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Harki

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Harkis
Image illustrative de l’article Harki
Un jeune harki en 1961, du 2e régiment de tirailleurs algériens.

Création 1830
Dissolution 1962
Pays Drapeau de la France France et Drapeau de l'Algérie Algérie
Allégeance Charles de Gaulle
Branche Armée de terre
Type Division d'Infanterie et de Marine
Rôle Offensif et défensif
Effectif  1954 : 500 000
1962 : 42 000
Fait partie de Armée d'Afrique
Garnison Alger, Oran, Constantine
Nommée en l’honneur de Journée nationale du 25 septembre en hommage aux victimes des massacres des harkis
Guerres Première Guerre mondiale
Seconde Guerre mondiale
Guerre d'Algérie
Décorations Légion d'honneur, Médaille militaire

À l'origine, un harki (prononcé [ʔaʁki] de l'arabe algérien حركي, harkī) est le membre d'une hakka, qui, à partir de 1956, désigne une unité militaire d'auxiliaires musulmans de statut civil rattachée à une unité militaire française en Algérie française. Par extension, le mot désigne aujourd'hui tous les supplétifs musulmans, et même tous les "Français musulmans" qui ont servi sous le drapeau français pendant la guerre d'Algérie.

Après les accords d'Évian du mettant fin à la guerre, les harkis commencent à être torturés et massacrés par l'armée de libération nationale. Les accords d'Évian interdisent à l'armée française d'intervenir, et les soldats français ne peuvent agir à la demande des harkis. Cependant, ces assassinats restent dans un premier temps des cas isolés. Le Front de libération nationale se donne le temps de procéder à un recensement complet de ceux qu'ils considèrent comme des « traîtres » pour avoir rejoint le général de Gaulle[1].

Le nombre de harkis tués après le cessez-le-feu varie selon les estimations entre 50 000 et 150 000 mais reste incertain[2]. En 2005, les historiens s’accordent à évaluer de 60 000 à 70 000 le nombre de morts des massacres des harkis[3]. Certains parlent de 150 000 victimes[4]. De nombreux harkis furent également arrêtés, emprisonnés et torturés pour leur position contre le régime algérien.

Selon les sources, sur les 180 000 à 250 000 harkis, au sens large, entre 20 000 et 40 000 parviennent à trouvent refuge en France métropolitaine[5]. En effet, contrairement aux Pieds-noirs, ils n'ont pas été considérés comme des « rapatriés » mais comme des « réfugiés »[6], leur donnant moins de droit sur le sol français.

Le , Jacques Chirac affirme que « la France n'a pas su sauver ses enfants de la barbarie » au sujet des massacres[7]. Le , Emmanuel Macron demande « pardon » aux harkis et reconnait leur « singularité héroïque dans l'histoire de France »[8].

Définition

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Un harki désigne, au sens strict, un individu servant en Algérie française dans une formation paramilitaire, une harka. C'étaient des supplétifs français musulmans engagés par l'armée française, aux côtés de laquelle ils formaient une catégorie de soldats irréguliers[9].

En France, harki est souvent utilisé comme synonyme de « Français musulmans rapatriés » à partir de 1962[4], « Français rapatriés de confession islamique » (FRCI) en 1970 ou « Rapatriés d'origine nord-africaine » (RONA) et « Français de souche islamique rapatriés d'Afrique du Nord » (FSIRAN) dans les années 1980[10]. À partir des années 1990, le mot harki s'applique soit aux seuls harkis, soit à tous les supplétifs, soit encore à l’ensemble incluant supplétifs et non supplétifs, en fonction du contexte[11]. Pour Mohand Hamoumou, harki désigne les Français musulmans qui ont dû quitter leur pays en raison de leur comportement anti-indépendantiste durant la guerre d’Algérie[11].

Selon Abderahmen Moumen, historien, chercheur associé à l’Université de Perpignan, « Le terme harki est devenu aujourd'hui un terme générique englobant souvent tous les citoyens français d'Algérie d'origine arabe ou berbère ayant, à divers titres, servi ou continué à servir la France durant les "événements" en Algérie, malgré les menaces du FLN. »[12],[13]. Selon lui, être harki ne signifie pas être contre l’indépendance de l’Algérie, ni être pour l’Algérie française[14],[15]. L'engagement des harkis résultait très souvent de l'assassinat d'un ou plusieurs membres de leur famille par les indépendantistes[7]. Il s'agit d'un engagement contre la prise de pouvoir du FLN, plutôt que contre l’Algérie indépendante[16].

En Algérie, le terme harki est souvent devenu synonyme de « traître »[4]. L'historien Mohammed Harbi, ancien membre du FLN, pense que « l'idée selon laquelle les harkis auraient été des « traîtres » ou des « collabos » devrait être dépassée »[17].

Le mot est un dérivé de l'arabe حركة (« harka »), qui signifie mouvement et qui est utilisé au sens de « groupe mobile »[18],[7]. Harki désigne par extension une partie des supplétifs (avec les moghaznis, les groupes mobiles de sécurité (GMS), les groupes d'autodéfense (GAD), les Unités territoriales et les réservistes spéciaux) engagés dans l’Armée française de 1957 à 1962[5].

Harkas classiques

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Les harkas, étant rattachées aux unités régulières de l'Armée française, sont théoriquement composées de cent hommes. Elles sont en réalité presque toujours divisées en plus petites sections[15].

Tous les harkis ne sont pas armés : beaucoup travaillent pour l'armée dans des emplois civils, en particulier en tant que maçons ou cuisiniers[7]. Pour la plupart, ils participent aux tâches de maintien de l'ordre aux côtés des unités régulières de l'Armée française[15]. Les « harkis territoriaux » sont des harkis âgés ou blessés, chargés d'assurer la garde du camp[15].

Une plaque commémorative indiquant à la mémoire des nombreux Algériens tués lors de la sanglante répression de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961, passerelle de la Fraternité à Aubervilliers
Plaque commémorative du massacre du à Aubervilliers.

Harkis de Paris

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En France, l'expression de « harkis de Paris » désigne, pendant la guerre d'Algérie et à partir du , une « force de police auxiliaire » mise en place par le préfet Maurice Papon. La plupart de ces auxiliaires sont d'origine algérienne et installés dans des quartiers à forte densité algérienne. Ils s'engagent pour six mois, commencent par un stage de huit jours à Noisy-le-Sec pour apprendre à manier les armes et le fonctionnement du magnétophone pour enregistrer des aveux éventuels[19].

L'Armée française recrute environ 3 000 anciens éléments du Front de libération nationale et de l'Armée de libération nationale[15]. Après leur capture, l'armée leur donne le choix entre l'exécution ou le service du côté français[20].

Ils forment un groupe de harkis à part, les « ralliés » : étroitement surveillés par le commandement, ils sont surtout montrés à des fins de propagande[4]. Ils ont la réputation d'être les plus violents, ayant le plus à perdre s'ils sont capturés par l'ALN[20]. Pour faire pression sur eux, les officiers français les prennent en photo avec eux, ou pendant un interrogatoire, puis les menacent d'envoyer les photos à l'ALN s'ils décident de déserter[20].

Le commando Georges, un commando de chasse entièrement musulman, commandé par le capitaine Georges Grillot, est l'un des groupes de ralliés les plus réputés[21]. Il est basé à Saïda et officie selon les méthodes de l'ALN. Divisé en quatre katibas, il compte 30 % de ralliés qui choisissent eux-mêmes leurs sous-officiers[20]. Après la guerre, ils sont torturés et exécutés[Par qui ?], sauf quelques-uns qui parviennent à quitter le pays et à rejoindre une ferme en Dordogne, achetée par André Wormser et transformée en centre pour les harkis faisant partie des commandos de chasse[20].

Commandos de chasse

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Les commandos de chasse sont le plus souvent constitués de moins de 10 % de harkis[4], qui représentent environ 5 % du total des harkis[7]. Les harkis commencent à être intégrés aux commandos de chasse en 1959 : leur nombre n'excède jamais 6 000 harkis[15]. Les commandos de chasse sont créés pour représenter une sorte d'élite de combat. Environ 140 commandos sont créés en Algérie, mais environ la moitié d'entre eux est active seulement[15].

On compte environ autant de harkis chargés des interrogatoires où la torture est pratiquée[15].

Beni-Boudouanes

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Un autre cas à part est celui de la harka du Bachaga Boualem, dans l'Ouarsenis. La harka du bachaga, figure emblématique de l’Algérie française, qui compte environ 1 500 hommes, constitue un fief qui échappe en partie à l'autorité de l'armée française[9], la région étant considérée comme « pacifiée »[22].

La tribu des Beni-Boudouanes, originaire de la rive gauche du Chelif, a peu de contacts avec le monde extérieur pendant l'ère coloniale. Le bachaga Boualem prend la tête de la tribu le premier . Le territoire compte une population d'environ 15 000 personnes, divisées en 24 collectivités autonomes. Le lieu est très reculé et les contacts de la tribu avec le monde extérieur sont rares : certains vieux harkis affirment n'avoir jamais vu de Français avant la guerre. L'appartenance à la tribu dépasse donc toute loyauté extérieure[23].

Un jour, le Bachaga organise une assemblée au cœur du village pour présenter la situation et pousser les Beni-Boudouanais à se défendre contre les indépendantistes. La tribu est menacée par les incursions de « hors-la-loi » : la légitime défense est donc adoptée, bien que les habitants ne sachent pas quel bord politique ces envahisseurs représentent. Un harki témoigne : « J'étais sous les ordres du Bachaga, je lui devais soumission et respect, et, donc, si lui, il a choisi le camp de la France, nous, par respect et par choix et par légitime défense, on a été obligé à suivre le Bachaga et à devenir harkis »[23].

Le bachaga Boualem constitue une unité d'environ 1 500 hommes. Elle échappe au contrôle de l'Armée française, mais est payée comme des harkis, relève de la harka et bénéficie de conditions de service particulières[4].

En , une harka féminine est créée à Catinat. Les femmes y apprennent à bétonner, à poser des tuiles et à installer des lignes électriques dans la ville assiégée[24]. Le lieutenant Onrupt se décide à armer quelques femmes : sur 34 volontaires, 18 sont retenues pour assurer la protection des récoltes et des convois sur certaines routes, en particulier vers El Milia[24],[25]. La harka est connue sous le nom de « harkettes de Catinat »[26]. La harka est dissoute en 1961[27],[28].

Du Second Empire à la IVe République (1830-1954)

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Second Empire et colonisation

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Selon Jean-Jacques Jordi, la constitution des harkis ne doit pas être considérée uniquement comme un événement de la guerre d’Algérie mais doit être « analysée au travers de toute une histoire de liens, d’attachements mais aussi de rejets avec la France ». Les premières harkas naissent en 1830, lorsque des tribus de pays colonisés prêtent allégeance à la France. Dès 1831, des bataillons de soldats « indigènes » sont mis sur pied et participent aux opérations de conquête de l'Algérie aux côtés des unités métropolitaines. Charles-André Julien cite le chiffre de 6 600 Algériens, engagés volontaires (soit un peu plus de 7 %), sur 87 000 hommes de l'armée d'Afrique aux derniers temps de la conquête en 1848[29]. En 1856, trois régiments de tirailleurs algériens sont créés dans chacune des provinces de l'Algérie française et font partie intégrante de l’Armée française.

