CHIMERES 1 Le pré-pathique et le tailleur de pierre JEAN OURY
Jean Oury est psychiatre, psychanalyste et médecin-directeur de la clinique de La Borde.
J E VOUDRAIS ESSAYER DE FAIRE PASSER une dimension de la communication que j’appelle «pré-pathique » , importante aussi bien sur le plan psychiatrique (de l’autisme ou de la schizophrénie) que dans le domaine de la normopathie (on est tous des normopathes et c’est la chose la plus incurable qui soit). Il ne s’agit donc pas ici d’une «communication » au sens restreint du terme mais de déchiffrer ce qui est en question dans «ce qui se passe » . Cela rejoint ce que j’appelle «les entours » : terme banal qui me semble plus évocateur et plus poétique que le mot ambiance. On peut être non pas en face mais avec quelqu’un, et alors on essaye de repérer ce qui se passe. «Passage » est un mot privilégié de Kierkegaard par lequel il traduisait le terme grec de kinésis. Il y a du mouvement ; s’il n’y a pas de mouvement, il ne se passe rien. Mais le mouvement ce n’est pas l’agitation. Ce qui exige une distinctivité : quand on passe d’un point à un autre, si le deuxième point n’est pas différent du premier, autant rester sur place. C’est la critique que j’adresse à la plupart des établissements. Ils sont tous pareils : aussi bien le bureau du médecin, que celui du directeur, ou la cuisine, la bibliothèque… C’est la même odeur, la même «olor » . Pour qu’il y ait du mouvement, il faut donc qu’il y ait une distinctivité. Ce sera encore d’autant plus important quand il s’agira de travailler avec des gens qui ont des difficultés de délimitation. C’est ici que le concept de passage me semble LES ENJEUX DU SENSIBLE