Le coeur de la ville de Brive (Corrèze) a fait l’objet, au cours des années 2010, d’un vaste programme de rénovation urbaine. Il consistait en une reprise du revêtement et des réseaux complétée par un aménagement paysager (plantation d’arbres, fontaines). Ce projet se développant autour de l’actuelle église paroissiale Saint-Martin, siège de l’ancienne collégiale éponyme, une fouille des abords a pu être effectuée en 2012. Celle-ci s’est limitée aux secteurs les plus impactés par le projet (fig. 1). La cote de fond de fouille n’excédait pas 0,80 m à l’exception de zones balisées (plantations, reprises de réseaux). Cette modalité n’a pas permis d’appréhender, au sein de nombreux secteurs, les premières formes d’occupation, notamment celles liées au développement de la nécropole. L’objectif de cette étude est de présenter l’évolution de la topographie funéraire depuis la fin du Ve siècle jusqu’au VIIIe siècle. Les données relatives aux architectures seront privilégiées. Dans ce cadre, l’étude biologique des différents individus inhumés ne sera pas détaillée.
Brive : un peuplement méconnu
Une situation «stratégique »
La ville de Brive est située à la limite des zones métamorphiques du Massif Central et des zones sédimentaires du Bassin Aquitain. Elle se développe au sein d’un bassin sédimentaire essentiellement composé de roches sédimentaires communément qualifiées de «grès » . La ville s’est développée sur une dorsale topographique de 112 m d’altitude moyenne constituée par des alluvions du quaternaire récent. Celle-ci est limitée tant au nord qu’au sud par des reliefs escarpés composés de grès primaires. La rivière Corrèze, qui prend sa source sur le plateau de Millevaches, traverse ce territoire d’est en ouest. Si l’opportunité d’un franchissement de la Corrèze sur les marges occidentales du Massif Central a participé au développement de l’agglomération de Brive, d’importantes contraintes persistaient de par cette position au sein d’une terrasse alluviale. Dans ce contexte, les premières formes d’occupation ont privilégié les faibles reliefs culminant à 115 m au détriment des berges méridionales de la terrasse bordant la Corrèze situées à 110 m NGF. Deux légères éminences, les puys Saint-Pierre et Saint-Martin, séparées par un affluent de la Corrèze, le Verdanson, se détachent en effet de cet ensemble. Les conditions propices au développement de la ville relèvent donc de cette position de carrefour au point de franchissement d’un cours d’eau capricieux : la Corrèze. Au regard de cet environnement quelque peu hostile, les premières formes d’occupation paraissent relativement tardives. Les données issues de diverses opérations archéologiques suggèrent une occupation exclusivement antique (Ier siècle) et principalement située à l’est de la collégiale depuis le Puy Saint-Pierre jusqu’à la place Massénat (Roger 2004) située à moins de 200 m du chevet (fig. 2). En dépit de découvertes fortuites, notamment au chevet de l’église (Moser et al., 1978, 101-102), elle ne semble pas s’étendre jusqu’à la collégiale. Elle se manifeste sous la forme de petits habitats et d’ateliers desservis par deux voiries principales dont le tracé est encore perceptible dans le parcellaire viaire (fig. 2). Ces voiries ont conditionné le développement de la ville et l’installation des premières églises Saint-Pierre, Saint-Sernin et Saint Martin. Le développement du culte de Martin est essentiellement renseigné par les écrits de Grégoire de Tours (mort en 594) qui fait état d’un culte de saint Martin dit «l’Espagnol » dès le VIe siècle (Proust, 2005, 243) (1). Il nous apprend qu’en 407, un jeune disciple de saint Martin de Tours du nom de Martin l’Espagnol, arrive dans le vicus de Brive et saccage le temple païen. Cet acte est sanctionné par une lapidation et une mort à la gloire du martyr. Au-delà du caractère hagiographique du récit récemment commenté par Anne Massoni (Massoni 2012, 108), il importe toutefois de considérer la contemporanéité entre saint Martin de Brive et l’évangélisateur éponyme de Tours qui meurt en 397. Le décès du premier intervient probablement au
* Responsable de recherche archéologique, Inrap, membre associé UMR 7302 (Centre d’Études Supérieures et de Civilisation Médiévale, Université de Poitiers). ** Docteur, Université Bordeaux-Montaigne, UMR 5607 Ausonius. *** Anthropologue, Inrap. **** Responsable de secteur, Inrap.
1 Gregorii Episcopi Turonensis Historiarum, Liber VII, 10 in Krusch B., Levinson W. (ed.), Monumenta Germaniae Historica, Scriptores Rerum Merovingicarum, T. I, 1951, p. 332 : «… Briva Curretia vicum, in quo sanctus Martinus, nostri ut aiunt Martini discipulus, requiescit… » .
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LES SARCOPHAGES DE LA NÉCROPOLE SAINT-MARTIN DE BRIVE : PARTICULARITÉS ET AMÉNAGEMENTS (FIN Ve SIÈCLE-VIIIe SIÈCLE)
Emmanuel BARBIER*, Guillaume ROUGÉ ** avec la collaboration de Pauline DUNEUFJARDIN*** et de Katia LAGORSSE**** NOUVELLE AQUITAINE
ARCHÉOLOGIE DU MIDI MÉDIÉVAL, TOME 35 -2017, 241-262