IIIe République et Seconde Guerre mondiale

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Un harki en uniforme
Un harki vétéran de la Seconde Guerre mondiale.

Ces tirailleurs s’illustrent ensuite dans la plupart des campagnes du Second Empire et de la IIIe République puis lors des deux guerres mondiales[30]. Ainsi dans certaines familles, comme celle du Bachaga Boualam, se développe une sorte de tradition militaire. Dès le début de la guerre d’Algérie, le recours aux supplétifs musulmans apparaît non seulement nécessaire mais indispensable à l’armée française[31],[32]. C'est alors que naît le terme de « harki »[33],[30].

Les harkis réapparaissent dans l'Aurès vers la fin de 1954, quand Jean Servier met en place des harkas pour contrer l'implantation des indépendantistes algériens[4]. Ils sont les militaires pro-français les plus précaires et les moins rémunérés, mais aussi les plus nombreux, et leur nombre augmente fortement dès le début de la guerre d'Algérie[33].

IVe République et décolonisation

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L'idée de former des unités de police supplétive a été formulée avant même le début de l'insurrection algérienne que l'on date traditionnellement du . Le gouverneur général de l'Algérie, Roger Léonard avait souhaité la création de « goums civils » composés de Français musulmans pour patrouiller dans les zones rurales[9].

Le remplaçant de Léonard, Jacques Soustelle crée, le , pour l'ensemble de l'Algérie 34 groupes de « Groupes mobiles de police rurale » (GMPR), qui deviennent, en 1958 les « Groupes mobiles de sécurité » (GMS) après que l'armée en ait obtenu le commandement direct. Cette création d'unités indigènes supplétives se place dans une longue tradition de l'armée française, qui remonte à 1830. On peut citer les zouaves (1830) et les tirailleurs algériens (1842) ou « turcos »[34],[35].

Cette création, à l'époque où les Européens sont mobilisés sous les drapeaux soulève quelques problèmes juridiques de statut. En effet, pendant la période coloniale, les musulmans étaient de nationalité française, sans avoir tous les attributs de la citoyenneté[36]. Ils ne pouvaient l'obtenir qu'en affirmant au préalable « déclarer abandonner [leur] statut personnel pour être régi par lois civiles et politiques françaises » et ceci à la différence des Juifs à qui le décret Crémieux a donné collectivement la citoyenneté française.Par « statut personnel » il faut entendre toutes les règles qui régissent la vie privée allant de la naissance jusqu'au décès et leurs conséquences telles que la succession, le mariage, le divorce et l'incapacité. Ces règles, n'étant pas compatibles avec le Code Civil, offraient aux musulmans un statut leur permettant de continuer à être soumis à leurs règles coutumières coraniques[37].

Les Français musulmans d'Algérie auraient pu être appelés sous les drapeaux au même titre que les autres citoyens, sans bénéficier de statut particulier (c'est le cas à partir de ). Ces réserves juridiques sont levées par le Ministère de la Défense en raison des avantages retirés de la constitution de tels groupes. En premier lieu, soustraire les combattants à l'emprise « rebelle », et en deuxième lieu, disposer de troupes locales aptes à fournir des renseignements et à participer au maintien de l'ordre dans un pays qu'elles connaissent aussi bien que les rebelles[9]. Comme le note François-Xavier Hautreux, la discrimination entre « Français musulmans d'Algérie » (FMA) (ou « Français de souche nord-africaine », FSNA) et « Français de souche européenne » (FSE) est une constante tout au long de la guerre pour les autorités françaises civiles et militaires[9].

C'est qu'en effet, les militaires prennent de plus en plus le premier rôle. Des « goums militaires » ou « harkas » sont créées sur le terrain dès 1955 et officialisées en 1956[38]. Dans un rapport daté de la fin 1955, les harkas sont définies comme des « forces auxiliaires mobiles, de caractère tribal (auxiliaires temporaires) »[39]. En même temps que les harkas se forment des Groupes d'autodéfense (GAD). Les GAD sont théoriquement moins offensifs que les harkas et ils ne sont pas rémunérés, alors que les membres des harkas sont rémunérés 750 francs (anciens, à peine plus de 1 euro) par jour de service[40].

En 1956, Robert Lacoste précise les règles concernant la création des harkas et des groupes d'autodéfense. La décision appartient au préfet, et la gestion des groupes est confiée au commandement militaire en collaboration avec l'administrateur de la commune ou l'officier SAS le représentant. Ces formations sont composées de volontaires. En janvier 1957, il existe officiellement 66 harkas, regroupant 2 186 harkis[41].

Guerre d'Algérie (1954-62)

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Recrutement des Harkis (1954-57)

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Le critère principal de sélection des harkis est le fait qu'ils ne soient pas proches du FLN. La forme physique n'est pas un critère important : l'idée selon laquelle les harkis sont recrutés pour que leur famille ait un lien avec la France prime[4].

Motifs de l'engagement

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Le choix politique de l’« Algérie française » est quasiment absent, contrairement au discours rétrospectif des autorités françaises lors des hommages officiels aux harkis[15]. Au contraire, beaucoup de harkis cotisent à l’organisation politico-administrative du FLN[7].

Souvent, l'engagement volontaire suit l'assassinat d'un membre de la famille du harki par les indépendantistes ou se fait pour fuir des maquisards avec qui ils ont un différend[7]. Dans ce cas, il s'agit d'un engagement contre le FLN, plutôt que pour la France[16].

Une autre motivation récurrente est le besoin d'argent, un cas répandu en particulier chez les paysans peu informés du contexte politique, parfois pas même conscients que leur pays est en guerre[7],[42]. D'autres personnes s'engagent par fidélité à un clan, un village ou une famille[7],[42]. Beaucoup de jeunes hommes s'engagent dans les harkas pour être dispensés de service militaire et rester près de leurs proches[15].

Enfin, l'Armée française force l'engagement d'un grand nombre de harkis : d'abord, les anciens soldats de l'ALN qui sont capturés et torturés, puis doivent choisir entre l'engagement et l'exécution[7],[42], et également à la suite de manœuvres volontaires pour compromettre des civils. Plusieurs cas sont recensés dans lesquels un officier fait le tour du village avec un homme dans sa voiture, à la vue de la population : le seul moyen pour cet homme d'échapper au FLN est de s'enrôler chez les harkis et d'être protégé par l'Armée française[7].

Développement des Harkis (1957-60)

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En , il n'existe encore que 70 harkas officielles, regroupant 2 186 harkis[4]. Une définition des harkas naît en mai 1957 dans une note de service du 5e bureau de l’état-major du commandement supérieur interarmées : « La harka est une formation levée pour des opérations déterminées et pour un temps limité. […] La mise en œuvre des harkas doit normalement se situer dans le cadre local. Leur participation à des opérations extérieures à leur périmètre de recrutement doit donc être exceptionnelle et de durée limitée. En aucun cas les harkas ne doivent être engagées isolément »[4]. À partir de 1957, le nombre de harkis connaît une forte croissance. C'est la période où la France multiplie les postes sur tout le territoire algérien. C'est une stratégie très coûteuse en hommes qui pousse l'état-major à recruter massivement le plus de forces disponibles. L'expérience de la guerre d'Indochine est encore toute proche, et dès , une fiche du 3e bureau de l'état-major de la 10e région militaire intitulée « Guérilla et contre-guérilla en Algérie » soulignait que « les meilleures troupes de contre-guérilla sont à base d'autochtones ».

Vis-à-vis de l'opinion publique métropolitaine et aussi de l'opinion internationale, il est important de montrer que les musulmans d'Algérie se battent majoritairement dans le camp français. Par-delà l'efficacité militaire, les militaires attendent aussi et peut-être même surtout un effet psychologique. Comme l'écrit dans une note un officier supérieur « Par l'intermédiaire de leurs parents, de leurs amis, les harkis contribuent soit à entretenir un climat favorable à notre cause dans leurs villages d'origine, soit au minimum à contre-battre la propagande adverse. »[9]

Évolution des groupes de supplétifs musulmans en 1957
Mokhaznis GMPR GAD Harkas
3 500 4 748 3 502 2 186
5 500 5 824 5 500 10 430

Le général Challe commande les forces françaises à partir de fin 1958. Il instaure des commandos de chasse, qui incluent des harkis en petit nombre et dont la mission principale est de traquer les katibas du FLN. En un an, l'effectif passe d'environ 10 000 harkis à plus de 60 000[4]. Le général de Gaulle accepte la proposition de porter l’armée au niveau nécessaire pour défendre tout le territoire, en enrôlant massivement des musulmans, bien qu'il soit fermement opposé à l'intégration des musulmans dans les forces françaises[43]. La période entre 1958 et 1960 marque l'apogée de l'emploi des harkis sur le terrain. Le général Challe met sur pied un plan qui porte son nom, le « plan Challe », ensemble de grandes opérations de ratissage pour faire éclater les unités de l'ALN, les katibas en groupes, et les harkis sont invités à entrer dans les commandos de chasse dont la mission est de traquer ces petits groupes[44].

En , une note de service de l'état-major précise la définition d'une harka : « La harka est une formation levée pour des opérations déterminées et pour un temps limité... Leur mise en œuvre doit normalement se situer dans un cadre local. Leur participation à des opérations extérieures à leur périmètre de recrutement doit donc être exceptionnelle et de durée limitée. En aucun cas les harkas ne doivent être engagées isolément ». Initialement, les harkis sont armés de fusils de chasse. On ne leur confie des armes de guerre comme des fusils ou des pistolets-mitrailleurs que progressivement, et les armes qui ne sont que prêtées doivent être rendues après les opérations[9]. Les harkis sont toujours rattachés à des unités de l’Armée française et commandés par des militaires français. Les textes de l’armée exigent qu’un commandant doit être « de souche européenne », les FSNA (militaires français de souche nord africaine) ne peuvent être que jusqu’à officiers. Le commandement français refuse une structuration des supplétifs qui pourrait se transformer en « armée algérienne », doutant des motivations politiques des harkis[7].

La défiance de l'Armée française envers les combattants musulmans se traduit de plusieurs façons. Les harkis armés le sont d'abord systématiquement avec des fusils de chasse[4]. À partir du , ils reçoivent parfois des armes qui augmentent leur potentiel offensif, comme des fusils et pistolets-mitrailleurs, chose interdite jusque-là pour éviter le vol d'armes[15]. Les armes sont remises aux harkis pour les opérations, mais sont gardées par des unités françaises de souche européenne entre les opérations[4]. Les harkis ne peuvent pas mener des opérations seuls, ni de leur propre initiative, pour éviter l'espionnage, le vol d'armes et la désertion. Les harkas sont toujours commandées par l'armée régulière : le critère de choix de l'encadrant n'est pas son grade, mais son origine européenne[15]. Enfin, l'armée organise régulièrement des « tests de fidélité » auprès de harkis et de leur famille, passant par exemple frapper aux portes au milieu de la nuit en imitant les maquisards pour voir si on leur ouvrira[15].

