aussi une rupture nette entre les types 4 et 3 dont les espaces de probabilité respectifs ne s’interpénètrent pas. En revanche, le type 2 présente un espace de probabilité hybride dont des affinités avec les types 1 et 3 sont patentes. La partie inférieure du montage établit les modalités de passage qui conduisent de l’océanique au méditerranéen. L’organisation de ce gradient sud est bien tranchée. En effet, les affinités entre les types 7 et 8 sont très fortes puisque les cartes correspondantes, très semblables, ne se différencient qu’avec les valeurs de probabilité fortes qui circonscrivent des espaces aux limites nettes. Le type 6 qui assure la transition avec l’océanique (type 5) dessine un espace en dentelle dont les réticules affectent tout le territoire. Ce type dont l’extension spatiale révélée par la CHA est réduite, montre ici son affinité avec toutes les zones de franges des pôles climatiques majeurs qui structurent le territoire.
Figure 3 : Espace de distribution probable des types climatiques : gradients factoriels et gradients géographiques
44Au terme de l’analyse que nous venons d’effectuer, il apparaît que les climats de France s’organisent en trois pôles. Les deux premiers, océanique et méditerranéen, sont caractérisés par des masses d’air propres dont l’influence se diffuse sur de vastes portions du territoire par advection ; le troisième est lié à la montagne. La figure 4 apporte un support visuel à cette synthèse.
45Parallèlement, un axe incliné entre la Vendée et les Alpes de Haute Provence sépare une France du Nord d’une France du Sud. Tracé empiriquement et très schématiquement, il joint la limite septentrionale du climat méditerranéen altéré (type 6) et du climat Bassin du Sud-Ouest (type 7).
46Les masses d’air, océanique ou méditerranéenne, ont une influence forte et directe sur une bande littorale plus ou moins large mais leur effet ne se cantonne pas au voisinage des côtes. En effet, depuis la façade océanique, l’air peut fluer d’ouest en est sans véritable obstacle et marquer le climat sur plusieurs centaines de kilomètres de profondeur. En revanche, du côté méditerranéen, la dynamique des masses d’air est contrainte par le jeu contradictoire des reliefs qui font barrière (Pyrénées, Cévennes, Alpes), et des vallées qui canalisent les flux (Rhône). En progressant à l’intérieur des terres, les masses d’air perdent leurs caractères initiaux pour en acquérir d’autres à mesure qu’elles interagissent avec le milieu continental qu’elles traversent. De ce fait, les termes du bilan énergétique se modifient, les températures d’été deviennent plus élevées et celles d’hiver plus basses ; l’amplitude thermique augmente. De leur côté, les reliefs jouent aussi un rôle décisif : sur les versants au vent, le volume et le nombre de jours de précipitation s’élèvent tandis qu’ils diminuent sous le vent par effet de foehn.
47La France climatique est ainsi déterminée par le jeu croisé de ces différents facteurs. Une longue bande ouest qui va du Nord jusqu’au Pays Basque, est marquée par un climat océanique franc (type 5) qui laisse place, plus à l’est, à une variante altérée formant le type 4. Ensuite, le gradient se dédouble en deux branches : au nord (type 3), sur le Bassin parisien notamment, le climat s’assèche et surtout, se refroidit : des gelées peuvent survenir durant six mois de l’année et les jours chauds sont rares. Au sud-ouest, c’est la douceur qui tend à marquer le climat : les gels sont rares, même au cœur de l’hiver ; les étés enregistrent de fortes chaleurs et les précipitations sont bien présentes. Cette région subit une double influence, océanique pour les précipitations et méditerranéenne pour les températures.
Figure 4. Schéma synthétique de l’espace des climats
48Prolongeant la branche nord du gradient, la continentalisation du climat se poursuit vers la Bourgogne, la Lorraine, l’Alsace et la Franche-Comté. Les caractéristiques océaniques y sont encore lisibles à travers l’action dynamique des perturbations zonales qui peuvent intervenir en toute saison, mais leur effet est contrebalancé par celui des anticyclones continentaux qui tendent à s’imposer, en automne et en hiver surtout. C’est pourquoi on parle maintenant de « climat semi-continental » (type 2). Les plaines de ces régions, sont froides en hiver, parfois étouffantes en été. Les précipitations s’atténuent à la faveur de situations d’abri comme c’est le cas en Alsace.
49La montagne constitue le troisième facteur majeur qui commande la distribution des climats. Elle impose un gradient qui joue surtout à la verticale et très peu en extension horizontale. Avec l’altitude, les températures (en dehors des situations météorologiques d’inversion), diminuent tandis que les précipitations augmentent, au moins jusqu’à 2500 m. Partout sur le territoire, dès que l’altitude devient sensible (selon un seuil qui s’abaisse vers le nord) les caractères du climat sont suffisamment modifiés pour que l’on change de type. Dans les Préalpes du sud, on passe du méditerranéen franc au méditerranéen altéré. Dans la montagne pyrénéenne, l’océanique altéré marque la frange du piémont, de même que, à l’ouest du Massif central, la marge montagnarde est soulignée par le type 2 que l’on retrouve plus largement distribué à l’est.
