La Lettre de l’historien Martin Broszat
falsifiée par les négationnistes depuis 1960!
Martin Broszat fut le directeur de l’une des institutions historiques les plus prestigieuses d’Allemagne, l’Institut d’histoire contemporaine de Munich. Spécialiste mondialement reconnu du IIIe Reich, il a écrit en 1960 une lettre au journal Die Zeit, pour rectifier des erreurs commises dans un précédent article. Sa lettre était intitulée «Keine Vergasung in Dachau», c’est à dire «Pas de gazage à Dachau». Les négationnistes se réfèrent tellement souvent à ce texte et en falsifient si systématiquement la signification qu’il convient d’examiner cet article de près, d’autant plus que le négationniste Robert Faurisson, la présente comme un événement fondateur de sa négation. Nous en donnons ici la traduction en français ainsi qu’une explication détaillée qui permettra de mettre en évidence la falsification grossière et répétée dont il est l’objet de la part des négationnistes depuis 1960.
En préambule, il nous faut rappeler que les assassinats par gazages furent commis dans trois contextes différents, celui de l’extermination de masse des Juifs dans des centres de mise à mort industrielle (souvent désignés sous le terme ambigu de «camps d’extermination»), situés hors de l’ancien Reich, celui de l’assassinat de dizaines de milliers handicapés dans des instituts dits d’«euthanasie», pourvus de chambres à gaz et situés pour nombre d’entre eux dans l’ancien Reich, et enfin celui de l’assassinat de déportés devenus inutiles ou indésirables dans des camps de concentration pourvus de chambres à gaz et situés pour certains sur le territoire de l’ancien Reich, par exemple Ravensbrück, Mauthausen, Neuengamme, Orianenbourg-Sachsenhausen. Mais tous les camps de concentration ne furent pas le théâtre de gazages de déportés. Il n’y en eut ni à Bergen-Belsen ni à Buchenwald. Pour Dachau, la position des historiens a évolué. La lettre de Martin Broszat s’inscrit dans cette réalité.
En voici le texte*:
«Pas de gazage à Dachau»
Ni à Dachau, ni à Bergen-Belsen, ni à Buchenwald des juifs ou d’autres détenus n’ont été gazés. La chambre à gaz de Dachau n’a jamais été complètement terminée ni mise “en service”. Des centaines de milliers de détenus, qui périrent à Dachau ou dans d’autres camps de concentration situés à l’intérieur des frontières de l’Ancien Reich, furent victimes avant tout des catastrophiques conditions d’hygiène et d’approvisionnement: rien que dans les douze mois allant de juillet 1942 à juin 1943, 110 812 personnes moururent de maladie et de faim dans tous les camps de concentration du Reich, d’après les statistiques officielles de la SS. L’extermination de masse des juifs par gazage commença en 1941-1942 et eut lieu uniquement en de rares points choisis à cet effet et pourvus d’installations techniques adéquates, avant tout en territoire polonais occupé (mais nulle part dans l’Ancien Reich): à Auschwitz-Birkenau, à Sobibor-sur-Bug, à Treblinka, Chelmno et Belzec.
Là, mais non à Bergen-Belsen, Dachau ou Buchenwald, furent érigés ces dispositifs d’anéantissement de masse, camouflés en douches ou en chambres de désinfection, dont il est question dans votre article. Cette distinction nécessaire ne change assurément pas le moins du monde le caractère criminel de l’institution des camps de concentration. Mais peut-être peut-elle aider à supprimer la fatale confusion qui résulte du fait que maints incorrigibles se servent d’arguments justes isolément, mais sortis de leur contexte, et polémiques, et que se hâtent d’y répondrent des gens qui certes possèdent un jugement d’ensemble juste, mais s’appuient sur des informations fausses ou erronées.
Dr M. Broszat, Institut d’histoire contemporaine, Munich.
(Martin Broszat, «Keine Vergasung in Dachau», Die Zeit, 19 août 1960, no 34, p. 16)
Les négationnistes citent cet article de façon déformée, partielle, ou le plus souvent complètement falsifiée: ils lui font dire ce qu’il n’a jamais dit. Avant d’examiner la façon frauduleuse dont les négationnistes prétendent en rendre compte, nous allons expliciter et reformuler ce que Martin Broszat dit dans cet article, ce qu’il ne dit pas, et ce que les progrès de l’historiographie confirment ou infirment des propos de Martin Broszat, concernant les gazages dans les camps de concentration et d’extermination. Pour connaître l’état actuel de l’historiographie, on pourra se reporter au bilan effectué en 1992, par le propre Institut de Martin Broszat sur ces questions.