L'Armée française tient cependant à recruter des recrues musulmanes, afin de faire appel à des personnes qui connaissent le milieu dans lequel ils évoluent[4]. Leurs autres objectifs sont d'ordre pratique : en effet, il ne faut pas laisser des combattants potentiels s'engager chez les indépendantistes, ni « donner prise à une facile propagande de l’adversaire qui ne manquerait pas de souligner […] notre impuissance à trouver sur place les volontaires nécessaires ». Enfin, il s'agit de créer une émulation de groupe : « La prise de position des harkis qui mènent, à nos côtés, la lutte ouverte contre les rebelles s’accompagne d’un effet psy [sic] certain sur la population locale (ralliements). Par l’intermédiaire de leurs parents et amis, les harkis contribuent soit à entretenir un climat favorable à notre cause dans leurs villages d’origine, soit au minimum à contre-battre la propagande adverse »[4],[45],[46].

Les harkis sont payés comme les mokhaznis et les membres des GMPR, 750 francs (anciens) par jour, ce qui représente à peu près  2 fois le SMIG horaire[47] mais à la différence des mokhaznis et des GMPR, ils ne bénéficient pas d'allocations familiales et d'assurance sociale[48]. Les gardes des GMPR reçoivent en plus une « prime de maintien de l'ordre » de 4 500 francs (anciens) par mois. Les harkis sont recrutés sans contrat et simplement comptabilisés à la fin de chaque mois[9]. Certaines unités sont payées sur des crédits harkis ou des crédits des services spéciaux mais se distinguent des harkas normales et ne sont pas comptabilisées dans les effectifs[49]. C'est le cas des maquis rivaux du FLN, souvent mesalistes, et armés par la France à partir de 1957. Leurs chefs s'appellent Bellounis, Kobus ou Si Chérif. Ces différents groupes ont pu compter jusqu'à 5 000 hommes[50]. Cette différence de traitement donne d'eux une image de « soldats au rabais » auprès des autres services[4]. La rémunération des harkis augmente et atteint 8,25 FRF (13,61 EUR2019) en 1960, ce qui reste moins élevé que les autres supplétifs. Enfin, les harkis touchent un jour et demi de congés pour chaque mois de présence, des soins gratuits en cas de blessure et une prime pour accident de travail en cas d'incapacité permanente[15].

Défaite française (1960-62)

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Le , Les Français de métropole lassés par une guerre qu'ils ne comprennent pas se prononcent par référendum pour l'autodétermination de l'Algérie. Il devient tellement clair que de Gaulle a déjà opté pour la voie de l'indépendance algérienne qu'une partie de l'armée participe à ce que l'on appelle le putsch des généraux et entre en dissidence entre les 23 et . Les négociations avec le FLN s'ouvrent officiellement à Évian le . Elles conduisent, presque un an plus tard à la signature des accords d'Évian qui conduisent à l'indépendance sous réserve d'une confirmation par referendum[51].

Il s'agit d'un retournement complet par rapport à la politique de l'Algérie française pour laquelle s'étaient battus l'armée française et les différents corps de supplétifs qu'elle avait créés. Bien que les accords d'Évian envisagent implicitement que les Pieds-Noirs, c'est-à-dire les Français d'Algérie, restent en Algérie, des plans avaient envisagé dès 1961 leur retour en métropole. Les harkis sont à ce moment franchement distingués des « Français d'Algérie »[52]. Venir en France n'est pas considéré comme un retour, mais comme une migration. C'est la fin du mythe entretenu les années précédentes qui présentait les Français musulmans comme des Français comme les autres[9].

Le , le général Ailleret, nouveau commandant en chef en Algérie demande dans une note aux autorités militaires de recevoir les demandes des harkis qui souhaitent partir en métropole. Le , le ministre des Armées Pierre Messmer envoie une note d'information dans laquelle les conditions de reclassement des harkis dans l'armée française sont précisées. Ils peuvent bénéficier d'un contrat de six mois non renouvelable, bénéficiant ainsi de la protection de l'armée pendant cette période. « Ils disposeront d'un large délai pour choisir leur voie et nous pourrons les aider efficacement d'abord en les démobilisant intellectuellement, en les employant à des taches non militaires... la difficulté d'une adaptation brutale en France d'un harki doit être expliquée aux intéressés ». Indépendamment de cette possibilité de contrat de 6 mois, ils ont le choix entre un licenciement avec prime ou un engagement dans l'armée régulière, sous réserve d'une bonne condition physique et d'être célibataire[53]. Du 1er mars 1962 au 1er novembre 1963, 32 187 harkis sont licenciés (80.4%), 4549 signent un engagement de six mois dans l'armée et 3283 sont engagés dans l'arme régulière[54]. Plusieurs centaines de désertions sont observées, essentiellement durant les mois de mars et avril 1962[55].

Démilitarisation des harkis

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Dès 1959, les rapports de l'armée relèvent une « crise du moral » chez les harkis. Afin d'éviter les défections, l'armée multiplie les déclarations et promesses, notamment au sujet de leur nationalité française[4]. Dans les premiers mois de 1962, un grand nombre de harkis rejoignent quand même le maquis avec les armes fournies par l'Armée française. On dénombre 265 cas pendant le premier trimestre de 1961, pour 459 désertions du 15 au [56]. La démobilisation et le désarmement des supplétifs commencent à la suite de l’infléchissement de la politique française vers l’indépendance algérienne, à partir de 1961[57]. Le gouvernement indique que le sort des harkis sera le même que celui de « tous ceux qui se sont engagés dans la lutte armée aux côtés des forces de l’ordre »[4]. Cependant, ils sont différenciés des Français dits « de souche européenne » et sont considérés comme des réfugiés, dont l'arrivée doit être planifiée et organisée par le gouvernement français[4].

Début , le général Ailleret, commandant en chef en Algérie, obtient que soit mise en place une procédure spéciale de rapatriement des harkis, qui permet aux autorités militaires d'instruire les demandes de départ en métropole, afin de gagner en temps et en discrétion pour l'arrivée des harkis en danger[4]. À partir de , les contacts entre le FLN et la population se multiplient. Les harkis reçoivent aussi bien des menaces que des promesses de pardon conditionnées parfois au versement de leurs primes de licenciement[58].

De nombreux musulmans qui viennent se placer sous la protection de l'armée française pour échapper aux menaces demandent le rapatriement en métropole. Il s'agit de toutes les catégories d'anciens supplétifs, mais aussi de fonctionnaires ou d'élus. Après les accords d'Évian, entre 30 000 et 50 000 musulmans sont rapatriés en France par la voie officielle, dont 23 721 entre à , On évalue entre 25 000 et 40 000 ceux qui gagnent la métropole par leurs propres moyens[59]. Des accords d'Évian en à l'établissement sans contestation de l'autorité de Ben Bella, l'Algérie vit une période de semi-anarchie où il est difficile de préciser qui, dans chaque région, exerce réellement l'autorité. Jusqu'à l'indépendance qui intervient le , l'Exécutif provisoire exerce théoriquement l'autorité et bénéficie d'une force locale formée, toujours théoriquement, d'Européens et d'Algériens, mais le plus souvent subordonnée à l'ALN qui ne respecte pas forcément l'autorité du GPRA qui ne peut empêcher de nombreuses exactions vis-à-vis des Européens ou des Musulmans[9],[60].

En , l'indépendance est marquée par la lutte de pouvoir qui oppose très schématiquement le bureau politique et le GPRA[61]. De juillet à septembre 1962, l'Algérie vit l'apogée de ce que l'on a appelé le wilayisme, c'est-à-dire, la lutte entre les différentes régions militaires auquel s'ajoute la rentrée sur le territoire algérien des troupes de l'ALN autrefois stationnées en Tunisie ou au Maroc[62]. C'est dans ce contexte que se déroulent une vague d'exactions contre tous les supposés ennemis de patrie algérienne désignés sous le terme générique de « harkis ». Ces exactions prennent différentes formes : taxations, arrestations, brimades, exécutions souvent accompagnées de tortures. Selon les lieux, il peut s'agir d'une politique de vengeance organisée par les nouvelles autorités ou l'occasion de régler de vieux comptes[63].

Massacres des harkis (1962)

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Les accords d'Évian signés le prévoient que :

« Nul ne pourra faire l’objet de mesures de police ou de justice, de sanctions disciplinaires ou d’une discrimination quelconque en raison d’opinions émises à l’occasion des événements survenus en Algérie avant le jour du scrutin d’autodétermination, d’actes commis à l’occasion des mêmes événements avant le jour de la proclamation du cessez-le-feu. Aucun Algérien ne pourra être contraint de quitter le territoire algérien ni empêché d’en sortir. »

— Chapitre II, partie A, article 2

Cette clause est écrite spécifiquement pour protéger les harkis[64].

Violation des accords de paix

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Juste après le cessez-le-feu, le Front de libération nationale (FLN) ne sanctionne pas physiquement les harkis[64]. Le FLN se donne le temps de procéder à un recensement complet de ceux qu'ils considèrent comme des « traîtres » pour avoir rejoint le Général de Gaulle[1]. Des exactions apparaissent comme des règlements de compte, des vengeances mais aussi par le zèle des ralliés du FLN de voulant faire leurs preuves[7],[42]. Le Gouvernement provisoire de la République algérienne prend la directive 442 du relative aux « harkis, goumiers et ralliés servant dans les rangs ennemis » stipule que « les égarés abandonnés doivent être surveillés dans leurs moindres gestes et inscrits sur une liste noire qu’il faudra conserver minutieusement »[65]. L'état-major de l'Armée de libération nationale (ALN) estime que le « sort des harkis sera décidé par le peuple et devant Dieu ». Les harkis sont inscrits sur des listes noires et surveillés. Dès le , des meurtres et enlèvements sont signalés notamment en wilaya V. À Saint-Denis-du-Sig, 16 harkis sont massacrés[66].

Très rapidement, les harkis commencent à être torturés et massacrés par la population. Les accords d'Évian interdisent à l'armée française d'intervenir, et les soldats français ne peuvent agir à la demande des harkis[67]. Cependant, ces assassinats restent dans un premier temps des cas isolés. Le FLN se donne le temps de procéder à un recensement complet de ceux qu'ils considèrent comme des traîtres[1].

Les massacres connaissent une forte augmentation entre le et mi-septembre de la même année[18]. Ces personnes sont d'abord arrêtées, puis regroupées dans des centres d'interrogatoires où elles sont exécutées après avoir subi des tortures. Les populations locales participent aux représailles, en humiliant, suppliciant et lynchant des anciens supplétifs[64].

