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2007
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Lectures philosophiques

Entre l’Ontologie et l’Histoire :

Heidegger Ni Papa Noël de la Philosophie Ni Hitler
Simon F. O’Liai

Texte intégral

« La philosophie est la lutte autonome, libre, fondamentale de l’existence humaine avec l’obscurité qui ne cesse à tout moment d’éclater en elle. Et tout éclairement ne fait qu’ouvrir des abîmes nouveaux »

                                                                 (Martin Heidegger)1

1Dans son étude de l’histoire de la réception de la pensée de Heidegger en France depuis la célèbre traduction de Corbin aux années trente jusqu’au scandale médiatique qui suivit la publication du livre de Victor Farias en 1987, Dominique Janicaud2 mettait en relief, non sans ironie et humour, le fait que la France peut probablement se targuer d’avoir transformé, pour un certain lectorat international, le penseur le plus « allemand »  de l’histoire de la philosophie européenne du XXème siècle en véritable « French Thinker » de l’ère de la mondialisation. Janicaud ne croyait peut-être pas si bien résumer la consécration et la diabolisation simplificatrices d’une pensée de « l’histoire », à la fois incontournable et contestable, dont « l’histoire » de la réception depuis 1945 en Europe est étroitement liée à la création de cette « figure » intellectuelle singulière que représente « Heidegger en France ».

2En témoigne, une fois de plus, la publication récente, outre un cours fascinant de Heidegger lui-même sur la poésie, des plusieurs études favorables et critiques3 de son œuvre qui ne manquent pas de mettre en relief l’exactitude du célèbre constat sartrien sur l’incapacité de la philosophie française (Foucault et Deleuze étant les notables exceptions dont la profonde méconnaissance actuelle tend à confirmer la règle) à penser la signification philosophique de « l’histoire ». Autrement dit, comme le précise Sartre, à la rendre intelligible dans l’irreproductible « particularité » des ses moments « décisifs ». On ne s’étonne donc pas si, en France, ni les risibles « dévots » du « Papa Noël » fribourgeois de la philosophie contemporaine ni les détracteurs arrogants de l’effroyable « idéologue » de la pérennité millénaire du Reich hitlérien ne semblent pas pouvoir reconnaître (et encore moins l’analyser en la théorisant) la véritable signification historique de l’attrait que l’idéologie national-socialiste put exercer sur des intellectuels conservateurs et nationalistes allemands comme Heidegger entre les deux guerres mondiales.

3Car, ni les apologistes fervents du mage séducteur de Todnautberg qui croient pouvoir innocenter sa pensée de toute compromission « essentielle » avec l’idéologie « nazie » en présentant celle-ci, de façon comique, comme une sorte de succédané de la « métaphysique schopenhauerienne » (!) ni les détracteurs acharnés du philosophe du « racisme » nazi et l’inspirateur intellectuel du « négationnisme et révisionnisme » contemporains qui, d’un revers agacé de la main, croient pouvoir écarter les analyses philosophiques de Heidegger et se dérober à l’exigence de l’analyse patiente des notions heideggériennes aussi novatrices que « Umweltlichkeit » (sous prétexte que celle-ci fut utilisée et appréciée par d’autres amis « nazis » du Heidegger à l’époque de la rédaction de L’Être et le Temps ) ne semblent pas comprendre l’évolution de la pensée de Heidegger dans la complexité de ses rapports avec son contexte historique et culturel. .

4Cette incapacité française s’explique par la profonde méconnaissance et, voire même peu de connaissance, qu'ont la majorité des philosophes français de la culture dynamique et hautement politisée de cette période trouble de l’histoire allemande qui est celle de la République de Weimar. Et la réception de la pensée de Heidegger en France en a souffert dans la mesure où ses interprètes français ont rarement affiché l’indispensable sensibilité à la « complexité » des rapports entre sa pensée et le contexte politique et culturel de l’époque de sa formation, autrement dit, celui de la première moitié d’un XXème européen très agité. Pourtant, pareille sensibilité est indispensable à la compréhension du cheminement d’un penseur aussi complexe que Heidegger.Elle pourrait, dans le cadre d’une analyse à la fois historique et philosophique des transformations successives de la pensée de Heidegger, faciliter « l’appropriation critique » des éléments de son « questionnement » dont la pertinence à l’avenir de la philosophie dépasse, sans jamais l’occulter, la biographie politique du philosophe allemand. Lequel est devenu, grâce à la mondialisation sans précédent de l’héritage philosophique européen, un phénomène philosophique aux dimensions carrément internationales.

