Campagne livonienne contre la Rus'
Date | 1240-1242 |
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Lieu | Estonie, Lettonie, Oblast de Leningrad, Oblast de Pskov |
Issue | Victoire russe |
Ordre de Livonie Royaume de Danemark Évêché de Dorpat Pskovitains catholiques |
République de Novgorod
Principauté de Vladimir Votes |
La campagne de Livonie contre la Rus' est une campagne militaire qui a duré de 1240 à 1242 menée par les chevaliers teutoniques de l'Ordre de Livonie dans le but de convertir les principautés russes au catholicisme[1].
Contexte
[modifier | modifier le code]Rivalité historique
[modifier | modifier le code]Les tensions entre Novgorod et les chevaliers teutoniques commencent en 1210, lorsque les chevaliers attaquent les Estoniens. Novgorod attaque les Livoniens en 1217, 1219, 1222 et 1223, faisant face à des échecs répétés. En 1224, les chevaliers s’emparent de Dorpat. Peu après la prise de Dorpat, un conflit interne éclate à Novgorod[2]. Les habitants de la ville sont invités à rejoindre l'armée pour combattre les chevaliers catholiques en Livonie. Bientôt, une scission se produit parmi les nobles de Novgorod. Expulsés de la ville, les nobles et les chevaliers s’emparent d’Izborsk en 1233, mais sont expulsés de la ville par l’armée de Pskov. Un an plus tard, Iaroslav II de Vladimir retourne sur les terres de Livonie et dévaste la périphérie de la ville d’Otepää, triomphant à la bataille d'Omovzha[3] et forçant les Livoniens à signer un accord de paix.
En 1236, le maître Volkwin von Winterstein meurt à la bataille du Soleil affrontant les samogitiens[4] et le pape Grégoire IX accepte l’union de l’ordre des chevaliers Porte-Glaive avec l'ordre teutonique[5]’[4]. En décembre 1237, le pape Grégoire IX proclame la deuxième croisade contre la Finlande pour réprimer le soulèvement des Tavastiens[6] soutenus par Novgorod[7]’[8].
Raisons de guerre
[modifier | modifier le code]Le roi danois Valdemar II et le maître livonien Hermann Balk conviennent de diviser l’Estonie au traité de Stensby médiatisé par Guillaume de Modène. Ils attaquent la Russie en juin 1238 avec l'aide de la Suède[9]. Les terres russes sont affaiblies par l’invasion mongole[10]. Les villes de Novgorod, Pskov, Smolensk et Polotsk ne sont cependant pas conquises par la Horde d'or[11]. En juillet 1240, les commandants suédois Birger Jarl et Ulf Fase[12] tentent d’envahir Novgorod. Cependant, le prince Alexandre, sans demander l’aide de Vladimir ni rassembler toute la milice de Novgorod, parvient à intercepter les Suédois à l’embouchure de la rivière Izhora. Le 15 juillet 1240, le camp militaire d’Alexandre est attaqué par les Suédois. Novgorod vainc les Suédois à la bataille de la Neva[13]’[14].
Déroulement
[modifier | modifier le code]Première expédition
[modifier | modifier le code]Quelques mois après l’attaque suédoise, l'armée du roi danois Abel, composée de 300 chevaliers danois et teutoniques, soutenus par un plus grand nombre de troupes estoniennes, attaque les votes à l’hiver 1240[15],[16] qui ont été exécutés par les catholiques[13]. Novgorod revendique la souveraineté sur la même région. En décembre 1240, le pape Grégoire IX et l’évêque Uffe Thrugotsen de Lund préparent encore l’envoi de croisés en Estonie, indiquant qu’aucun roi danois n’avait encore fait campagne en Votie ou dans la région de la Neva[17]. Les croisés construisent le fort du village de Koporié[18]’[19] et prennent la ville de Tiosov[20], pillent les marchands de Novgorod et ravagent les terres de la rivière Louga. L’ambition de couper le départ de Novgorod vers la rive sud du golfe de Finlande, d’où le commerce afflue vers l’ouest, était claire. Du fort, ils montrent leur domination et soumettent les terres à un pillage massif[21]. Il est rapporté dans la Chronique de Novgorod que les paysans ne peuvent labourer la terre l’année suivante. Au cours des raids, les forces avancent si loin qu’elles ne sont plus qu’à 30 km de Novgorod même. Le roi norvégien Håkon IV refuse de rejoindre la croisade[21]. Le roi Valdemar II meurt le 28 mars 1241, et les forces danoises et le prince Abel doivent quitter l’expédition et retourner au Danemark pour décider de l'héritier du trône[22],[23].