De mi-septembre à mi-, les massacres s'arrêtent. Ils reprennent à la mi-octobre, avec l'arrivée de l'Armée nationale populaire (ANP, dénomination de l'armée algérienne après l'indépendance) dans les villes. Cette fois, la population ne participe pas aux massacres, et s'y oppose même souvent, en cachant les anciens harkis. Des exécutions individuelles ont lieu à toute heure, parfois sur place pendant l'arrestation, et les massacres prennent des familles entières pour cible plutôt que seulement des anciens supplétifs[64].

Les massacres diffèrent énormément en ampleur selon leur localisation géographique. Les wilayas 1, 3 et 6 sont les plus touchées : elles correspondent à l'Est et au Sud-Est du pays. Au sein des wilayas, il existe aussi des différences d'envergure. Trois causes sont identifiées à ces disparités géographiques. D'abord, les zones peuvent coïncider avec celles où les harkis ont été les plus actifs ou violents, et dans ce cas, les massacres s'assimilent à des vengeances. Dans un second cas, les massacres peuvent avoir lieu dans des zones pro-France, où l'ALN peine à s'imposer : il s'agit alors d'une conquête de territoire. Enfin, il peut s'agir de zones particulièrement bien contrôlées par l'ALN, où la violence sert à asseoir encore plus sa suprématie[64]. La France n'intervient plus après le cessez-le-feu dans le respect des accords d'Evian[64].

Nombre de victimes

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Jean Lacouture, dans le journal Le Monde du , donne une première estimation, la plus basse : « Plus de dix mille harkis auraient été, entre le 18 mars et le 1er novembre [1962], exécutés ou assassinés »[4]. Mohand Hamoumou donne une estimation plus élevée[68] : « Pourtant, il faut bien l’admettre, c’est bien 100 000 à 150 000 personnes, l’équivalent de villes comme Cergy-Pontoise ou Orléans, qui furent assassinées dans des conditions horribles ». Un sous-préfet de l’arrondissement d’Akbou, dans le département de Sétif, compte à l'époque 750 morts dans son arrondissement entre mars et , ce qui, étendu à l'intégralité de l'Algérie, aboutit à un total de 72 000 à 144 000 morts[69]. Les chiffres des morts ont pu être contestés car basés sur des témoignages locaux que l’on a ensuite étendus à l’ensemble du pays. Certains historiens s’accordent à évaluer de 60 000 à 70 000 le nombre de morts[70].

Le général François Meyer reprend l’estimation de l’historien Jean-Charles Jauffret : « Il semble qu’un consensus rassemble peu à peu les historiens français, et qu’une évaluation commune de 60 000 à 80 000 victimes soit retenue »[71].

Tentatives d'empêchement des rapatriements

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De nombreux officiers, surtout ceux responsables des S.AS, conscient que les harkis laissés en Algérie sont promis à la mort, voyant que les filières officielles sont engorgées, prennent sur eux d'envoyer leurs soldats en métropole. Ces actions sont contrecarrées par le gouvernement, Louis Joxe adresse le 12 mai au Haut Commissaire Christian Fouchet la note suivante ; elle est très connue et tous les ouvrages consacrés au problème des harkis la citent[72] :

«  Les renseignements qui me parviennent sur les rapatriements prématurés des supplétifs indiquent l'existence de véritables réseaux tissés sur l'Algérie et la Métropole et dont la partie algérienne a souvent pour origine un chef SAS. Je vous envoie au fur et à mesure la documentation que je reçois à ce sujet. Vous voudrez bien faire rechercher tant dans l'armée que dans l'administration les promoteurs et les complices de ces entreprises et faire prendre les sanctions appropriées. Les supplétifs débarqués en Métropole en dehors du plan général de rapatriement seront, en principe, renvoyés en Algérie où ils devront rejoindre avant qu'il soit statué sur leur destination définitive le personnel déjà regroupé selon les directives des 7 et . Je n'ignore pas que ce renvoi peut être interprété par les propagandistes de la sédition comme un refus d'assurer l'avenir de ceux qui nous sont demeurés fidèles, il conviendra donc d'éviter de donner la moindre publicité à cette mesure ; mais ce qu'il faut surtout obtenir, c'est que le gouvernement ne soit plus amené à prendre une telle décision. »

À l'époque, les autorités françaises et algériennes considèrent les harkis comme des réfugiés[73]. De Gaulle affirme, dans un discours au Conseil des ministres le , que le gouvernement « ne peut pas accepter de replier tous les musulmans qui viendraient à déclarer qu’ils ne s’entendront pas avec leur gouvernement ! Le terme de rapatriés ne s’applique évidemment pas aux musulmans : ils ne retournent pas dans la terre de leurs pères. Dans leur cas, il ne saurait s’agir que de réfugiés ! Mais on ne peut les recevoir en France comme tels que s’ils couraient un danger ! »[74]. Les anciens supplétifs sont souvent considérés comme inadaptables à la société française : le gouvernement s'inquiète qu'ils ne deviennent des charges, voire des agents de l'OAS continuant à lutter contre les accords d’Évian[57].

Le gouvernement s'oppose au rapatriement des harkis pour trois raisons principales. D'abord, le rapatriement des Français musulmans constitue à leurs yeux une menace pour l'identité nationale de la France : de Gaulle le premier refuse de distinguer le dossier des supplétifs français de celui de l'immigration algérienne en France, ne considérant pas les harkis comme de vrais Français[75]. Ensuite, il s'agit de montrer une confiance envers les Algériens, qui s'engagent par les accords d’Évian à ne pas entamer de représailles contre les combattants pro-français[76]. Enfin, une inquiétude subsiste : celle d'une manœuvre de l'OAS qui pourrait vouloir infiltrer des forces en métropole pour y continuer une guerre civile[77]. Des francophiles notables, personnalités politiques et militaires de carrière, sont cependant rapatriés sans encombre[57].

Le , Pierre Messmer, ministre des armées, met en place un « contrat provisoire de 6 mois non renouvelable qui donne [aux harkis] la possibilité de demeurer sous la protection de l’armée pendant la période intermédiaire »[4]. L'objectif est de limiter au maximum les arrivées en métropole : « la difficulté d’une adaptation brutale en France d’un harki avec sa famille doit être clairement exposée aux intéressés », mais les demandes ne doivent en aucun cas être refusées[4]. Messmer propose trois options aux réfugiés harkis : s’engager dans l’armée régulière si leur condition physique le permet, être licenciés et recevoir une prime, ou bien signer un contrat de six mois avec l’Armée française[7].

Les harkis n'ont cependant que rarement ces trois options : les consignes visant à limiter les départs ont pour conséquence le licenciement d'office de beaucoup d'entre eux, et le transfert des meilleurs éléments dans l'Armée française, sans présentation des autres options. Entre le 1er mars et le 1er , 80 % des harkis sont libérés avec prime[4]. À partir de , le FLN enchaîne menaces auprès des déserteurs et promesses de pardon, parfois en échange de la prime de licenciement des harkis. Ses membres circulent librement en Algérie : toute personne vue au poste militaire français s'expose donc à des représailles, ce qui rend le rapatriement encore plus difficile[4]. Le général de Brébisson ordonne le de « cesser de donner asile [dans les casernes en Algérie] à des Algériens sauf dans des cas très exceptionnels », ceux de personnalités politiques francophiles. Le but de la manœuvre est d’éviter que « tout ancien supplétif puisse s’estimer plus ou moins menacé et envisage facilement l’exode vers la France »[7]. Les premiers rapatriements de harkis sont effectués entre mars et , à l’initiative de quelques officiers, souvent anciens responsables d'unités harkis. Comme les directives officielles interdisent ces rapatriements, des filières clandestines sont mises en place dans le Sud de la France, en bordure du Massif Central, dans l’agglomération lyonnaise et vers Roubaix[78].

Le formulaire n'est qu'en français, ce qui rend difficile son remplissage par des hommes qui ne le lisent et l'écrivent que très rarement. Les dossiers sont ensuite étudiés au cas par cas afin d'éliminer les éventuels proches du FLN, mais aussi les personnes qui ne parviendront pas à s'intégrer en France. Les personnes les plus âgées, ainsi que les personnes qui ne sont pas « considérées […] aptes physiquement et moralement à s’implanter en métropole » sont éliminées de la procédure[4]. Le , Louis Joxe annonce le renvoi en Algérie des « supplétifs débarqués en métropole en dehors du plan général de rapatriement » et demande « d’éviter de donner la moindre publicité à cette mesure »[7].

L'abandon des harkis par le gouvernement français et les consignes données par les pouvoirs publics de n'effectuer aucun rapatriement massif de supplétifs sont considérés notamment par Maurice Allais comme « une des plus grandes ignominies, une des plus grandes hontes de toute l'Histoire de France »[79]. De même, Dominique Schnapper, fille de l'intellectuel français Raymond Aron, écrit : « L'épisode des harkis constitue une des pages honteuses de l'histoire de France, comme l'ont été l'instauration du Statut des juifs ou la rafle du Vel d'Hiv »[80]. Pour Pierre Montagnon, si cette assertion n'est pas sans fondement, l'Armée française sort toutefois de ce drame moins « salie » que l'administration française de 1940 à 1944[81].

En 2021, Emmanuel Macron demande pardon au harkis et reconnait les exactions en Algérie comme crime contre l'humanité[82].

Rapatriement des survivants (1962-65)

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À la suite des massacres, le gouvernement décide d’entamer le rapatriement des harkis. De à , la France accueille 23 721 personnes dans des camps d'hébergement militaires[4]. Fin , le ministère des Rapatriés estime avoir fait transiter 42 000 harkis dans les centres d'accueil, et 91 000 personnes au total, en comptant leurs familles, sont rapatriées entre 1962 et 1968[18].

Statut des harkis rapatriés

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En 1963, un Comité national pour les Musulmans-Français est créé et présidé par Alexandre Parodi, président du Conseil d'État. Traitant à la fois la question des harkis et celle de tous les autres musulmans arrivés en France à la fin de la guerre, il mène à l'amalgame entre Français musulmans et harkis[7].

Le terme de harkis devient donc, par abus de langage, une catégorie sociale de Français qui n'ont pas les mêmes droits que les Français de souche européenne[7]. Par exemple, le , le ministre des Rapatriés François Missoffe enjoint aux préfets de ne reloger des harkis dans les HLM qu'une fois tous les rapatriés d'origine européennes installés[7],[83]. Les notables musulmans ne vivent pas les mêmes choses que les anciens auxiliaires : le , un télégramme identifie les « « musulmans de qualité » devant être traités exactement comme des Européens »[57].

En 1965, une procédure spéciale de rapatriement est mise au point entre les gouvernements français et algérien pour les harkis emprisonnés par le FLN. Leurs noms sont inscrits sur une liste noire, et ils sont interdits de séjour sur le territoire algérien[84].