5Ainsi, dans les débats actuels autour de l‘impact intellectuel de « Heidegger en France », le contexte culturel de Weimar (dont la pensée de Heidegger s’est fort imprégnée) et le vocabulaire conceptuel singulier du philosophe qui, à son tour, l’a profondément marqué 4 sont souvent traités comme des simples reflets caricaturés d’une «Vérité » que les deux camps adverses semblent tenir pour absolue.

6Peu importe que cette « Vérité » soit celle de « l’Oubli  de l’Être » pour la chapelle de la dévotion heideggérienne de France ou celle du  «Nazisme » pour les contrôleurs autoproclamés et anti-heideggériens de l’appellation de« philosophe » dans l’Hexagone.

7Les « dévots »  français du maître du Fribourg ne comprennent pas que si l’on veut sérieusement interpréter le devenir de son œuvre protéiforme, on ne peut pas se contenter de ce que l’on appelle en France « l’explication », souvent littérale et peu éclairante, du texte heideggérien. On ne peut pas se passer de la tâche « critique »- pour emprunter une célèbre formule de Heidegger lui-même-de « penser » le contexte historico-culturel dans lequel le philosophe allemand, après s’être enthousiasmé pour la « révolution » national-socialiste même avant 1933 et obstiné à croire à la « Grandeur » de la « Vérité » de son  « Mouvement » (« Bewegung ») jusqu’à la fin de sa vie, en arrive à élaborer la notion de « l’Oubli de l’Être » (« Seinvergessenheit »).

8Une notion dont la barbarie « arraisonnante » et auto-destructrice du régime nazi, après la débâcle de Stalingrad en 1943, représenterait l’ultime incarnation pour un Heidegger déçu par le régime nazi et toujours incapable de la moindre auto-critique de sa pensée de  l’historicité » (« Geschichtlichkeit »).  Et qui n’en reste pas moins, comme bon nombre d’autres déçus du régime, un « patriote allemand », c’est-à-dire, ni un partisan inconditionnel de Hitler ni un “résistant” à la manière des putschistes de juillet 1944 ou celle des véritables héros de la résistance allemande au « nazisme », Hans et Sophie Scholl de l’organisation estudiantine « La Rose Blanche ». Mais l’arrogante et intolérante « orthodoxie » heideggérienne de France s’obstine à ne faire que de la glose révérencieuse des écrits de Heidegger sans tenir compte de leurs implications politiques souvent catastrophiques. Des écrits dont l’appropriation « classicisante » ne pourrait nullement expliquer, à titre d’exemple significatif, le changement radical de la conception heideggérienne du rôle international de l’Allemagne nazie après la défaite décisive de Stalingrad. Rejettant, comme Nietzsche l’aurait formulé, toute « perspective » d’une « critique historique » de l’évolution de la « pensée » de leur maître, la cohorte d’admirateurs « dévots » de Heidegger en France refuse, tout simplement, de reconnaître la pertinence de l’histoire culturelle et politique de l’Europe (entre 1914 et 1945) à la compréhension des métamorphoses de « l’ontologie » de leur maître.

9En revanche, les détracteurs moralisants et souvent prétentieux de Heidegger en France, à l’inverse des ses inflexibles « dévots », refusent de reconnaître la pertinence des transformations successives de « l’ontologie » de Heidegger à la compréhension de « l’histoire » de l’évolution de sa pensée et de son époque. Et ils n’ont que faire des analyses philosophiques de Heidegger. Ainsi, ils refusent, assez obstinément, de reconnaître la divergence entre l’interprétation heideggérienne (certes contestable et empreinte de l’idéologie nationaliste de son époque) de « l’auto-affirmation » (« selbstbehauptung »)  de la « race-nation » allemande et les idées comparables des idéologues « nazis » comme Rosenberg sous le prétexte que les idées de Heidegger manquent d’« originalité » (!) en tant que composantes d’une version « ontologisée » d’un « fond raciste et nazi » commun à tous les partisans du « nazisme ». On peut légitimement se demander si leur manière « soviétique » d'accuser l’incorrigible « monstre nazi » (qui ils voient en) Martin Heidegger du « racisme foncier » nous permettra jamais de penser le « fonds nazi et raciste » de sa « pensée » à fond, c’est-à-dire, dans son épaisseur historique et l’influence actuelle et mal déguisée. Tandis qu’ils se complaisent dans la condamnation moralisante de «l’introduction » du « nazisme » dans la philosophie par Heidegger et s’inquiètent de sa « diffusion » planétaire à travers la circulation des ses textes, leurs dénonciations narquoises de toute « ontologisation » à la Heidegger, autrement dit, de toute explication avec Heidegger qui prendrait ses idées philosophiques au sérieux (au lieu de les écarter, de manière expéditive, comme simples illustrations du « discours idéologique du nazisme ») nous empêchent de reconnaître l’alarmante proximité conceptuelle entre certains thèmes politiques répandus en Europe contemporaine comme, par exemple,  « les valeurs européennes » ou « l’identité démocratique de l’Europe » et des thèmes clés de la propagande, viscéralement « eurocentrique », des « nazis ».