1re affirmation:
«Ni à Dachau, ni à Bergen-Belsen, ni à Buchenwald des juifs ou d’autres détenus n’ont été gazés».
Ce qui est dit: pas de gazage dans les trois camps dont Martin Broszat donne la liste, Dachau, Bergen-Belsen, Buchenwald.
Ce qu’il ne dit pas: Martin Broszat n’évoque aucun des autres camps de concentration, sans parler des camps d’extermination. Il n’évoque ni Ravensbrück, ni Mauthausen, ni Neuengamme, ni Strutthof-Natzweiller, ni Orianenbourg-Sachsenhausen, ni Majdanek, tous des camps de concentration, voire d’extermination pour Majdanek (seul «camp mixte» avec Auschwitz, c’est-à-dire à la fois camp de concentration et centre de mise à mort industrielle), dont certains situés sur le territoire de l’ancien Reich, et dans lesquels les nazis ont bien assassiné des êtres humains en les gazant. On se reportera aux deux ouvrages suivants: Eugen Kogon, Herrmann Langbein, Adalbert Rückerl, Les chambres à gaz secret d’état, Seuil, Points Histoire, 1987. Et Michel Fabréguet, Mauthausen. Camp de concentration national-socialiste en Autriche rattachée (1938-1945), Honoré Champion, 1999. Les gazages dans ces camps ne furent pas effectués dans le cadre de l’extermination des Juifs d’Europe (sauf pour Majdanek), mais dans celui de l’assassinat de prisonniers et déportés devenus inutiles ou indésirables. Voir, à ce sujet le bilan dressé en 1992 par l’Institut für Zeitgeschichte, sur les gazages dans les camps nazis: http://phdn.org/histgen/bilan-gazages.html. Martin Broszat n’évoque pas non plus les nombreux instituts, certains situés dans les frontières de l’ancien Reich, où les nazis assassinèrent, également par gazage, des dizaines de milliers de «handicapés», dans le cadre des opérations T4 et 14f13.
Bref Martin Broszat ne dit pas qu’il n’y eut pas de gazages dans les camps de concentration situés dans l’ancien Reich, il ne dit pas qu’il n’y eut aucun gazage dans l’ancien Reich. Ses remarques ciblent trois camps de concentration précis. Pourtant le négationniste Robert Faurisson écrit «Ainsi que le montre le contenu de la lettre, ce titre [pas de gazage à Dachau] aurait du être “Pas de gazage dans tout l’ancien Reich” (Allemagne dans ses frontières de 1937)» (Robert Faurisson, «La révision de 1960: il n’y a pas eu un seul gazage dans tout l’ancien Reich», 1974, cité dans écrits révisionnistes, tome I, p. 8). Faurisson s’enfonce un peu plus dans le mensonge lorsqu’il écrit de Broszat et de sa lettre: «Il y déclare qu’il n’a en fin de compte existé aucune chambre à gaz dans les camps situés sur le territoire de l’ancien Reich» (Faurisson, «Bibliographie sur “le problème des chambres à gaz”», novembre 1975, repris dans écrits révisionnistes, tome I, p. 12).
En fait Faurisson procède en amalgamant frauduleusement la 3e affirmation de Broszat (l’extermination de masse des Juifs par gazage ne s’est pas déroulée dans l’ancien Reich) avec la 1ère. Il s’agit là d’une falsification évidente du propos de Martin Broszat. Faurisson passant allègrement de la formule «Ni à Dachau, ni à Bergen-Belsen, ni à Buchenwald des juifs ou d’autres détenus n’ont été gazés», à l’affirmation qu’il prête à Broszat, et qui n’a plus rien à voir avec ce qu’il a vraiment dit, comme quoi il n’y aurait eu aucune chambre à gaz dans tout l’ancien Reich (la précision géographique de Broszat s’applique uniquement à l’extermination de masse des Juifs par gazage et non aux gazages d’êtres humains en général). Depuis 25 ans, Faurisson n’a cessé de répéter ce même mensonge. Cependant, si Faurisson est celui qui a le plus répété ce mensonge, il n’en est pas à l’origine. C’est le négationniste Rassinier qui a falsifié Broszat en 1962, puis de nouveau en 1964 (voir en fin d’article pour les références). Les négationnistes n’ont ensuite fait que reprendre et reformuler le mensonge de Rassinier. Il faut noter qu’une première présentation frauduleuse de la lettre de Broszat précède, dans Rivarol en 1960 (voir plus bas), les falsifications de Rassinier, mais sans avoir la «descendance» des mensonges de Rassinier.