De à , la France accueille 23 721 personnes sur son territoire par la voie officielle, dont une majorité d'anciens supplétifs. En parallèle, de 25 000 à 40 000 anciens supplétifs arrivent en métropole par leurs propres moyens à partir de [4]. On estime à 15 000 ou 20 000 le nombre de familles de harkis, soit environ 90 000 personnes, qui s'établissent en France de 1962 à 1968 et demandent la nationalité française[73]. Jean Lacouture écrit dans Le Monde, le  : « on croit pouvoir avancer que sur une centaine de milliers de musulmans algériens ayant fait partie entre 1954 et 1962 de l’une ou l’autre des huit cents harkas qui furent levées, cinq mille environ ont gagné la France, accompagnés de leurs familles, ce qui fait un ensemble de trente mille personnes environ, plus de dix mille autres auraient été entre le 19 mars et le 1er novembre, exécutés ou assassinés ; les autres ont subi des sorts divers »[7].

Camps de transit

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Camp d’internement des Harkis de Rivesaltes

Un premier camp de transit, celui du Larzac, accueille 1 700 personnes fin [7]. Il est suivi par le camp de transit de Bourg-Lastic[85]. Ces camps servent à héberger temporairement les réfugiés avant leur redistribution vers d'autres lieux[86]. L'Armée française cherche à disperser les familles originaires d'un même village afin d'éviter la reconstitution de structures communautaires[23]. Les conditions de vie déplorables dans ces camps provoquent une surmortalité infantile[87].

Plusieurs camps sont installés dans des anciennes prisons qui ont servi pour d'autres populations : républicains espagnols, militants du FLN, Indochinois ou encore Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale[78]. C'est par exemple le cas au camp de Rivesaltes. À son ouverture en , des FSNA, accompagnés de leur famille, sont hébergés dans des baraquements en dur. En septembre, des supplétifs et leur famille arrivent, beaucoup plus nombreux : ils sont pour la plupart hébergés sous des grandes tentes fournies par l'armée. Pendant l'hiver, qui est très rigoureux et durant lequel les tentes ne sont pas chauffées, des dizaines d'enfants en bas âge meurent de froid[86].

À la fin de l'année 1962, avec 12 000 habitants du camp, Rivesaltes est la deuxième ville la plus peuplée du département. 44 classes y sont ouvertes, pouvant accueillir plus de 1 300 élèves ; un dispensaire et une maternité sont ouverts, ainsi qu'une poste, et des bâtiments sont affectés à l'apprentissage professionnel. Le camp est divisé en villages de 25 familles : à la tête de chaque village, on compte un capitaine et deux adjoints, dont un d'origine rapatrié[86].

En 1963, les effectifs du camp diminuent et les familles sont progressivement relogées des tentes aux bâtiments en dur, mal restaurés et peu chauffés. Le Secours catholique et les Quakers de la Young Men Christian Association sont présents dans le camp et apportent entre autres des vêtements chauds. Le camp de Rivesaltes ferme en [86].

Population du camp de Rivesaltes[86]
Date Hommes Femmes Enfants Total
3 050 1 910 4 660 9 620
12 000
7 500
1 650 1 557 3 541 6 748
5 498
3 536
2 300

Hameaux de forestage

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Un bâtiment regroupant deux maisons mitoyennes en préfabriqué.
Un bâtiment du hameau de forestage de Montmeyan.

En 1963, on compte 75 hameaux de forestage, majoritairement situés dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur[86]. Chaque centre accueille un maximum de 25 familles dans des bâtiments préfabriqués et sont soumis à un règlement rigoureux[7]. Les préfabriqués sont considérés comme des logements de fonction : si le père de famille perd son emploi, la famille doit quitter le logement[86]. Les habitants sont salariés par l'Office national des forêts pour diverses missions de protection de l'environnement : plantage et coupe d'arbres ou gestion des incendies de forêt[88].

Un avantage particulier des hameaux de forestage pour le gouvernement est de garder les supplétifs à l'écart des immigrés algériens, de crainte de relancer la guerre d'Algérie dans la métropole[88]. Quelques communes demandent à accueillir ces hameaux, afin de repeupler leurs écoles et relancer le commerce dans le village[88].

La réalisation des travaux prévus et la dégradation des bâtiments conduisent à la fermeture progressive des hameaux à partir de 1966[88]. En 1973, on compte encore 40 hameaux de forestage rassemblant 1 026 employés[7]. Les familles obligées de quitter les hameaux sont généralement reclassées dans le secteur de l'industrie ou dispersées dans d'autres structures. Certaines s'installent avec leurs propres moyens et relations. Enfin, les vieillards et invalides rejoignent les cas « inclassables » et sont envoyés aux cités d'accueil de Saint-Maurice-l'Ardoise et Bias[86]. En 1982, il n'existe plus que 23 de ces hameaux[7].

Cités urbaines

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En 1963, 42 cités urbaines existent pour accueillir les réfugiés[7] : elles sont divisées en 2 000 logements Sonacotra près de villes moyennes comme Amiens et Montpellier[réf. nécessaire].

Cités d'accueil

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Camp de Saint-Maurice-l'Ardoise

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Les cas considérés comme inclassables ou irrécupérables par l'administration sont orientés vers deux cités d'accueil : les camps de Saint-Maurice-l'Ardoise et de Bias[7].

Le camp de Saint-Maurice-l'Ardoise ouvre en pour l'hébergement temporaire des familles en attendant leur dispersion et pour le triage des nouveaux débarqués. Le camp appartient à l'armée, et a d'abord servi à interner des prisonniers politiques : républicains espagnols, prisonniers allemands et militants du FLN entre autres. L'effectif maximum est atteint le avec 5 542 personnes parquées dans une quarantaine de bâtiments, des baraques en préfabriqué et des tentes de l'armée. Le camp étant géré par l'armée, on y applique le règlement militaire avec lever de drapeau et saluts militaires quotidiens, tandis que les habitants sont dirigés vers les tribunaux d'Uzès pour demander la nationalité française[89].

La docteur Andrée Heurtematte, médecin infantile d'Avignon, alerte plusieurs personnalités politiques « des conditions déplorables dans lesquelles étaient tenus les harkis et leurs familles concentrés au camp de l'Ardoise et au camp de Lascours ». Le témoignage fait remarquer qu'à chaque pluie, les tentes et baraques flottent sur des mares de boue, et que le chauffage est le meilleur dans les tentes.

La nourriture est très insuffisante : les enfants de moins de deux ans ont droit à une boîte de lait tous les deux jours, et l'eau courante n'est pas installée. Les médecins ne pouvant pas opérer dans les tentes à la vue de tous, ils demandent le transfert de malades dans les hôpitaux de Nîmes et d'Avignon ; le commandant refusant d'encombrer les hôpitaux, de nombreux décès ne parviennent pas à être évités en raison de lenteurs administratives. À la suite de son rapport, elle devient médecin-chef du service de santé, ce qui lui permet de s'occuper des femmes qu'il était jusque-là impossible de faire déshabiller par des médecins masculins. En 1963, le service de santé mis en place traite 2 000 hospitalisations, 8 000 vaccinations et 255 naissances[89].

Le camp a pour autre objectif d'assurer un emploi à ses habitants, mais le ministre de l'Intérieur Roger Frey craint les tensions entre immigrés algériens et anciens supplétifs et préfère envoyer ces derniers dans les hameaux de forestage plutôt que dans les métiers du bâtiment et des travaux publics, qui sont très demandés[89].

En , le camp est redéfini comme « cité d'accueil ». Il est divisé en deux parties : d'un côté, les « irrécupérables », soit les handicapés physiques et mentaux et les veuves inaptes au travail[90], et de l'autre, les familles et personnes dites « à faibles ressources ». À la rentrée de 1964, six classes sont ouvertes pour 212 élèves de primaire[89]. À la fin de 1964, le camp contient 674 habitants dont 420 enfants. Dix ans plus tard, le premier , on compte 749 habitants dont 497 enfants[89].

À partir de 1974, à Saint-Maurice-l'Ardoise, la situation devient tendue. Le chef de la cité enferme « ceux qu'il juge alcooliques, chahuteurs ou contestataires, le plus souvent des jeunes », et les jeunes répliquent. Ils « prennent conscience de la situation de colonisés dans laquelle acceptent de vivre leurs parents » : en , ils lancent une pétition pour dénoncer l'administration trop rigoureuse, et à la fin de l'année, certains commencent une grève de la faim, qui sera relayée par l'association d'entraide des musulmans français à l'église de la Madeleine à Paris[89]. Le , quatre jeunes prennent en otage le directeur du camp dans la mairie du village voisin de Saint-Laurent-des-Arbres. Le lendemain, ils relâchent le commandant avec la promesse de la fermeture du camp et de l'immunité[91].

Camp de Bias

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Le camp de Bias est officiellement nommé CARA, « Centre d'Accueil des Rapatriés d'Algérie »[92]. En 1965, la cité d'accueil de Bias regroupe 1 113 personnes, dont un grand nombre d'enfants de moins de 14 ans. Les effectifs baissent constamment de 1963 à 1988, année durant laquelle il ne reste plus que 25 personnes dans le camp[92].

Les enfants de rapatriés qui grandissent dans les camps, hameaux de forestage et cités urbaines organisent dans les années 1975 et suivantes des révoltes, alors que leurs parents préfèrent conserver le calme et l'ordre établi. L'expression de « harkis de deuxième génération » est relayée dans les médias et associée aux prises d'otages comme celle de Saint-Laurent-des-Arbres et aux révoltes explosives, en contraste avec leurs parents résignés et dociles[91]. Le gouvernement décide finalement de fermer les deux camps à la fin de l'année 1976 : les départs s'échelonnent du au [7].

Intégration et reconnaissance en France (1965-2020)

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Une politique de dispersion succède aux regroupements. Les camps et les hameaux sont officiellement supprimés, mais leurs résidents restent souvent sur place. En même temps que des Bureaux d'information, d'aide administrative et de conseils (BIAC) sont créés, des mesures spécifiques sont prises pour disséminer les communautés et favoriser leur intégration[78].

Les communautés harkies résistent à la dispersion, ayant tissé sur place des solidarités ou pour diverses raisons financières. Les habitants demandent ainsi souvent à rester dans la région pour être proches de leurs amis et de leur famille ou de leur lieu de travail[89].

Selon Philippe Denoix, en 1990, la population issue des « musulmans français d’Algérie » dépasse les 400 000[18]. Les harkis et leurs descendants représenteraient en 2012 entre 500 000 et 800 000 personnes en France[93],[94].

Législation et statut des Harkis

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Nationalité française

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En , Jean Morin assure que « La République française maintiendra la nationalité française à tous ceux qui, en Algérie, la possèdent actuellement et ne manifesteront pas la volonté de ne plus l’avoir ». Le , Michel Debré annonce que les Français musulmans d'Algérie perdront automatiquement la citoyenneté française s'ils restent en Algérie, mais pourront la reprendre s'ils viennent en métropole après la proclamation de l'indépendance algérienne. Pour obtenir la nationalité française, il faut donc vivre en France et faire une demande de réintégration devant un tribunal français[7].