10On sait que ce dernier thème est aujourd’hui particulièrement et abondamment exploité par une droite réactionnaire aux prétentions « libérales » afin de justifier l’exclusion de la Turquie  « asiatique » et « musulmane » de l’espace européen. Le « nazisme », n’en déplaise aux défenseurs du modèle « européen », n’eut nul besoin d’être « introduit » dans la philosophie européenne parce qu’il a toujours été omniprésent au sein de la société et la culture européennes. Et, à vrai dire, Heidegger ne fut ni le seul ni même le premier philosophe allemand à s’engager en faveur de ce que l’on désignait à l’époque « la révolution nationale » en Allemagne économiquement dévastée de Weimar.

11D’autres philosophes allemands comme Bruno Bauch ou Max Wundt5, dont les orientations philosophiques furent radicalement différentes de celle du Heidegger (qu’ils critiquaient sévèrement), furent tout aussi persuadés que seul leur genre particulier de « l’idéalisme fichtéen » ou « l’objectivisme scientiste darwinien » pourraient fournir une fondation philosophique adéquate à la doctrine « nazie » de la supériorité raciale de la nation allemande.

12C’est la raison pour laquelle on n’a jamais pu simplement « introduire » le « nazisme » (ou une quelconque idéologie politique) en « philosophie ». Pas plus que l’on n’a jamais réussi à garder « l’essentiel » d’une « pensée » intacte à son contact volontaire et permanent. En l’occurrence, la culture philosophique allemande de l’époque de Weimar s’est radicalement contaminée en raison de son exposition à la vague idéologique triomphante du national-socialisme tandis que ses acteurs majeurs comme Heidegger (en 1933) ont, tout simplement, cédé à la vieille et néfaste tentation du remodelage « idéel » du « monde réel ». Un monde dont ils ont impardonnable ment négligé la tragique fragilité métaphysique et humaine. Pas plus que celle d’un Maxime Gorky en Russie stalinienne, l’œuvre de Heidegger en Allemagne nazie n’a donc pu échapper aux contraintes de son conditionnement culturel, celui de toute pensée philosophique dans son inévitable finitude historique. Mais le but des détracteurs acharnés de Heidegger en France ne semble pas être de comprendre, sans « a priori »,  le conditionnement culturel et historique de sa pensée.

13Au nom de leurs « idoles » métaphysiques et « idéo-logiques », ils vont jusqu’à préconiser l’interdiction pure et simple de toute référence à Heidegger en tant que philosophe digne d’être étudié et commenté. Et il leur importe peu que des appropriations « idéo-logiques », certes abusives mais nullement accidentelles, de leurs « idoles » conceptuelles comme, par exemple, « l’homme » et son « humanité »  pussent sanctionner l’extermination des victimes des tous les régimes totalitaires du XXème siècle et, plus particulièrement, celles des régimes nazi et « soviétique ».  

14Ils s’obstinent aussi farouchement que les « dévots » de Heidegger (dans leur refus de la pertinence de « l’histoire » politique de l’Europe) à ne pas reconnaître le fait que ce furent les intolérantes identités, « métaphysiques » et « occidentales », de leurs « idoles » (et particulièrement celle de la plus adulée d’entre elles, « l’homme » ) qui ont servit de justifications « métaphysiques » des crimes commis par différents régimes totalitaires « contre l’humanité ». Face à la recrudescence en Europe (et ailleurs) d’une volonté de l’extermination de « l’autre » dont le massacre de ebrenica en 1995  représente l’expression la plus macacbre, n’est on  pas en droit de se demander si la simple « humanité » de « l’homme » peut-elle constituer, « vraiment », l’horizon d’un « idéal » éthique assez élevé pour encourager son « perfectionnement » ? Un « perfectionnement » qui puisse conjurer le retour des monstres engendrés par le sanglant passé colonial de « l’homme » européen ?