Les historiens sont aujourd’hui encore — ils l’ont toujours été — en accord avec l’affirmation selon laquelle ni à Bergen-Belsen, ni à Buchenwald il n’y eut de gazages, pour une simple raison: il n’y eut pas de chambres à gaz dans ces deux camps de concentration. Cependant à de nombreuses reprises des déportés malades furent transportés de Buchenwald à Auschwitz pour y être gazés. Les historiens ont également amplement documenté les gazages d’êtres humains dans des camps de concentration ou des instituts d’«euthanasie» situés dans l’ancien Reich. Pour ce qui est de Dachau, passons à la deuxième affirmation de Broszat.
2e affirmation
«La chambre à gaz de Dachau n’a jamais été complètement terminée ni mise “en service”»
Ce qu’elle dit: Martin Broszat dit clairement qu’il y eut une chambre à gaz à Dachau, mais qu’elle ne fut ni terminée ni utilisée. Les progrès de l’histoire de Dachau permettent de nuancer cette proposition.
Ce que Broszat ne dit pas: Martin Broszat ne dit pas qu’il n’y a pas eu de chambre à gaz à Dachau. C’est une évidence qui mérite d’être rappelée.
L’affirmation de Martin Broszat faite en 1960, relative à la non-utilisation de la chambre à gaz (dont Broszat ne conteste pas l’existence) mérite d’être nuancée. En effet, il existe au moins un témoignage comme quoi il y eut un ou plusieurs (mais en petit nombre) gazages à Dachau. D’autre part, il importe de souligner que la chambre à gaz de Dachau n’était pas destinée à un processus de mise à mort industrielle comme celles construites et utilisées à Chelmno, Sobibor, Belzec, Treblinka, Auschwitz-Birkenau. Un ouvrage coordonné par Martin Broszat lui-même en 1979 contient une étude sur Dachau qui conclut à l'utilisation de la chambre à gaz (Gunther Kimmel, «Das Konzentrationslager Dachau. Eine Studie zu den nationalsozialistischen Gewaltverbrechen», in Martin Broszat et Elke Froehlich (éditeurs), Bayern in der NS-Zeit, bd II, R. Oldenburg Press, Munich, 1979, p. 391). De nouveau, en 1992, l’Instute für Zeitgeschichte dont Martin Broszat avait été le directeur affirmait explicitement, que la chambre à gaz de Dachau avait été utilisée pour quelques gazages expérimentaux. (voir:
http://phdn.org/histgen/bilan-gazages.html). Voir également la QER 4 sur Dachau.
3e affirmation:
«L’anéantissement massif des juifs par le gaz commença en 1941-1942 et il prit place uniquement en de rares points choisis à cet effet et pourvus d’installations techniques adéquates, avant tout en territoire polonais occupé (mais nulle part dans l’Ancien Reich): à Auschwitz-Birkenau, à Sobibor-sur-Bug, à Treblinka, Chelmno et Belzec».
Ce qu’elle dit: il y eut des camps d’extermination spécifiquement pourvus d’installations mises au point pour les assassinats de masse. La liste en est dressée. Ces centres de mise à mort industrielle ne se trouvaient pas dans l’ancien Reich. La seule réalité concernée par la précision «nulle part dans l’ancien Reich» concerne les «rares points choisis» pour «L’anéantissement massif des juifs par le gaz».