50De ces considérations, quelques faits majeurs ressortent. Climat de montagne et climat semi-continental présentent des analogies fortes : hiver froid, été pluvieux. En conséquence, le climat de montagne qui devrait, en principe, être circonscrit aux massifs (Alpes du nord, Jura, Vosges, Ardennes) déborde de ceux-ci et gagne des zones d’altitude modeste comme les plateaux du Jura, la Porte de Bourgogne, le Plateau lorrain. De la même façon, le type2 couvre largement le Nord-Est : plateaux d’altitude moyenne et élevée mais aussi plaines où la semi-continentalité confère au climat des caractéristiques convergentes. Ailleurs, l’extension du type 2 est réduite car ce dernier y assure une transition rapide entre la montagne et les régions alentour, qu’elles appartiennent au domaine océanique ou méditerranéen. Enfin, les montagnes du nord-est (Vosges, Jura) subissent l’effet conjugué de l’altitude et de la semi-continentalité. C’est pourquoi on y observe des minima de température si bas et si fréquents (Joly et al., 2008).
51Les termes d’une approche quantitative portant sur la définition des climats et de leur délimitation spatiale, ont été posés et appliqués au territoire français métropolitain.
52Un des premiers points à considérer porte sur le choix des données initiales. Celles-ci doivent être aptes à une appréhension synthétique du climat et de ses variations spatio-temporelles. Ces considérations ont fortement contraint nos choix puisque seules les mesures de température et de précipitation offraient les qualités requises. La synthèse qui résulte de l’exercice apporte donc un éclairage partiel de la réalité climatique mais elle reçoit la caution d’une méthodologie éprouvée. A cet égard, les séries trentenaires (1971-2000) prises en compte donnent aux mesures la profondeur temporelle nécessaire pour établir des indicateurs pertinents qui signent l’identité des climats : moyennes, fréquences, amplitudes, écart etc. Un jeu de variables adéquat a été tiré des enregistrements initiaux pour être traité.
53Un autre apport tient au fait que les champs spatiaux de chacune des variables en question ont été reconstitués par une méthode originale, dite d’interpolation locale. Celle-ci, comme les autres méthodes d’interpolation, permet d’informer l’espace dans sa continuité et de s’affranchir ainsi des disparités qui existent dans l’implantation des réseaux d’enregistrement ; son avantage distinctif est de « coller » au mieux aux variations locales de chaque variable, telles qu’elles sont déterminées par les configurations de l’environnement, point à point dans l’espace. Le gain de précision qui en résulte est intéressant pour la délimitation spatiale des climats. D’un point de vue technique, l’information se présente sous la forme de couches de données qu’il est commode de gérer et de traiter par SIG ; elle peut même être diffusée en ligne et en l’état comme nous le proposons ici. Les annexes 1 et 2 donnent toutes les instructions utiles à ce sujet.
54Les données ainsi structurées s’offrent à de multiples traitements itératifs que permettent les SIG couplés à l’analyse d’images. L’option prise d’associer AFC et CHA a permis de construire une typologie du climat et de mettre en évidence les logiques fonctionnelles qui la fondent. Le recours complémentaire à un modèle de probabilité a fait ressortir le caractère relatif de la typologie qui s’inscrit dans l’espace à la fois par des noyaux bien marqués et par des transitions nuancées. Ainsi, les huit types qui partitionnent la France continentale s’organisent en trois ensembles majeurs qui polarisent l’espace : océan, méditerranée, montagne. La façade atlantique est affectée d’un climat océanique franc qui se mue en climat océanique altéré sur sa frange est. Ensuite, la transition vers des formes dégradées opère selon deux branches : la première, au nord, suit un gradient de continentalisation croissante, faible d’abord avec le Bassin parisien, puis plus marqué vers l’est, à mesure que la température moyenne s’abaisse et que le jeu des saisons devient contrasté ; la seconde branche beaucoup plus courte se limite au Sud-ouest où le rôle de la continentalisation n’est guère sensible car l’influence méditerranéenne prend très vite le relais. Autour de la méditerranée, le climat franc occupe une frange plus réduite car les contraintes de relief (effet de barrière ou de couloir) se font très vite sentir pour donner place à des formes de climat méditerranéen atténué. La montagne apparaît comme le troisième facteur d’organisation du climat en raison de l’altitude qui vient y prendre le pas sur les autres déterminants sans que ceux-ci s’effacent complètement. C’est pourquoi, à un niveau d’analyse plus fin, il conviendrait de distinguer la montagne du Nord-Est (Vosges, Jura, Alpes du Nord), la montagne méditerranéenne (Alpes du Sud, Sud du Massif Central, Pyrénées orientales) ou encore la montagne océanique (Massif Central, Pyrénées occidentales).
55L’étude présentée porte sur la normale 1971-2000 et prend cette période comme référence pour en tirer une image des climats français qui ne tient pas compte de leur caractère évolutif où peuvent se lire des tendances. Or, depuis la fin des années 1970, on assiste à un changement sensible qui se traduit notamment par une augmentation des températures. La normale considérée et toutes les variables qui en ont été tirées pour décrire le climat négligent cette dérive temporelle qui n’est évidemment pas au cœur de notre propos actuel mais qui ouvre à notre approche un nouveau champ d’investigation où elle pourra se mettre à l’épreuve.