15L’Europe contemporaine doit-t-elle « vraiment » se contenter d’une simple revalorisation de « l’humanité » de « l’ homme » ? « L’homme » dont il faut souligner que la définition présuppose, depuis toujours et malgré la « mondialisation » progressive du concept , « l’exclusion » de ce qui lui est hétérogène et « étranger » ? Que « l’étranger » en question soit « l’animal », le « tzigane » ou « le juif » ne change rien à la logique de son « exclusion ». Comme Adorno l’a bien mis en relief, le « nazisme » fut avant tout le « principe » de « l’exclusion » névrotique et meurtrière de ce qu’une certaine « identité » considéra comme « non-identique » au sens métaphysique et, par conséquent, culturel, ethnique et « racial » du terme. Et c’est pourquoi nulle analyse « responsable »  de la « tragédie » de l’histoire européenne du XXème siècle ne peut se contenter de « penser »  la variante « nazie » de cette « exclusion » comme un simple récit historique d’événements politiques occasionnés par l’abandon des « valeurs humanistes et démocratiques de l’Europe ».

16Il faut qu‘elle reconnaisse, au-delà de « l’explication »  positiviste d’une propagande « nazie »- laquelle s’est même servi des imprécations d’un penseur aussi « humaniste » que Victor Hugo dans sa dénonciation de «l’ influence anglaise » en « Europe »- que le « nazisme » fut, avant tout, une conception maladive de « l’identité » de l’Europe.

17Une conception dont les éléments constitutifs prédatent son émergence en tant que phénomène historique en Allemagne et ont bien survécu à sa disparition politique. Aujourd’hui, qui veut sérieusement « penser » la «vérité » du « nazisme » devra aussi pouvoir traiter la question de « l’identité » de l’Europe, autrement dit, de ce qui distingue « l’être européen » de ce que les « nazis » considéraient comme son inacceptable « autre judéo-asiatique ».

18Une analyse lucide des crimes nazis devra tenir compte du fait que leurs auteurs avaient une conception de « l ‘être européen »  (et de « l’Être » tout court) qui radicalement exclut les minorités et les peuples qu’ils persécutèrent avec une systématicité « scientifique » inouïe. Adorno n’exagère en rien lorsqu’il affirme que la logique « identitaire » qui sous-tend la métaphysique « occidentale » est la même dont l’application rigoureuse résulta en la construction des « camps de mort ».

19Et on n’est pas obligé d’être « heideggérien » ou « anti-heideggérien » afin de reconnaître cette « vérité » à la fois « historique » et « ontologique ».  Après Auschwitz, Adorno l’a encore une fois très bien précisé, toute pensée et toute action n’a qu’un seul « devoir », celui de se « concevoir » de telle manière qu’elle puisse empêcher sa répétition6. Ceci est le destin historique même, Adorno le souligne avec ironie, de la célèbre « impérative catégorique » de Kant.

20Mais, contrairement à une critique philosophique de Heidegger comme celle d’Adorno, les imprécations des détracteurs français de Heidegger ne nous laissent pas « penser » le « fond nazi et raciste » qu’ils croient avoir découvert chez lui car elles révèlent un mépris philistin pour toute analyse « ontologique » des écrits de Heidegger. Lesquelles constituent les fruits intellectuels les plus célèbres de « l’histoire » d’une Europe déchirée et traumatisée par la boucherie de la Grande Guerre. Une Europe qui chercha, désespérément, le sens de son « destin historique » dans l’interrogation de ses «origines » culturelles et intellectuelles.

21Une Europe dont l’esprit fut profondément contaminé par le « racisme »  et dont les nations les plus « civilisées » et « humanistes » furent toutes fascinées par la perspective de l’accroissement de la puissance « nationale » offerte par la conquête violente des « colonies ». Autrement dit, des véritables laboratoires d’expérimentations dans le domaine de l’utilisation massive de la force brute contre des populations entières dont le « nazisme » s’est incontestablement inspiré. C’est pourquoi, une fois analysée à la lumière de la tragédie européenne du XXème siècle, la stigmatisation des écrits de Heidegger en tant que les « principaux conduits » de la diffusion intellectuelle du « racisme » en Europe s’avère être une manière bien réductionniste de contourner l’examen patient de la particularité conceptuelle de l’usage, scandaleux, que fit le penseur allemand des notions aussi répandues en Europe de son époque que celle de la « race ». Un usage dont la récurrence (entre 1933 et 1945) dans les écrits de Heidegger ne peut pas ne pas être comprise dans le contexte de ce que l’on pourrait désigner, suivant la célèbre formule de Camus, « l’histoire corrompue » de « l’humanité » européenne.