Ce qu’elle ne dit pas: le fait de rappeler que les centres de mise à mort industrielle ne se trouvaient pas sur le territoire de l’ancien Reich, ne signifie pas qu’il ne se trouvait aucune chambre à gaz dans l’ancien Reich, et pour cause: de nombreux camps de concentration étaient pourvus de chambres à gaz, dont plusieurs sur le territoire de l’ancien Reich (voir plus haut). Mais ces chambres à gaz n’étaient pas destinées à des campagnes de meurtres de masse. Elles étaient utilisées pour des assassinats ponctuels, voire des expérimentations. La réalité est bien qu’elles se trouvaient sur le territoire de l’ancien Reich. Et Martin Broszat ne dit certainement pas le contraire, puisque dans son affirmation il ne parle que des camps et des installations destinés aux campagnes massives d’extermination des Juifs. Pas des camps de concentration, ni des gazages d’êtres humains en général.
4e affirmation:
«Là, mais non à Bergen-Belsen, Dachau ou Buchenwald, furent érigés ces dispositifs d’anéantissement de masse, camouflés en douches ou en chambres de désinfection»
Ce qu’elle dit: les dispositifs d’extermination de masse des Juifs furent érigés à Auschwitz-Birkenau, à Chelmno, Sobibor-sur-Bug, à Treblinka et Belzec, mais pas à Bergen-Belsen, Dachau ou Buchenwald. La réalité du génocide et du meurtre de masse par gazage dans les centres de mise à mort industrielle est clairement affirmée.
Ce qu’elle ne dit pas: elle ne dit pas que d’autres dispositifs meurtriers ne furent pas érigés à Bergen-Belsen, Dachau ou Buchenwald, sans parler des autres camps de concentration que Martin Broszat n’aborde pas, et pour cause (voir plus haut). D’autre part, la chambre à gaz de Dachau ne fut effectivement pas un dispositif de meurtre de masse, mais un dispositif d’expérimentation. Martin Broszat n’infirme rien de ce que l’on sait de l’extermination des Juifs d’Europe concernant les centres de mise à mort industrielle. Et surtout il ne parle pas des autres camps de concentration effectivement dotés de chambres à gaz ou des instituts d’«euthanasie», situés dans l’ancien Reich, et où fut pratiqué l’assassinat de dizaines de milliers de déportés et handicapés mentaux.
Bref, à l’utilisation de la chambre à gaz de Dachau près, le texte de Broszat est conforme aux connaissances historiographiques actuelles sur les camps de concentration et d’extermination. Il martèle une réalité, celle de l’existence des chambres à gaz destinées aux meurtres de masse dans les centres de mise à mort industrielle cités, celle de l’absence de dispositifs de mise à mort industrielle des Juifs dans trois camps de concentration, à savoir Bergen-Belsen, Dachau et Buchenwald. Mais Broszat n’aborde pas la question des autres chambres à gaz non destinées à des campagnes de meurtre de masse, mais néanmoins installées dans nombre de camps de concentration, dont certains sur le territoire de l’ancien Reich. Ceux qui font dire à Broszat que ces autres chambres à gaz n’ont pas existé sont des falsificateurs.
Répétons nous une fois de plus: Martin Broszat n’a donc notamment pas dit, et il serait totalement mensonger de prétendre le contraire, qu’il n’y aurait pas eu de chambres à gaz dans l’Ancien Reich, où qu’il ne s’y serait commis aucun gazage.
Un dernier point de lexicologie:
Broszat utilise le mot «Vergasung» pour désigner les gazages comme technique d’assassinat des êtres humains. Les négationnistes sont prompts à déformer l’article de Broszat afin de lui faire dire qu’il n’y aurait eu aucun gazage dans tout l’ancien Reich, ce que justement l’article de Broszat ne dit pas. Surtout, dans ce contexte, ils acceptent pleinement le fait que «Vergasung» signifie le «gazage» d’êtres humains. Pourtant lorsque les mêmes négationnistes sont confrontés à des documents architecturaux de 1942 désignant une chambre à gaz souterraine d’Auschwitz-Birkenau comme étant une «Vergasungskeller», littéralement une «cave de gazage», les négationnistes nient le sens de «gazage» de «Vergasung» et cherchent à lui donner d’autres significations, toutes plus grotesques les unes que les autres... ils soutiennent mordicus que «Vergasung» ne signifie pas «gazage». évidemment lorsque «Vergasung» est utilisé dans un contexte qui signifie «pas de gazage», les négationnistes ne protestent pas le moins du monde. Ce sont des escrocs hypocrites.