L'article 2 de l'ordonnance no 62-825 du prévoit qu'à compter du , « les personnes de statut de droit local originaires d'Algérie, ainsi que leurs enfants peuvent, en France, se faire reconnaître la nationalité française »[95],[96].

Une loi du précise que « les personnes de statut civil de droit local, originaires d'Algérie, conservent de plein droit la nationalité française si une autre nationalité ne leur a pas été conférée postérieurement au 3 juillet 1962 »[97].

Statut militaire et réparation

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Les harkis reçoivent le statut d'anciens combattants en 1974[7].

La loi no 94-488 du , portée par le gouvernement de Édouard Balladur et promulguée sous la présidence de François Mitterrand, en faveur des anciens supplétifs et leur famille, dispose dans l'article premier : « La République française témoigne sa reconnaissance envers les rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie pour les sacrifices qu’ils ont consentis »[98].

La loi du 23 février 2005 fixe les conditions de versement d’indemnités en reconnaissance des services rendus et des souffrances endurées par les harkis[99]. Des associations de harkis, dont l'association Harkis et Droits de l'Homme, contestent ces déclarations car les indemnisations s'apparentent seulement à une retraite militaire et non à des indemnités supplémentaires. Elles contestent aussi les « aspects positifs » de la colonisation mentionnés dans l’article 4 de la loi : l'article est abrogé en [100],[101].

Par un arrêt Comité Harkis et Vérité c/ gouvernement français du , le Conseil d'État juge les articles 6 et 9 de la loi du comme contraires à la Convention européenne des droits de l'homme. Ces deux articles opèrent une discrimination des familles de harkis en fonction du mode d'acquisition de la nationalité du harki demandeur[102]. La loi est modifiée en pour prendre en compte les harkis habitant en France, mais n'ayant pas demandé la nationalité française[103].

Responsabilité et pardon

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La loi du 23 février 2022 reconnaît la responsabilité de la France dans les conditions indignes du rapatriement et de l'accueil des harkis et de leurs familles, rapatriés d'Algérie après les accords d'Évian de 1962.

La loi ouvre également un droit à réparation pour les harkis et leurs familles qui ont séjourné dans des camps de transit et des hameaux de forestage. Selon le gouvernement, 50 000 personnes pourraient bénéficier de cette indemnisation, pour un montant d'environ 310 millions d’euros sur six ans. Par ailleurs, cette loi institue également une commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis et leur famille[104].

La Commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis (CNIH) installée par le Premier ministre Jean Castex le 11 avril 2022[105], a pour mission de recueillir la parole des harkis, de leur manifester la reconnaissance de la République, et de leur accorder les réparations prévues par la loi du 23 février 2022[106].

Elle remet le 15 mai 2023 son premier rapport d’activité à la Première ministre[107], qui formule des propositions d’amélioration du dispositif de réparation prévu par la loi, et notamment l’élargissement de la liste des sites donnant droit à réparation. Élisabeth Borne annonce dès la remise du rapport que la proposition d’ajout de 45 sites à cette liste est adoptée par le Gouvernement[107]. Ces sites ont été ajoutés par décret dans la liste de ceux donnant droit à réparation[108].

Le 4 avril 2024, la Cour européenne des droits de l’Homme a condamné la France pour les « traitements inhumains et dégradants des harkis » dans les camps qui leurs étaient destinés[109],[110].

Hommage national

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Reconnaissance politique

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Plaque mémorielle des douze hameaux de forestage du Var.

Jacques Chirac est le premier président français à affirmer que l'État français n'avait « pas su empêcher » les massacres de harkis restés en Algérie[111].

Le , Nicolas Sarkozy s'engage au cours de la campagne présidentielle à « reconnaître officiellement la responsabilité de la France dans l’abandon et le massacre de Harkis »[111],[112]. Le , il reçoit des représentants des harkis à l'Élysée au retour d'une visite officielle à Alger et annonce des dispositions pour améliorer l'intégration des harkis en France[113]. Le , il réitère sa promesse pendant une nouvelle campagne électorale dans le camp de Rivesaltes, près de Perpignan : « La France se devait de protéger les harkis de l'Histoire, elle ne l'a pas fait. La France porte cette responsabilité devant l'Histoire »[114].

En , le secrétariat d'état aux anciens combattants lance l'installation de plaques mémorielles dans chaque ancien hameau de forestage à l'initiative de François Hollande[88]. Le , lors de la Journée nationale d'hommage aux Harkis et aux autres membres des formations supplétives des armées françaises, il reconnaît « les responsabilités des gouvernements français dans l'abandon des harkis, des massacres de ceux restés en Algérie, et des conditions d'accueil inhumaines des familles transférées dans les camps en France »[115].

Le , le président de la République Emmanuel Macron déclare qu'« après la guerre d’Algérie, la France a manqué à ses devoirs envers les harkis, leurs femmes, leurs enfants » et demande « pardon » au nom de la France. Il annonce une loi de « reconnaissance et de réparation »[116]. Cette loi de reconnaissance et de réparation, promulguée le 23 février 2022, crée une Commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les Harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie, chargée notamment de faire des propositions d’amélioration du dispositif de réparation prévu par la loi[117].

Le sociologue et chercheur au Centre d’Analyse et d’Intervention Sociologique Régis Pierret étudie l'utilisation du terme « harki » comme insulte. Il évoque le conflit comme une « dualisation de la société et de mise en compétition »[118]. Le , le président de la République Emmanuel Macron précise : « que l'on m'entende bien, partout dans le pays, quand on insulte un harki, on insulte la France »[119].

Journée d'hommage national

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Saint-Pons-de-Thomières (Hérault) - Stèle des Harkis.

Le , une journée d'hommage national reconnaît officiellement le drame des harkis. Le président de la République, Jacques Chirac, inaugure une plaque, dans la cour d'honneur de l'Hôtel des Invalides, reprenant l'article premier de la loi du . Dans vingt-sept sites de France, les préfets posent la même plaque, tandis que dans tous les départements, une cérémonie est organisée en l'honneur des harkis. Chirac affirme[120] :

« Notre premier devoir, c'est la vérité. Les anciens des forces supplétives, les Harkis et leurs familles, ont été les victimes d'une terrible tragédie. Les massacres commis en 1962, frappant les militaires comme les civils, les femmes comme les enfants, laisseront pour toujours l'empreinte irréparable de la barbarie. Ils doivent être reconnus. La France, en quittant le sol algérien, n'a pas su les empêcher. Elle n'a pas su sauver ses enfants. Les Harkis ne sauraient demeurer les oubliés d'une histoire enfouie. Ils doivent désormais prendre toute leur place dans notre mémoire. La mission des historiens doit se poursuivre. Elle doit être menée avec conscience et impartialité. La connaissance du passé, parce qu'elle permet de rendre justice aux victimes de l'histoire ne peut que servir l'approfondissement de notre concorde nationale. Ce devoir de vérité trouve son prolongement naturel dans un devoir de reconnaissance. »

Le , le Président de la République, Jacques Chirac instaure une « Journée nationale d'hommage aux Harkis et aux autres membres des formations supplétives des armées françaises », le de chaque année[121]. Hamlaoui Mekachera, secrétaire d'État aux anciens combattants, commente : « Pour leur courage et leur fidélité à la France, tous [les combattants musulmans] méritent la reconnaissance de la République. C'est pourquoi le président de la République a décidé de pérenniser et d'inscrire dans le calendrier officiel des commémorations nationales la Journée d'hommage aux harkis qu'il a présidée pour la première fois en 2001 et qui avait été reconduite l'année dernière. Plus qu'une simple officialisation, le décret du 31 mars 2003, qui instaure une Journée nationale d'hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives, est la marque forte et tangible de la gratitude des autorités de l'État et de la Nation tout entière, envers ces hommes et ces familles qui ont payé d'un prix souvent terrible leur attachement à la France »[122].

Reconnaissance civile

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Les harkis deviennent un sujet d'étude à partir de la fin des années 1990 et de publications de Charles-Robert Ageron dans la revue 20 et 21 : Revue d'histoire. En 2006, Tom Charbit publie Les Harkis aux collections « Repères » et popularise le sujet d'étude des harkis. La première thèse sur les harkis est soutenue en 2010 par François-Xavier Hautreux[111].

La création de la Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie est annoncée le . Elle est inaugurée le [123], mais son activité de recherche reste anecdotique[111]. Elle est reconnue d'intérêt public par le gouvernement[123].

Le , le nom du lieutenant Youssef Ben Brahim, ancien du Commando Georges[124], est donné par l’Armée de Terre à une promotion d’officiers d'active des écoles d'armes (O.A.E.A.), de l’École d’application de l’infanterie (ÉAI) de Montpellier[125].

Associations d'anciens combattants harkis

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Beaucoup d’associations de harkis ont une structure locale, axée sur l’aide sociale et la participation aux commémorations. D'autres associations, à envergure nationale, ont des objectifs plus élargis, principalement dans le domaine de la mémoire.

L’association Justice information réparation pour les harkis cherche à « faire connaître l’histoire des harkis et convaincre les décideurs politiques de passer de l’assistanat à la réparation matérielle et morale puis à la pleine intégration politique »[126]. L’association Harkis et droits de l’Homme, cofondée par Hadjila Kemoum et Fatima Besnaci-Lancou, a pour but de « mettre en œuvre tout travail d'histoire et de mémoire, sous l'angle des droits de l'homme, pour faire connaître l'histoire des harkis »[127]. L'association Mémoire d'hier et d'aujourd'hui pour demain, fondée en 2004 et présidée par Achour Baali, membre du Haut Conseil des rapatriés d'Algérie, agit essentiellement sur le devoir de mémoire[128]. Enfin, le Comité Harkis et Vérité, présidé par Charles Tamazount, travaille plus particulièrement sur les questions juridiques[129].

En , huit membres du Comité national de liaison des harkis déposent une plainte contre la France pour crime contre l’humanité[130].

La loi du relative aux formations supplétives des forces armées permet aux associations de harkis de défendre ces derniers lorsqu'ils font l'objet de diffamation ou d'injure[131].

Discrimination en Algérie (1962-2020)

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Législation algérienne

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Il faut préciser que les Harkis n'ont pas été déchus de leur nationalité algérienne (acquise en 1963) par l'Algérie et sont donc tous binationaux (cela même si l'État algérien a généralement refusé de leur délivrer des « papiers algériens »)[132]. Ainsi comme le rapporte Fatima Besnaci-Lancou et Abderahmen Moumen, « Paradoxalement, les anciens supplétifs sont toujours considérés comme Algériens [par les autorités algériennes], la déclaration effectuée par ces derniers de la recognition de la nationalité française n'est pas avalisée par les autorités algériennes. Leurs épouses et leurs enfants sont tout autant considérés comme des nationaux algériens, malgré la présentation de passeports français. »[133].