22Une « humanité européenne et authentique » dont le penseur le plus « démocratique » et allergique à toute « mythologie », c’est-à-dire, Max Weber exclut les « nègres du Sénégal » en 1914 et bien avant l’adhésion du Heidegger au « nazisme ».

23En effet, cette « histoire »  reste encore à méditer et elle est indissociable de celle de la pensée de Heidegger dans la mesure où elle nous présente un tableau conceptuel bien complexe des « métamorphoses idéo-logiques » des certitudes culturelles d’une Europe coloniale déchirée par les grands conflits internationaux de la première moitié du XXème siècle. Des certitudes « eurocentriques » qui furent fondées sur une antique « tradition » (« Überlieferung ») de spéculation philosophique en Europe que Heidegger appelle « la métaphysique occidentale ». A cet égard, il faut aussi souligner que ce qui rend une « décision » philosophique- comme celle qui inspira le soutien que Heidegger accorda au régime nazi entre 1933 et 1945- « vraiment » impardonnable est justement sa perpétuation « ontologique » du vulgaire aveuglement du médiocre « petit européen »  colonialiste à la  « tragique contingence » de l’histoire de l’Europe.

24Une histoire dont on ne pourrait jamais comprendre la « corruption métaphysique » par un colonialisme raciste et « eurocentrique » sans en reconnaître la dimension proprement « ontologique ». Une histoire dont les implications sont d’un ordre désormais planétaire et qui est toujours celle de l’irréversible déclin des fondations « ontologiques » classiques de ce que Edmund Husserl appelle (en 1938) « la science européenne ». Aujourd’hui, la « sauvegarde » universelle de son sens « tragique » ainsi que l’appropriation créative de ses ressources « métaphysiques » à travers une nouvelle « pensée-poésie » comme celle d’un Paul Celan constituent la tâche la plus urgente de la pensée contemporaine. Une tâche à laquelle l’analyse équilibrée (à la fois « ontologique » et « historique » ) du « nazisme » de Heidegger aura été indispensable en France et ailleurs dans la tourmente du monde à venir.

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Notes

1 « Cour sur la Critique de la Raison Pure de Kant », Hiver 1927-8
2 Dominique Janicaud, “Heidegger en France”,  Albin Michel, 2001, Vol.1
3 Martin Heidegger,  Achèvement de la Métaphysique et Poésie, Gallimard,

   François Fédier, Heidegger, le Temps et le Monde Lettrage Distribution

   Emmanuel Faye, Heidegger : L’introduction du nazisme dans la philosophie, Albin Michel

4 Il est bien connu que le vocabulaire philosophique de Heidegger influença des acteurs aussi divers de la culture allemande de cette époque que les artistes des cabarets berlinois et les auteurs des chansons populaires. Voir aussi l’étude importante et instructive de Peter Gay, Weimar Culture: The Insider as Outsider , Greenwood Press, CIT, 1968.
5 L'étude instructive de Hans Sluga, « Heidegger’s Crisis: Philosophy and Politics in Nazi Germany »,

   Cambridge, Harvard University Press, 1993, s’avère indispensable dans l’illustration de cette « vérité »

   historico-philosophique souvent négligée par les détracteurs (non seulement français) de Heidegger.

6 T.W. Adorno, Negativ Dialektik, Surkamp, Frankfurt, 2003.
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Pour citer cet article

Référence électronique

Simon F. O’Liai, « Entre l’Ontologie et l’Histoire : »Le Portique [En ligne], e-Portique, mis en ligne le 08 décembre 2007, consulté le 15 décembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/leportique/1389 ; DOI : https://doi.org/10.4000/leportique.1389

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Auteur

Simon F. O’Liai

Simon Farid O’Liai (O’Li) est philosophe et chercheur indépen­dant en histoire comparée. Il a organisé de nombreuses manifes­tations philosophiques dont le colloque international Heideg­ger et l’Avenir de la philosophie en Occident et en Orient  en novembre 2005 à Téhéran et la table ronde internationale con­sacrée à « l’Impact du Dialogue Culturel entre l’Occident et l’Orient sur l’Enseignement de la Philosophie » en novembre 2004 à l’UNESCO à Paris. Il a notamment publié Dionysus and The Historical Destiny of Thought (2005), le dossier anniversaire Nietzsche Philosophe du xxie siècle avec la revue Cultures en mouvement (2001). Il a dirigé le numéro 18 du Portique (Heidegger. La pensée à l'heure de la mondialisation, 2006).

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