Pourquoi les négationnistes falsifient-ils l’article de Martin Broszat?
Pourquoi faire dire au texte de Broszat qu’il n’y aurait eu aucun gazage sur le territoire de l’ancien Reich? Parce que, dans la mesure où il y en eut (ce que le texte de Broszat ne conteste à aucun moment), il y eut de nombreux témoignages de ces gazages, tant de la part de survivants que de la part d’anciens SS. Les négationnistes, en prétendant mensongèrement qu’un historien aurait affirmé qu’aucun gazage n’avait eu lieu en des endroits où les témoignages de ces gazages abondent, cherchent à démontrer que l’on ne peut se fier aux témoignages. Le discours implicite est: «Broszat, par son affirmation [enfin celle que les négationnistes lui prêtent] montre que l’on ne peut faire confiance aux témoignages des survivants et des SS». évidemment, les négationnistes étendent alors cette «conclusion» aux témoignages qui se rapportent aux centres de mise à mort industrielle, sans rappeler que Broszat confirme dans le même article la réalité des gazages dans les centres de mise à mort industrielle. Ils espèrent ainsi disqualifier tous les témoignages d’assassinat de masse par gazages dans les centres de mise à mort industrielle. Falsifiant une partie de l’article de Broszat ils construisent un raisonnement frauduleux afin de tirer des conclusions contraires au propre contenu de cet article, sur lequel ils prétendent se fonder!
En résumé cela s’articule ainsi:
Affirmation et raisonnement négationniste Ce qu’il en est vraiment 1. Broszat a dit qu’il n’y avait eu aucun gazage dans l’ancien Reich Faux parce que justement Broszat ne dit pas cela 2. Or il y a de nombreux témoignages sur de tels gazages Vrai puisque, justement, il y en eut 3. Donc ces témoignages sont des faux ou ont été extorqués Faux, car la prémisse est fausse et les témoins ont bien assisté à ces événements 4. Donc il en est de même pour les témoignages sur les camps d’extermination Dialectique frelatée: prémisse fausse, mais également déduction fausse: ce n’est pas parce qu’un témoin ment ou se trompe que tous les témoins mentent ou se trompent... 5. Donc il n’y a pas eu de gazage dans les camps dits d’extermination Cœur de la négation. Là encore un témoin peut mentir ou se tromper à propos d’un événement sans que cela remette la réalité de l’événement en question. Les historiens savent parfaitement cela 6. Donc il n’y a pas eu de génocide But du mensonge négationniste
Le point 1 est évidemment une grossière falsification de l’article de Martin Broszat. Le reste du «raisonnement» ressort d’une dialectique négationniste classique, faite de pseudo bon sens et de généralisations grotesques. Les points 3 à 6 ont été explicitement énoncés par Faurisson.
La (très) longue liste des négationnistes qui ont menti...
Outre la répétition incantatoire par Faurisson de son mensonge sur la lettre de Broszat, la plupart des négationnistes ont commis la même falsification. En voici la liste:
La toute première occurrence d’une falsification de la lettre de Broszat se trouve sous la plume de Charles Schneider écrivant dans le numéro 520 de Rivarol, du 29 décembre 1960, en page 3, dans un article intitulé «Germanophobie systématique». Schneider écrivait: «Le journal DIE ZEIT, ayant publié un article où il était de nouveau question des dizaines de milliers de juifs qui auraient [sic!] été tués dans des chambres à gaz, [l’Intitut für Zeitgeschichte] lui adressa une lettre rectificative que le journal dut publier et qui contenait ceci: “[…] Sur tout l’ancien territoire du Reich, il n’y a pas eu d’exécutions au moyen du gaz.”» On reconnaît le motif qui transforme l’affirmation de Broszat comme quoi «l’extermination de masse des juifs par gazage» n’a eu lieu nulle part dans l’Ancien Reich en une affirmation, jamais émise par Broszat, comme quoi aucun gazage d’aucune sorte n’aurait eu lieu dans l’Ancien Reich. Une affirmation inventée et mensongère. Schneider terminait son article par la phrase suivante: «Comment naissent, se propagent, et meurent les légendes»...
