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Mai 68 et le mouvement lycéen

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LES LENDEMAINS DE MAI 68

Mai 1968 et le mouvement lycéen

■ L'héritage de Mai 68 dans les lycées, c'est le mouvement de contestation qui les a secoués pendant plusieurs années. Ce mouvement est d'abord le fait d'une minorité militante. Il s'est développé au fil des ans, grâce à la dynamique enclenchée par l'affrontement, parfois violent, entre administration et lycéens d'extrême-gauche, jusqu'à devenir lors des périodes de crise aiguës (en 1971 et 1973) un mouvement de contestation soutenu par la majorité de la jeunesse scolarisée du secondaire.

En mai 68, à côté du mouvement étudiant de l'UNEF et du SNESup, émerge un mouvement lycéen représenté par un sigle, les CAL. Ces •Comités d'action lycéens permettent aux lycéens d'être organisés indépendemment des étudiants sans leur donner pour autant un porte-parole connu, à l'image des étudiants. Les lycéens n'auront que tardivement dans la crise leurs initiatives propres grâce aux grèves et aux occupations de lycées. Et ce sont les initiatives des étudiants qui permettront aux lycéens d'apparaître massivent dans la rue. Ainsi la manifestation du 10 mai 68 qui réunit jusqu'à 10 000 lycéens reflète ce double caractère, autonome et dépendant du mouvement des lycéens.

Si cette contestation lycéenne se fait connaître en mai 68, elle a commencé à se structurer bien avant les événements. Mai 68 n'a fait que révéler l'existence du phénomène CAL aux enseignants, aux administrations, comme aux étudiants. Les CAL et l'UNEF n'ont, jusqu'aux événements, pas de liens véritables. Il faut attendre pour que cela change que les lycéens fassent reconnaître leur capacité de mobilisation et, par là même, leur organisation. Ils y arrivent à partir du 6 mai, grâce au succès que remporte l'appel à la grève dans les lycées lancé par solidarité avec les étudiants victimes des violences policières au Quartier latin.

La naissance des Comités d'action lycéens

Les années soixante s'accompagnent d'un changement dans «l'esprit du temps», comme le souligne Edgar Morin dans l'ouvrage qu'il publie en 1962: les modèles dominants ne sont plus pour la jeunesse ceux de la famille ou de l'école, mais ceux de la presse et du cinéma. Le monde change, le lycée lui reste napoléonien. Le port des blouses est encore obligatoire dans de nombreux établissements. Fumer ou exprimer des opinions politiques n'est pas toléré. Ces interdits développent chez de nombreux lycéens le sentiment de vivre dans des «lycées casernes». Le malaise finit par poindre. La guerre du Vietnam favorisa une prise de conscience morale qui, à l'occasion de la lutte de l'UNEF contre la mise en place du plan de réforme Fouchet, se transforme parfois en prise de conscience plus politique. Les plus militants se politisent, s'impatientent, rêvent de révolutions et contestent non seulement le système scolaire et la société mais aussi un Parti communiste jugé trop respectueux des valeurs dominantes ou timoré dans son opposition à la guerre du Vietnam.

En 1966 est exclue la gauche de l'Union des étudiants communistes. Aux Jeunesses communistes, dans les lycées, existe aussi une opposition. Cette opposition est à l'origine de la création des Comités Vietnam lycéens, les CVL. En septembre 1966, les CVL remportent, dans les lycées parisiens, un succès qui inquiète la direction communiste. L'opposition lycéenne est elle aussi mise à la porte de l'organisation communiste, en décembre 1966. Les CVL sont une étape importante pour le mouvement lycéen naissant, en remplissant une double fonction. Ils vont être à la fois un lieu de regroupement pour les lycéens opposés à l'injustice et à l'inhumanité de la guerre du Vietnam, et un lieu de

débat, d'échanges et d'élaboration pour les exclus-orphelins des JC.

Rapidement confrontés à l'absence de liberté d'expression à travers leurs activités contre la guerre du Vietnam, les militants des CVL vont à la rentrée scolaire 67 élargir leur champ de préoccupations à des thèmes propres à la vie intérieure des établissements. La lutte contre les «lycées casernes» devient l'axe de développement des Comités d'action lycéens, auxquels donnent naissance au lycée les militants des CVL du lycée J. Decour, en décembre 1967. L'effervescence politique commence çà et là à déborder hors des murs de l'institution scolaire.

Début 68, la presse note qu'une manifestation lycéenne de protestation contre l'exclusion d'un militant du lycée Condorcet réunit plus d'un millier de lycéens. La surprise est d'autant plus grande qu'un incident entre manifestants et force de l'ordre se produit à la fin de la manifestation et que c'est la première fois que des lycéens prennent l'initiative d'une manifestation indépendante des étudiants, sur des thèmes proprement lycéens.

En mai, ce mouvement naissant s'amplifie. Dans la foulée, les administrations de certains lycées perdent toute autorité, et s'avèrent incapables d'empêcher les mouvements d'occupation, les réunions de commissions, la remise en cause des interdits. Les CAL, qui n'existaient que dans quelques lycées, essentiellement à Paris et dans les grandes villes, se multiplient et, pour finir, se comptent par centaines. Outre les comités regroupant des lycéens particulièrement militants, des assemblées générales et des comités de grève qui reprennent, pour se donner une identité, le sigle CAL. Associés au front commun des organisations qui animent le mouvement étudiant, le sigle CAL devient synonyme de mouvement lycéen, un signe de ralliement et de référence. En se déve-

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