Plusieurs dispositions légales discriminent les anciens harkis ou leurs enfants. Ainsi, la loi 99-07 du , relative au « moudjahid et au chahid » prévoit, en son article 68 que « perdent leurs droits civiques et politiques, conformément à la législation en vigueur, les personnes dont les positions pendant la révolution de libération nationale ont été contraires aux intérêts de la patrie et ayant eu un comportement indigne »[134], disposition qui désigne clairement les anciens harkis. De même, la loi organique no 12-04 du relative aux partis politiques précise que ne peuvent être membres fondateurs d'un parti « les personnes nées avant , n'avoir pas eu une conduite contraire aux principes et idéaux de la Révolution du  »[135].

La dernière Constitution, datée de décembre 2020, au vu de l'article 87, prévoit un traitement discriminant quant à la possibilité de se présenter à la candidature pour le poste de président de la République avec notamment l'obligation de « justifier de la participation à la Révolution du  » pour les candidats nés avant et de « justifier de la non implication des parents du candidat né après , dans des actes hostiles à la Révolution du  »[136],[137], cette dernière disposition visant clairement les enfants d'anciens harkis.

Discours politique

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Le Front de libération nationale (FLN) considère les harkis comme des « traîtres » ou des « collaborateurs » dès les accords d'Evian[138]. Le , en visite officielle en France, Abdelaziz Bouteflika déclare que le peuple algérien n’est « pas encore prêt » à accepter le retour de harkis en Algérie. Il compare les harkis aux collaborateurs français sous l’occupation nazie[139].

Bouteflika aborde officiellement la question des harkis pour la première fois au cours de la campagne pour le référendum sur la Charte sur la paix et la réconciliation nationale soumise au vote le . Il déclare au cours d'une visite : « Nous ne faisons pas les mêmes erreurs qu’en 1962 : le massacre de toute une famille, voire de toute une tribu apparentée à un harki ! ». Le , il reconnaît des « erreurs à l’encontre des familles et des proches des harkis » et que « les enfants des harkis ne sont pas responsables des actes de leurs parents ». Une semaine plus tard, le ministre de l'agriculture Saïd Barkat affirme que « la majorité du peuple algérien est contre la venue des harkis en Algérie car ce sont des traîtres à leur pays et à leur nation. Quant à leurs enfants, ils seront les bienvenus à condition qu'ils reconnaissent de facto les crimes de leurs parents »[140].

Opinion publique

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En 2008, l'historien algérien Mohammed Harbi écrit « qu’il faudrait étudier l’histoire d’une manière plus précise et renoncer le plus vite possible à toute une série de stigmatisations dangereuses »[141]. En 2012, le quotidien El Watan publie un sondage selon lequel plus de 84 % des Algériens affirment qu'il « ne faut pas pardonner aux harkis »[142].

La situation conflictuelle des harkis avec les Algériens se transmet aux générations suivantes, descendantes des harkis rapatriés et des immigrés algériens[118].

Bilan humain

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Après les accords d'Évian mettant fin à la guerre d'Algérie, les harkis commencent à être torturés et massacrés par l'Armée de libération nationale. Le nombre de harkis tués après le cessez-le-feu varie selon les estimations entre 50 000 et 150 000[2].

En 2005, les historiens s'accordent à évaluer de 60 000 à 70 000 le nombre de morts des massacres des harkis[3]. Certains parlent de 150 000 victimes[4]. De nombreux harkis furent également arrêtés, emprisonnés et torturés pour leur position contre le régime algérien.

En conséquence, sur les 500 000 harkis, seuls 42 500 survivent[5].

À ces chiffres, il faut ajouter les harkis emprisonnés en Algérie par le Front de libération nationale après l'indépendance. En 1963, la Croix Rouge avait visité 2 400 harkis dans les prisons et 7 000 harkis dans les camps d’internement. En 1965, l’estimation totale du nombre de harkis emprisonnés dans les prisons algériennes allait de 13 500 jusqu'à 60 000 détenus. Face à cette surpopulation carcérale, de nombreux harkis emprisonnés furent employés au déminage manuel des explosifs sur les lignes Morice et Challe, dont la majorité d'entre-eux ne revinrent jamais. Le rapport Gonard du 8 mars 1963, estime le bilan humain de ces opérations de déminage manuel à 20 000 morts[109].

La torture a aussi été employée sur des harkis, des indigènes et des Pieds-Noirs et au sein de leurs familles, notamment lors de la bleuite, par le Front de libération nationale et l'Armée de libération nationale[143],[144] : supplétifs algériens ou civils des mechtas fidèles à la France égorgés, émasculés, femmes et enfants égorgés ou éventrés[145],[146],[147].

Une technique de torture et d'assassinat utilisé par les indépendantistes était le sourire kabyle, consistant en l'égorgement long de la victime[148]. Cette méthode était répandue parmi les combattants de Kabylie, qui était alors l'un des principaux foyers d’affrontements.

De nombreux Harkis en furent victimes[149]. Parfois, notamment lors de l'embuscade de Palestro en 1956, cette pratique a été appliquée sur des cadavres, s'y ajoutant l'éviscération[150].

Selon Jacques Duquesne, journaliste à La Croix à Alger à la fin des années 1950 :

« On parlait dans l'armée du « sourire kabyle » : égorgement de pieds-noirs ou d'Algériens supposés favorables à la France dont on avait tranché le cou et fourré le sexe dans la plaie[151]. »

Le nombre de harkis augmente fortement dans la première partie de la guerre, et baisse à la même vitesse à l'approche de l'indépendance algérienne[5]. Il est particulièrement difficile d'estimer le nombre de harkis engagés : l'Armée française leur fournit un contrat journalier, souvent verbal, et ne les recense pas. Les historiens estiment donc leur nombre en étudiant l'utilisation des crédits de l'armée destinés à leur recrutement ; cependant, ces derniers sont parfois utilisés à d'autres fins et en particulier pour rétribuer des informateurs ponctuels[7].

En , à son maximum, l'effectif combiné des GAD et des harkas représente 63 000 harkis. 7 500 GMPR, 19 100 moghaznis, 3 060 UR-Aassès, 62 000 autodéfenses (dont 50 % armés) = 154 700 (dont 123 700 armés). Ils sont mieux armés, accèdent à certains grades de l'armée et l'état-major voudrait les former pour qu'ils deviennent des « militants de la cause française »[9]. En , le nombre de Français de souche nord-africaine (FSNA), appellation désignant les Français musulmans à l’époque, engagés dans l’armée ou l’État français, est estimé à environ 250 000 personnes réparties entre[152] :

  • 217 000 Français musulmans dans l’armée régulière ou supplétifs (57 000 harkis, 9 100 GMS (gardes mobiles de sécurité), 19 450 moghaznis, 65 850 gardes d’autodéfense dont 29 270 armés répartis en 2 107 groupes et 65 600 appelés et engagés) ;
  • 33 000 Français musulmans inscrits dans la vie politique et l’administration (un ministre, 46 députés sur un total de 67 pour l’Algérie, 350 conseillers généraux sur un total de 452, 11 550 conseillers municipaux sur un total de 14 000 et 20 000 fonctionnaires dont un préfet et plusieurs sous-préfets).

Environ 5 % des effectifs sont des ralliés qui ont quitté les rangs du FLN. On se méfie souvent d'eux, il y a parfois des désertions dans l'autre sens et les ralliés y sont parfois impliqués[153]. 10 % des harkis sont incorporés dans les commandos de chasse[154], mais l'activité de beaucoup de ces commandos de chasse ne se distingue pas tellement de celle de la majorité des harkas : protection et patrouilles[155]. D'après le général Challe, seuls 5 000 ou 6 000 harkis seraient vraiment investis dans des opérations de commandos[156]. Certains harkis sont également employés comme voltigeurs ou interprètes dans les unités de l'armée régulière[157].

Si les effectifs des membres des harkis ont culminé autour de 63 000 hommes[158], le nombre de ceux qui à un moment donné en ont fait partie est de l'ordre de 80 000 auxquels s'ajoutent un grand nombre d'autres Français musulmans qui ont collaboré de près ou de loin avec l'administration ou l'armée française. Au total, durant la guerre, l’Armée française recense 160 000 contractuels harkis, moghaznis, GMPR (devenus GMS) et un peu plus de 110 000 réguliers[159]. Le nombre de français musulmans enrôlés ou engagés dans les supplétifs durant toute la guerre varie de 200 000 à 400 000 selon les historiens[73].

Les harkis sont une classe à part des soldats musulmans de l'armée régulière (FSNA ou Français de souche nord-africaine), qui sont 85 000 en 1960[160]. Au total, durant la guerre, l’Armée française recense 160 000 contractuels harkis, moghaznis, GMPR (devenus GMS) et un peu plus de 110 000 réguliers[159]. Le nombre de français musulmans enrôlés ou engagés dans les supplétifs durant toute la guerre varie de 200 000 à 400 000 selon les historiens[73]. Selon François-Xavier Hautreux, cet ordre de grandeur qui représente « 10 % à 20 % de la population algérienne susceptible d'être recrutée » témoigne d'un « phénomène massif, qui a concerné avec plus ou moins d'intensité la société rurale algérienne dans son ensemble »[161].

Le , jour du cessez-le-feu, le contrôleur général aux armées Christian de Saint-Salvy dénombre 263 000 musulmans engagés du côté français en Algérie : 60 000 militaires réguliers, 153 000 supplétifs, dont 60 000 harkis, et 50 000 notables francophiles. Avec leurs familles, ils représentent 1 500 000 personnes sur 8 millions de musulmans[18]. Selon Maurice Faivre, on compte quatre fois plus de combattants musulmans dans le camp français que du côté du FLN[162]. François-Xavier Hautreux considère toutefois que comparer les effectifs des musulmans algériens combattant de l’armée française et ceux de l’ALN « relève d’un non-sens », la stratégie du combat clandestin de l’ALN ne permettant pas la présence d’effectifs armés importants et la nature du combat mené par les nationalistes algériens ne devant pas être réduite à un engagement militaire[163].

Philippe Tripier, officiel du Secrétariat Général de la Défense Nationale, évalue à 3 500 le nombre des soldats musulmans morts pour la France pendant la guerre d’Algérie[164]. Maurice Faivre dénombre parmi les harkis 3 200 supplétifs et 1 345 soldats réguliers morts au combat. Il y ajoute 2 070 décès hors combat[165].