Le véritable père de la falsification de la lettre de Broszat, celui dont se sont inspirés les autres négationnistes, est cependant l’imposteur Paul Rassinier, en 1962 dans Le véritable procès Eichmann, Les Sept Couleurs, p. 79. En 1964, il a repris ce mensonge dans la revue d’extrême droite, Rivarol: «Or, “il n’y avait de chambre à gaz, ni à Dachau, ni à Ravensbrück, ni dans aucun autre camp de concentration situé en territoire allemand” a déclaré officiellement, le 19 août 1960, le Dr Broszat» (Jean Pierre Bermont, pseudonyme de Rassinier, «Du procès des gardiens d’Auschwitz à la journée de la déportation», Rivarol, no 696, 14 mai 1964, cité dans Paul Rassinier, Ulysse trahi par les siens, La Vieille Taupe, 1980, p. 174). évidemment, contrairement à ce qu’affirme Rassinier, jamais Broszat n’a déclaré «il n’y avait de chambre à gaz dans aucun camp de concentration situé en territoire allemand». Rassinier commet en fait trois mensonges. Aussi étudions nous sa «citation» en détail dans une autre section.
Entre 1974 et 1992, le négationniste Robert Faurisson a falsifié la lettre de Martin Broszat presque une vingtaine de fois. Nous en avons dressé la liste: http://phdn.org/negation/faurisson/faur-broszat.html
En 1980, c’est le fasciste français, et premier négationniste, Maurice Bardèche qui prétend parler de: «la lettre du 19 août 1960 de Martin Broszat, directeur du très officiel Institut d’Histoire contemporaine de Munich, au journal Die Zeit, qui fut le premier, vingt ans avant Faurisson, à annoncer qu’aucune chambre à gaz n’avait existé dans les camps situés sur le territoire de l’ancien Reich» (Maurice Bardèche, «Sur un article de la revue Esprit», Défense de l’Occident, décembre 1980). Jamais Broszat n’a écrit ce que Bardèche lui prête mensongèrement. Si Broszat a bien précisé que le massacre de masse des Juifs n’avait pas eu lieu dans l’Ancien Reich, il n’a évidemment jamais écrit qu’aucune chambre à gaz n’y aurait fonctionné.
Le néo-nazi et négationniste Mark Weber, aujourd’hui directeur de l’IHR, a déclaré officiellement en 1981 à un tribunal américain que «Martin Broszat, directeur de l’institut historique de Munich, a déclaré dans une lettre à l’hebdomadaire allemand Die zeit (19 août 1960, p. l6) qu’il n’y avait jamais eu aucun gazage nulle part dans le “Ancien Reich”» («Declaration of Mark Edward Weber», JHR, printemps 1982, vol. 3, no 1). Il s’agit évidemment d’un mensonge au premier degré. Mensonge proféré devant un tribunal. Dans la même déclaration, Weber éclaire son mensonge en prétendant que le texte de Broszat, qu’il falsifie, n’a pas été très connu parce que la preuve de l’existence de chambres à gaz à Auschwitz ne serait pas plus substantielle que pour les camps où Broszat «admet» qu’il n’y eut pas de chambres à gaz (ibid.). Sauf évidemment que Broszat n’a jamais dit qu’il n’y avait pas eu de chambres à gaz dans les camps de l’Ouest... C’est toujours la même rhétorique falsificatrice. Weber récidive en 1993 avec exactement le même mensonge («Wiesenthal re-confirms: “No extermination camps on German soil”», JHR, mai-juin 1993 vol. 13 no 3).
Le négationniste Friedrich Paul Berg a repris le même mensonge en 1983 lors d’un «congrès» négationniste, dans une intervention intitulée The Diesel Gas Chambers: Myth Within a Myth.