Seconde expédition
[modifier | modifier le code]Les Danois et les chevaliers teutoniques de Livonie se lancent dans une autre campagne en août 1941. Ils sont aidés par l'armée de Hermann de Dorpat et des hommes du fils du prince de Pskov Yaroslav Vladimirovich en exil parmi les croisés[20]. L’attaque, avec Yaroslav en tête, vise à sécuriser Pskov pour l’église occidentale et est dirigée contre le château d’Izborsk, non loin de Pskov. Ici, les armées se sont affrontées le 16 septembre. Selon, les chroniques rimées livoniennes, 800 hommes sont morts durant la bataille[21]. Le château est incendié[24]. Une force de 600 hommes de Pskov essaie de reprendre le fort, mais est vaincue par l’armée croisée. L’armée croisée campe alors à Pskov, pille et brûle tout, et bien sûr n’épargne pas les icônes et les églises orthodoxes russes. Le possadnik Tverdilo Ivankovich est soudoyé, ouvre les portes de la ville et livre la ville aux croisés occidentaux sans combattre[21]’[25]’[20]’[26].
Contre-attaque russe
[modifier | modifier le code]En 1241, les forces d'Alexandre Nevski repartent pour reconquérir leurs territoires. Il occupe d'abord la forteresse de Koporié et la détruit[27]. Le boyard Gavrila Aleksić meurt durant le siège. Les prisonniers germano-danois sont envoyés à Novgorod[20]. En mars 1242, trois armées de Novgorod pénètrent en Terra Mariana et ravagent l’évêché chrétien de Dorpat[28]. Le détachement russe avancé de Domash Tverdislavich et du voïvode Kerbet est battu à 20km au sud de la forteresse de Dorpat. Alexandre Nevski libère Pskov le même mois[29]. Ils traversent alors le Velikaïa et commencent à brûler et à piller le territoire des croisés[13]. Ayant reçu des informations sur le mouvement des forces combinées de l’Ordre de Livonie et de l’évêque de Dorpat, il retire son armée au lac Peïpous[30]. Les forces de l'ordre de Livonie, de Dorpat et de Danemark dirigées par Hermann de Dorpat et Andreas von Felben rencontrent donc l'armée russe d'Alexandre Nevski près du lac peïpous[28],[31]. Les croisés dirigés par Hermann de Dorpat et Andreas von Felben comportent 1 800 hommes (1 000 allemands et 800 danois)[32]. Les soldats russes de Alexandre Nevski et André II de Vladimir sont plus de 6000. L'armée slave est constituée de la milice novgorodienne, des tribus finlandaises, la Droujina et une centaine d'archers à cheval[28],[32]. Les russes finissent par gagner la bataille ce qui stoppe les campagnes catholiques en Novgorod[33]. Selon la Chronique rimée de Livonie, 20 croisés sont morts durant la bataille tandis que la Chronique de Novgorod affirme qu'il y en aurait eu 400.
Conséquences
[modifier | modifier le code]Les catholiques se retirent de Pskov. Alexandre Nevski ordonne l'exécution de 6 traitres russes[34]. Ils signent un traité de paix et s'engagent à rendre la Latgale que Novgorod occupe temporairement[35]. En septembre 1243, le pape Innocent IV confirme le traité de Stensby. Ce n'est qu'en 1262 que la Russie attaque la Livonie. Dimitri Ier de Vladimir tente de reprendre Dorpat, conquise par les Teutoniques en 1224[36]. En 1268, Novgorod attaque à nouveau la Livonie et prend part à la bataille de Rakvere qui n'a pas de réel vainqueur. En 1269, Otto von Lutterberg fait campagne sur Pskov. Les Teutoniques sont à nouveau vaincus[37].
Références
[modifier | modifier le code]- Anti Selart 2015, p. 143
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At first the lands around Pskov were occupied, but in 1242 Prince Alexander Nevsky drove the Germans back from his lands and defeated the Teutonic Knights on 5 April 1242 in the so-called 'battle on the ice'
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Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Dans la culture populaire
[modifier | modifier le code]La guerre entre les chevaliers teutoniques et Novgorod est au cœur de l'intrigue du film Alexandre Nevski de Sergueï Eisenstein retraçant l'histoire du prince russe du même nom.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Anti Selart, « Livonia and Rus' in the 1230s and 1240s », dans Livonia, Rus' and the Baltic Crusades in the Thirteenth Century, Leiden et Boston, Brill, (ISBN 978-90-04-28475-3, DOI 10.1163/9789004284753_005)