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Bibliographie

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Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Xavier Hautreux, La guerre d'Algérie des harkis : 1954-1962, Paris, éditions Perrin, , 467 p. (ISBN 978-2-262-03591-4, présentation en ligne).
  • Azni Boussad Harkis, crime d'état (ISBN 2-290-32158-3)
  • Bachaga Saïd Boualam - Mon pays la France - 1962 - Éditions France-Empire
  • Bachaga Saïd Boualam - Les harkis au service de la France - 1963 - Éditions France-Empire
  • Bachaga Saïd Boualam - L'Algérie sans la France - 1964 - Éditions France-Empire
  • Maurice Faivre « un village de harkis »
  • Maurice Faivre « les combattants musulmans de la Guerre d'Algérie »
  • Daniel Grenon, Harkis, soldats abandonnés, (ISBN 9782845635555)
  • Nicolas d'Andoque, Guerre et paix en Algérie. L'épopée silencieuse des SAS : 1955-1962, Paris, Société de production littéraire, 1977

Rapport du ministère des Armées

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Sciences humaines ou sociales et droit

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Témoignages et romans

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Bande dessinée

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Pièces de théâtre

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  • Christophe Botti, Frères du bled, Alna éditeur 2005, création à la Scène Watteau de Nogent-sur-Marne en 2005.
  • Dalila Kerchouche, Enfants de harki, adapté de 2 textes de l'auteur.

Filmographie

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Documentaires

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  • La Guerre d'Algérie (documentaire, 1972), de Yves Courrière et Philippe Monnier.
  • L'Histoire oubliée - Les harkis : L'enrôlement (documentaire, 1992), Culture Infos.
  • L'Histoire oubliée - Les harkis : L'abandon (documentaire, 1992), Culture Infos.
  • L'Histoire oubliée - Les harkis : Les fils de l'oubli (documentaire, 1994), Culture Infos.
  • Passé sous silence (documentaire, 2001), réalisation Sofia et Malik Saa.
  • Les amandiers de l'histoire (documentaire, 2003), réalisation Jaco Bidermann et Valentin Lagard.
  • Harkis : des Français entièrement à part ? (documentaire, 2003), réalisation Jean-Charles Deniau.
  • Les jardiniers de la rue des Martyrs (documentaire, 2003), réalisation Leïla Habchi et Benoît Prin.
  • Portraits d’unions, 42 ans après… (documentaire, 2004), réalisation Rachid Merabet et Ali Tebib.
  • Des pleins de vide (documentaire, 2005), réalisation Nicolas Strauss.
  • Amère patrie (documentaire, 2006), diffusé sur France 5, coécrit par Dalila Kerchouche et Manuel Gasquet.
  • Le choix de mon père (documentaire, 2008), réalisé par Rabah Zanoun (52 min), coproduction ERE Production - France 3 Lorraine Champagne-Ardenne.
  • La Blessure : La Tragédie des harkis (documentaire, 2010), coréalisé par Isabelle Clarke et Daniel Costelle, diffusé sur France 3 le — ouvrage homonyme : Clarke et Costelle 2010.
  • Histoire d'un abandon (documentaire, 2011), réalisation Marcela Feraru. Coproduit par l'ECPAD, la chaîne Histoire et le Secours de France.
  • Harki, le Pays caché (documentaire, 2012), réalisation Luc Gétreau. Production : Arsenal Productions et Télé Locale Provence.
  • Hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives (documentaire, 2021), film « collection pédagogique » DMCA-ECPAD.
  • Filles de harkis (documentaire, 2022), 52 min, réalisation de Lucie Boudaud, production : 13 Productions et France 3 Nouvelle-Aquitaine.

Films et téléfilms

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Notes et références

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  1. a b et c Hamoumou, Mohamed, Et ils sont devenus harkis, Paris, Fayard, , 364 p. (ISBN 2-213-03076-6 et 9782213030760, OCLC 835568591, lire en ligne)
  2. a et b Jean Lacouture, dans Le Monde du 13 novembre 1962 donne, à cette date, une première estimation : « Plus de dix mille harkis ont été, entre le 18 mars et le 1er novembre (1962) , exécutés ou assassinés ». Mohand Hamoumou, dans Et ils sont devenus harkis (Fayard, 1994, réédité en 2001, page 249), précise: « Pourtant, il faut bien l’admettre, c’est bien 100 000 à 150 000 personnes, l’équivalent de villes comme Cergy-pontoise ou Orléans, qui furent assassinées dans des conditions horribles ». Le général François Meyer, dans son ouvrage « Pour l’honneur, avec les harkis », (Editions CLD, 2005, page 168) reprend l’estimation de l’historien Jean-Charles Jauffret : « Il semble qu’un consensus rassemble peu à peu les historiens français, et qu’une évaluation commune de 60 000 à 80 000 (victimes) soit retenue ». Boussad Azni, à l’origine de la création du Comité national de liaison des harkis, avance le chiffre de 150 000 harkis tués dans le livre Harkis, crime d’Etat, généalogie d’un abandon (Editions Ramsay, collection J’ai lu, 2002, page 56). Georges-Marc Benamou, dans son livre Un Mensonge français, avance le chiffre de 70 000 victimes. L’historien Gilbert Meynier a déclaré dans une interview publiée dans le quotidien El Watan le 10 mars 2005 que les massacres avaient été moins importants et plus localisés que ce que déclarent certains journalistes comme Georges-Marc Benamou. Abderahmen Moumen et Fatima Besnaci-Lancou, dans Les harkis (éd. Le cavalier bleu, collection Idées reçues, août 2008, page 40), écrivent : « Peu d’historiens s’aventurent à donner des chiffres. Benjamin Stora avance, dans La guerre d’Algérie (1954-2004), la fin de l’amnésie (2004), une estimation entre 10 000 et 25 000 morts, d’autres reprennent les estimations du général Maurice Faivre, soit entre 55 000 et 75 000 morts ». De fait, en 1995, le général Maurice Faivre avançait une fourchette de 50 000 à 70 000 harkis tués par le F.L.N. (Pierre Messmer, Les blancs s'en vont: récits de décolonisation, Albin Michel, 1998, p.174). Les chiffres des morts ont pu être contestés car basés sur des témoignages locaux que l’on a ensuite étendu à l’ensemble du pays.
  3. a et b Jean-Jacques Jordi, « À propos des Harkis » in Sorties de guerre sous la direction de Jacques Frémeaux et Michèle Battesti, Cahier N° 24, 2005, p.48.
  4. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z aa ab et ac François-Xavier Hautreux, « L'engagement des harkis (1954-1962), Abstract », Vingtième Siècle : Revue d'histoire, vol. 90, no 2,‎ , p. 33–45 (ISSN 0294-1759, DOI 10.3917/ving.090.0033, lire en ligne, consulté le )
  5. a b c et d Charles-Robert Ageron, « Les supplétifs Algériens dans l'Armée française pendant la guerre d'Algérie », Vingtième Siècle : Revue d'histoire, no 48,‎ , p. 3 (lire en ligne).
  6. Todd Shepard et Claude Servan-Schreiber (trad. de l'anglais), 1962 : comment l'indépendance algérienne a transformé la France, Paris, Payot, , 415 p. (ISBN 978-2-228-90330-1)
  7. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z aa ab ac et ad « Guerre d'Algérie : qui a laissé massacrer les harkis ? », Marianne,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. « Emmanuel Macron demande « pardon » aux harkis en reconnaissant leur « singularité dans l’histoire de France » », sur Le Monde (consulté le )
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  31. Jean-Jacques Jordi, directeur du Mémorial de l’outre-mer à Marseille, À propos des Harkis, Cahier du CEHD, no 24
  32. « Contrairement à une idée reçue, les Harkis ne sont pas une émanation curieuse de la guerre d’Algérie. Il faut en effet les rattacher à ce mouvement d’autochtones pro-français qui naît dès 1830. Dès 1830, des tribus prêtent allégeance à la France et cette même France va, bien entendu, se servir des multiples inimitiés entre tribus pour asseoir son pouvoir, les poussant parfois l’une contre l’autre. Dès 1831, il y a des troupes « indigènes », pour reprendre cette dénomination du XIXe siècle, engagées sous le drapeau français. Les régiments et compagnies de Turcos, de Zouaves sont là pour nous le rappeler [...]. Nombre d’entre eux sont alors décorés pour faits glorieux en Crimée, Italie, Sénégal, Mexique... Ainsi, se développe dans certaines familles une sorte de tradition militaire parfois réservée aux cadets. À ces militaires de carrière, il conviendrait d’ajouter les anciens combattants des deux guerres mondiales, lesquels, à la Toussaint 1954, se partageront entre la fidélité au drapeau français et l’insurrection. De fait, la constitution des harkas ne peut apparaître uniquement comme un événement de la guerre d’Algérie mais doit être analysé au travers de toute une histoire de liens, d’attachements mais aussi de rejets avec la France. », Jean-Jacques Jordi, « Les harkis » (2007), in Dictionnaire de la France coloniale, Flammarion, 2007, p. 505
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  161. « Sans registres précis, il est impossible de connaître le nombre total d'Algériens ayant ainsi servi du côté français. On peut seulement avancer une estimation comprise entre 200 000 et 400 000 hommes, soit 10 % à 20 % de la population algérienne susceptible d'être recrutée. L'ordre de grandeur témoigne d'un phénomène massif, qui a concerné avec plus ou moins d'intensité la société rurale algérienne dans son ensemble. », François-Xavier Hautreux, « L'usage des harkis et auxiliaires algériens par l'armée française », Abderrahmane Bouchène in Histoire de l'Algérie à la période coloniale. 1830-1962, La Découverte, 2014, pp. 519-526. En ligne.
  162. Harkis : un devoir de mémoire par général Faivre, dans Mémoire et vérité des combattants d'Afrique du Nord, Collectif, éd. L'Harmattant, 2001, p. 151.
  163. « La comparaison souvent effectuée entre les effectifs FSNA de l’armée française et ceux de l’ALN – bien inférieurs – relève également d’un non-sens derrière son apparente logique. D’une part, parce que la stratégie du combat clandestin menée par l’ALN interdit la présence d’effectifs armés importants. D’autre part, en raison de la nature du combat mené par les nationalistes et qu’il ne faudrait pas réduire à un engagement militaire. Avec ce type de comparaisons, on entre en fait dans une lecture idéologique de la guerre, où le poids des représentations justifie l’usage magique des chiffres au détriment de leur analyse. », François-Xavier Hautreux, La Guerre d'Algérie des harkis : 1954-1962, Paris, Perrin, 2013, p. 135
  164. Xavier Yacono, « Les pertes algériennes de 1954 à 1962 », Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, vol. 34, no 1,‎ , p. 119–134 (DOI 10.3406/remmm.1982.1963, lire en ligne, consulté le ).
  165. Hamoumou Mohand, Maurice Faivre Les combattants musulmans de la guerre d'Algérie, L'Harmattan, coll. "Histoire et Perspectives Méditerranéennes", 1995 (compte-rendu), Hommes & Migrations, Année 1997, 1210, p. 173-174
  166. « Le Cousin Harki - Albums - FUTUROPOLIS - Site Gallimard », sur gallimard.fr (consulté le ).
  167. Géraldine D Enjelvin, « Non pas « L'Art de perdre », mais l'art pour ne pas perdre la mémoire harkie », The Conversation, .

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