Le fasciste et négationniste Carlo Mattogno «déduit» de la lettre de Broszat qu’il n’y eut aucune chambre à gaz à Oranienburg-Sachsenhausen dans un texte de 1987 («Le mythe de l’extermination des juifs», AHR, no 1, 1987, p. 76). Il croit pouvoir affiner son mensonge en invoquant en plus un texte plus tardif de Martin Broszat («Vorbemerkung der Schriftleitung» servant d’introduction à Ino Arndt, Wolfgang Scheffler, «Organisierter Massenmord an Juden in nationalsozialistischen Vernichtungslagern. Ein Beitrag zur Richtigstellung apologetischer Literatur», Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte 24, Heft 2, 1976) où celui-ci mentionne Ravensbrück, Natzweiler et Mathausen (p. 109) comme exemples de camps de concentration dotés de chambres à gaz non destinées aux Juifs, mais aux esclaves concentrationnaires devenus inutiles. Sous prétexte que Broszat ne mentionne pas Sachsenhausen, Mattogno en tire la conclusion que Broszat affirmerait (ce qu’il ne fait évidemment nulle part) une absence de chambre à gaz à Sachsenhausen. La façon dont Broszat s’exprimait n’autorisait évidemment pas de lui faire dire une telle chose. Si la falsification par Mattogno de ce second texte est plus raffinée que celle généralement opérée par les négationnistes de l’article de 1960, elle n’en demeure pas moins une falsification; d’autant plus que chez Mattogno elle ne fait que compléter son invocation de l’article de 1960. En 2004, Carlo Mattogno a rédigé un texte où, incapable de trouver la mention de copyright de la présente page ou de consulter la présentation du site, il nous qualifie de «menteur anonyme». Dans ce texte indigent où il ne précise en fait guère de quel mensonge nous nous serions rendus coupable et semble surtout vexé de s’être fait prendre la main dans le sac, il ne fait que répéter sa falsification, ce qui donne un tour pitoyable à son entreprise. Il n’est toutefois pas sans saveur de se voir qualifier de menteur par un falsificateur de l’ampleur de Mattogno.
Le négationniste Pierre Marais écrivait dans un texte publié en 1991: «les historiens sont aujourd’hui d’accord pour admettre qu’il n’y a jamais eu de gazage dans tout l’ancien Reich» (Pierre Marais, En lisant de près les écrivains chantres de la Shoah, La Vieille Taupe, 1991, p. 120). Il ne prenait même pas la peine de dire ni qui, ni quand, ni où, mais il s’agissait toujours du même mensonge asséné comme une évidence... démarche typiquement négationniste.
L’ex-milicien et très extrémiste François Brigneau, qui acclamait la propagande antisémite nazie pendant la guerre (Jean-Yves Camus et René Monzat, Les droites nationales et radicales en France, Presses universitaires de Lyon, 1992, p. 62) a écrit en 1992 une hagiographie de Faurisson. On peut y lire la prétendue interrogation suivante: «Puisque les chambres à gaz constituaient l’outil no 1 de “l’anéantissement en masse”, pourquoi le régime hitlérien ne les avait-il pas installées dans tous les camps de concentration? En d’autres termes, pourquoi les avait-il limitées aux camps ouverts en Pologne occupée?» (François Brigneau, Mais qui est donc le professeur Faurisson, Publications FB, 1992). évidemment Broszat n’affirme justement pas que les chambres à gaz auraient été «limitées» à la seule Pologne occupée et il est caractéristique de voir comment Brigneau, par une logique aussi implicite que dévoyée, transforme l’affirmations de Broszat «l’anéantissement de masse des Juifs dans des chambres à gaz n’a eu lieu qu’en Pologne» en un mensonger «les chambres à gaz ont été limitées à la Pologne». Brigneau falsifie, lui aussi, Broszat, tout béat qu’il est devant un Faurisson, qui lui a évidemment tenu la plume pour ce mensonge.
Le négationniste allemand Germar Rudolf a commis exactement la même falsification dans un recueil de textes négationnistes paru en 1994. Il y affirmait que: «Martin Broszat [a dit] qu’il n’y avait eu aucun gazage dans les camps de concentration de l’ancien Reich» («M. Broszat [hat gesagt], daß es in den Konzentrationslagern des Altreiches keine Vergasungen gegeben habe»; Germar Rudolf, «Statistisches über die Holocaust-Opfer W. Benz und W.N. Sanning im Vergleich», in Grundlagen zur Zeitgeschichte. Ein Handbuch über strittige Fragen des 20. Jahrhunderts, Ernst Gauss hgr., Tübingen, Grabert, 1994). Encore une fois, le mensonge était accompagné d’une note de bas de page renvoyant à l’article de Broszat, où, évidemment, Broszat n’avait jamais écrit ce que Germar Rudolf prétendait qu’il eût écrit...
Le négationniste suisse Jürgen Graf écrit en 1994 dans un ouvrage publié par une officine nazie belge, à propos des chambres à gaz des camps de l’Ouest que «La lettre adressée à Die Zeit le 19 août 1960 par Martin Broszat, alors collaborateur de l’Institut d’histoire contemporaine de Munich dont il allait devenir le directeur, a sonné le glas de toutes ces chambres à gaz». Graf ajoute «En quelques mots, Broszat admettait que tout ce qui avait été dit sur les chambres à gaz du Reich allemand depuis 1945 était mensonge» (Jürgen Graf, L’Holocauste au scanner, VHO, 1994). Jürgen Graf est un falsificateur, Broszat «n’admet» rien et n’a rien écrit de ce que Graf lui prête.
En février 1995, le magazine japonais Marco Polo publiait un article d’un négationniste de longue date, Masanori Nishioka, sorte de Faurisson local. Masanori Nishioka écrivait que dans le numéro du 26 août 1960 du Zeit, «Martin Broszat […] a déclaré que les nazis n’ont construit de “chambres à gaz” que dans la Pologne occupée et qu’il n’y eut aucune “chambres à gaz” en Allemagne proprement dite» (Masanori Nishioka, «Le plus grand des tabous de l’histoire de l’après-guerre: il n’y a pas eu de “chambres à gaz” nazies», Marco Polo, février 1995, cité par l’IHR). Masanori Nishioka avait évidemment falsifié ce qu’avait vraiment écrit Broszat.
L’ancien stalinien Garaudy qui niait le Goulag en 1949 s’est mis à plagier Faurisson en 1996. Il eût été étonnant que Broszat y échappa. Mais Garaudy se montre plus original que ses petits camarades. Il écrit: «Martin Broszat […] a publié, dès le 19 août 1960 dans Die Zeit ce communiqué: “Ni à Dachau, ni à Bergen-Belsen, ni à Buchenwald, des juifs ou d’autres détenus n’ont été gazés”. Ce qui n’est plus contesté par aucun historien, malgré les milliers de témoignages oculaires, aussi nombreux que ceux qui ont évoqué les gazages à Auschwitz» («Roger Garaudy répond», L’Autre Histoire, no 6, 16 octobre 1996). Garaudy ne falsifie pas Broszat mais explicite le raisonnement négationniste en commettant notamment un autre mensonge: il n’existe évidemment pas ces «milliers de témoignages oculaires», invoqués par Garaudy, de gazages à Dachau, Bergen-Belsen ou Buchenwald pour la bonne raison qu’il n’y en eut pas (ou très peu à Dachau), contrairement justement à Auschwitz!
L’équipe de Pierre Guillaume et Serge Thion, responsable du site web de l’«aaargh» a commis un «dictionnaire biographique». A l’entrée «Broszat», on peut lire: «il écrivit piteusement à Die Zeit, le 19 août 1960, qu’il n’avait pas fonctionné une seule “chambre à gaz” à Dachau, non plus que sur tout le territoire de l’ancien Reich». La mise en gras figure dans l’original. Elle souligne évidemment ce qui n’est qu’un mensonge. Broszat n’a jamais écrit cela, ni «piteusement» ni autrement. Le mensonge est répété plusieurs fois. A l’entrée «Kubovy», on peut lire «Broszat qui, lui aussi, dut un jour admettre qu’il n’y avait pas eu de chambres à gaz sur le territoire allemand stricto sensu».
Un négationniste qui écrit sous le pseudonyme de Samuel Crowel a commis le même mensonge en 1997 dans un texte intitulé The Gas Chamber of Sherlock Holmes.
Le négationniste Serge Thion a distribué par courrier électronique en mai 1997 un texte rédigé par un certain «Reinhold Elstner», Où l’on pouvait lire « Broszat also declared that there had been no gas chambers used for the killing of human beings in any camps on German Reich soil» («A Niagara of Lies», Communiqué du Temps Irréparable, 30 mai 1997). Bien évidemment, jamais Broszat n’a écrit cela.
Cette liste n’est probablement pas exhaustive. En l’état, elle suffit à démontrer que les négationnistes sont des escrocs, et qu’il ne faut jamais croire ce qu’ils écrivent. La question à se poser devant une affirmation négationniste n’est jamais «et si c’était vrai?», mais «où est l’arnaque?».